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La Chine en Afrique

Khalid Chegraoui,
Professeur d’études africaines, Université Mohammed V Rabat.

Ces dernières années, la Chine est devenue un partenaire économique et politique important pour tout le continent africain. Avec l’ouverture économique des Chinois et leur nouvelle tendance capitalistique, nous remarquons une nette agressivité à contrôler les marchés africains, principalement les hydrocarbures, les minerais dont certains stratégiques et rares et les marchés publics.

La  Chine en Afrique

La Chine, avec un taux de croissance de presque 8%, malgré les méfaits de la crise internationale, a des besoins stratégiques en termes d’approvisionnement en matières premières, nécessaires à son industrie. Aussi, son contrôle des marchés étrangers, dont l’Afrique, lui permet de couler ses marchandises de différents types et qualités. Sa politique repose principalement sur le principe de dépasser toutes les frontières et au large sens de l’action. Les échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique ont décuplé depuis le début du siècle pour atteindre 106,8 milliards USD en 2008 et près de 200 milliards USD en 2013, soit près du double de ceux avec les États-Unis (110 milliards). La situation actuelle est que la Chine est devenue à titre d’exemple le partenaire n° 1 de l’Algérie où elle arrive à emporter la majeure partie des appels d'offres des marchés publics, très lucratifs. C’est aussi un paravent politique et un partenaire économique pour le Soudan, lequel exporte la totalité de sa production pétrolière en Chine, tout au Mozambique est Made in China, une très forte présence au golfe de Guinée, en Angola et partout en Afrique, Afrique du Nord comprise. Aussi la Chine ne s’embarrasse-t-elle pas de la situation interne des pays africains, les questions de droits de l’Homme ou des régimes non démocratiques et la mauvaise gouvernance ne font pas partie de l’agenda chinois, même que cet état de choses est devenu un atout pour la pénétration chinoise.

Comme on l’a vu lors des problèmes de transition politique en Guinée, la Chine pense y investir 7 milliards USD, dans le secteur minier. La Guinée à elle seule représente un grand atout pour la Chine, du fait quelle dispose des plus grandes réserves mondiales en bauxite, 40% en plus de l’uranium et le pétrole non encore exploité convenablement. Concernant les minerais stratégiques et rares, l’Afrique est supposée être un scandale géologique du fait qu’elle en détient la majorité : la production de cobalt du continent africain couvre 40% des besoins mondiaux et la République démocratique du Congo détient à elle seule 50 à 60% des réserves connues dans le monde, en deuxième position, la Zambie et l’Ouganda. L’Afrique est le principal pourvoyeur mondial en diamant. Les principaux producteurs sont la République démocratique du Congo, le Botswana et l’Afrique du Sud. Selon une étude du Bureau américain des mines : 90% des réserves de métaux du groupe du platine (platine, palladium, rhodium, ruthénium, iridium et osmium) sont situés en Afrique du Sud, d’autres pays comme le Zimbabwe, le Burundi, l’Éthiopie, la Sierra Leone ou le Kenya détiennent des réserves connues ou probables. Cet état de lieux ne peut laisser la Chine indifférente. En plus des possibilités minières, la Chine s’intéresse a l’exploitation agricole et forestière, d'autant plus qu’elle a commencé à acquérir de larges exploitations et des terrains à des fins agricoles, profitant des facilités octroyées, des espaces énormes non exploités et des mauvaises gouvernances en Afrique.

Outre cet intérêt économique, la Chine prépare soigneusement sa politique africaine par une connaissance fondamentale et pratique des cultures et des sociétés africaines, et ce à travers son système universitaire et ses instituts, dont le plus important est l’Institut chinois des études internationales, Division des études : Asie du Sud, Moyen-Orient et l’Afrique à travers le Centre des études africaines, le tout dépend apparemment du ministère des Affaires étrangères chinois. Aussi, l’accroissement des boursiers africains en Chine est une mine de renseignements et de connaissances pour les Chinois – chose qui n’est pas exploitée dans l’autre sens – outre l’exploitation des anciennes relations d’amitié dans le cadre de l’appartenance aux pays non alignés ainsi qu’au bloc de l’Est, lors de l’époque de la guerre froide.Cette présence chinoise et son intérêt pour le continent ont poussé certains analystes à parler d’un néocolonialisme semblable à celui opéré par les Occidentaux après les indépendances des années cinquante et soixante, ce qui est dénué de toute logique. Mais le fait est que cette présence en Afrique n’est pas totalement anodine. À part les positions chinoises pro-africaines contre l’Occident dans certains cas, avec le Soudan par exemple, ce qui ne saurait être une règle, puisque les contradictions politiques font que les intérêts de la Chine priment d’abord et qu’un éventuel retournement des positions est tout aussi probable. C’est ce qui est arrivé avec l’acceptation de l’indépendance du Sud-Soudan, qui est devenu aussi un partenaire commercial pour la Chine.

Les investissements et les exploitations chinoises en Afrique restent généralement sans grand effet sur le continent, puisqu’elles reposent sur une exclusive exploitation minière, pétrolière, forestière et agricole, ce qui participe, non sans profit, à la surexploitation du sous-sol africain. Le transfert technologique dans ce domaine et quasi inexistant, comme dans le reste des domaines d'ailleurs. En ce qui concerne les travaux et marchés publics, principalement les infrastructures, il est vrai que les Chinois sont très concurrentiels, en plus de leur respect des délais et des exigences locales, mais cela reste aussi sans grand impact sur les travailleurs locaux et les PME locales, vu la rareté des sous-traitances et l’utilisation d’ouvriers exclusivement chinois, même ce qui est appelé en termes populaires les petites mains.

Mais le grand danger reste les produits manufacturés, importés de Chine ; soit par les locaux, soit par les nouvelles communautés chinoises résidant en Afrique. Ces produits, généralement de mauvaise qualité, vu leur petit prix, peuvent aussi représenter un grand danger sanitaire pour la population, les exemples des huiles végétales et produits cosmétiques sont légende en Afrique, cela à cause aussi de la corruption et de l’absence de mécanismes de contrôle frontaliers. Ces produits manufacturés ne se limitent plus à des besoins non existants dans le continent, mais elles commencent à dépasser cet état de choses vers la contrefaçon et l’imitation de produits artisanaux locaux, ce qui détruira le peu de tissu industriel africain (on le voit au Maroc avec des tagines, des théières et des babouches Made in China, l’artisanat de bois et les sculptures africaines en font aussi les frais). Concernant les communautés chinoises résidant en Afrique, en dehors du fait de leur stérilité économique pour les pays de résidence, et vu leur impossible intégration, leur non-utilisation des systèmes bancaires et économiques locaux et leur quasi-autarcie peuvent générer des conflits, comme c’était le cas en Algérie et au Cameroun. En guise de conclusion, nous pensons que les relations avec la Chine, malgré les quelques inconvénients, sont devenues une nécessité stratégique pour tout le continent. Ce qui nous oblige à plus d’intérêt pour la Chine en termes d’études et d’expertises, chose qui ne peut se faire sans une formation d’experts en tous genres des affaires chinoises. Cette exigence doit couvrir bons nombres de pays asiatiques et même sud-américains, du moment que ce n’est plus la Chine qui est en course toute seule, l’Inde et le Brésil entament à leur tour leur conquête du continent africain, en plus de la Turquie.

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