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Loi de Finances 2016 : Clefs de lecture

La fièvre électorale et la compétition acharnée entre les partis politiques pour la gestion des affaires locales ont presque fait oublier qu’il y a un budget en cours d’élaboration et que celui-ci a la particularité d’être le dernier de l’actuel exécutif. Sa mise en œuvre risque fortement de buter sur les contradictions de l’équipe, révélées au grand jour lors du scrutin du 4 septembre 2015. Les mois qui nous séparent des prochaines échéances électorales risquent de voir la nature même de cette coalition muter.

Loi de Finances 2016 : Clefs de lecture
Si la réduction du train de vie de l’État est une démarche salutaire, il ne faut pas oublier que celle-ci affecte la qualité du service public, dont les citoyens détenteurs de revenus faibles et les couches défavorisées seront les premières victimes.

Une philosophie et des choix économiques libéraux 

La lettre de cadrage du Chef de gouvernement a confirmé les choix de politique économique de l’équipe actuelle aux commandes. Cette politique est basée essentiellement sur l’économie de l’offre et la maîtrise des équilibres macroéconomiques internes (budget de l’État) et externes (balance des paiements). Cette orientation libérale de la politique économique fait la part belle à la performance économique, mais a comme effet collatéral le creusement des inégalités sociales. Et pour preuve, les économies budgétaires réalisées par les gouvernements Benkirane I et II sur la réforme de la compensation et la réduction des dépenses de fonctionnement n’iront pas à la redistribution aux couches défavorisées, ni à la réduction de la fracture sociale, mais bel et bien au renforcement du tissu productif. Ceci à travers la continuation des différents plans sectoriels engagés et la promotion d’une politique d’exportation, tirant profit des différentes zones de libre-échange du Maroc.

Si l’objectif de cette politique, telle qu’annoncé, dans la note de cadrage du Chef de gouvernement, est la ferme volonté du Maroc de rejoindre le club des pays émergents et d’insuffler à son économie une dynamique créatrice d’emplois, on ne peut s’empêcher de relever en la politique adoptée par le gouvernement l’influence, même lointaine, des institutions financières internationales vis-à-vis desquels le Maroc a pris des engagements, en matière de maintien des équilibres macroéconomiques. Et même si le spectre d’un choc de changes rendant nécessaire l’appel au Fonds monétaire international (FMI), en mobilisant la ligne de précaution et de liquidité que nous avons négociée s’éloigne, l’influence de l’institution dirigée par Madame Lagarde sur nos choix économiques se précise. Ainsi à fin juin 2015, nous disposons de 6 mois de réserve de changes contre moins de 4 mois au moment où nous avions négocié les facilités avec le FMI. Et pourtant !

Une forte dose d’austérité

L’autre élément marquant de cette loi de Finances en préparation est la forte focalisation de l’Exécutif sur la réduction du train de vie de l’administration et sur la maîtrise de ses dépenses. En termes de masse salariale, la priorité sera résolument donnée à la mobilité des fonctionnaires en fonction des besoins de l’administration, plutôt qu’au recrutement qui devrait connaître une baisse, ou du moins une stagnation, en 2016. Le chef de l’Exécutif a également insisté auprès de ses ministres sur la nécessaire réduction des frais de fonctionnement de leurs départements (eau, électricité, téléphone, location et ameublement de nouveaux locaux, voyages et déplacements, ainsi que les frais de réceptions et d’organisation de manifestations diverses au Maroc et à l’étranger). En outre, l’acquisition et la location des véhicules de services continueront d’être soumises à l’obtention de l’accord préalable du Chef de gouvernement. Cette autorisation a à priori été étendue, pour la première fois, aux missions d’études et de conseil. Désormais, la priorité est donnée à l’application des recommandations de celles déjà réalisées. Pour les nouveaux projets, des études d’impacts seront préalablement exigées.

Au chapitre des investissements publics, le projet de budget accorde la primauté aux programmes et projets, objets de conventions et engagements signés devant Sa Majesté le Roi ou avec les institutions et les pays donateurs, de même que les initiatives créatrices d’emplois et celles permettant la diminution des écarts spatiaux et l’amélioration du quotidien des Marocains. En outre, il sera exigé d’épurer les crédits et fonds reportés, comme le veut la nouvelle loi organique des finances. Enfin, la note de cadrage remet de l’ordre au sujet du recours à l’expropriation pour utilité publique. Les responsables sont ainsi invités à attendre la résolution des litiges avant d’entamer la réalisation des projets. Si la réduction du train de vie de l’État est une démarche salutaire, il ne faut pas oublier que celle-ci affecte la qualité du service public, dont les citoyens détenteurs de revenus faibles et les couches défavorisées seront les premières victimes. De même que le projet de loi de Finances se focalise excessivement sur l’aspect comptable des dépenses, sans se mettre suffisamment l’accent sur la gouvernance du service public qui en constitue le talon d’Achille. En d’autres termes, le gouvernement se soucie de l’aspect quantitatif et insuffisamment de la qualité du service rendu par l’administration. La force d’une administration est d’abord dans ce qu’elle apporte au citoyen par rapport à ce qu’elle lui coûte. Or la redéfinition du modèle de l’Administration publique au Maroc au XXIe siècle ne semble pas être inscrite parmi les priorités du gouvernement. Seule la réduction de son coût lui importe à ce stade.

Petits meurtres entre amis

Si le scénario d’élections anticipées reste toujours sur la table, compte tenu des profondes déchirures laissées par le scrutin communal au sein de la majorité, c’est la cohésion de la coalition gouvernementale jusqu’aux prochaines législatives qui sera mise à rude épreuve. Il est fort à parier que le gouvernement se transformera, dans le cadre de la configuration actuelle, en une équipe d’expédition des affaires courantes, sans goût politique. N’oublions pas que la note de cadrage a été élaborée un mois avant les échéances électorales, au moment où les partis au pouvoir affichaient une solidarité sans faille. Entre temps, du mauvais sang s’est répandu. 

Par Nabil Adel
M. Adel est cadre dirigeant d’assurances, consultant et professeur d’économie, de stratégie et de finance.
nabiladel74@gmail. com www.nabiladel74. wordpress.coms.

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