Éco-Conseil : Peut-on refuser une promotion en entreprise ?
Khadija Boughaba : Oui, tout à fait, une promotion interne peut être déclinée. Encore faut-il bien savoir dire non, car le refus est un exercice très périlleux. Alors que logiquement «une promotion, ça ne se refuse pas», si cela arrive, c'est le signe qu'il y a un manque de communication entre le collaborateur et sa hiérarchie. Une promotion ne devrait pas être une surprise. Cela veut dire aussi que la question de la relève n'est pas bien maitrisée ou que les rendez-vous d'entretien ne permettent pas de remonter les informations pertinentes pour faire ce type de propositions ! Cela dit, dans le contexte actuel de forte mobilité externe, nombre d'entreprises se trouvent dans des cas d'urgence de vacance de poste, suite à un départ non prévu. Le réflexe est d'abord de se tourner vers les ressources internes.
Quelles seraient les raisons valables pour décliner une telle offre ?
Les raisons sont multiples et varient selon le contexte du poste proposé, la phase de carrière et la personnalité des intéressés. Au cours de mes entretiens, il m'arrive assez souvent de rencontrer des situations pareilles : une personne s'est vu proposer le poste de DAF d'une nouvelle filiale, alors qu'elle n'avait jamais managé d'équipe directement ni pris de décisions dans l'opérationnel en tant qu'auditeur senior. En se projetant dans ce nouveau poste, il a tout de suite compris qu'il ne pourrait pas assumer cette responsabilité immédiatement. Son refus a été mal perçu par sa hiérarchie. Sur le plan personnel, il a découvert que c'est avant tout la peur de se voir en première ligne qui l'a fait reculer ! Pour revenir aux raisons de décliner une promotion, il y a ce cas de manque de confiance en soi lié à sa personnalité et son leadership qui peut être développé afin de se préparer pour d'autres opportunités ou encore :
• Le fait de ne pas avoir suffisamment de visibilité sur le nouveau poste. Il arrive que dans une réorganisation, de nouvelles positions hiérarchiques soient créées à la hâte.
• Les exigences de la nouvelle responsabilité en termes de disponibilité et mobilité qui peuvent avoir un impact sur l'équilibre vie professionnelle et personnelle.
• Le fait de connaitre ses limites et de ne pas prendre le risque de décevoir. Il arrive, par manque de données sur le collaborateur, que la hiérarchie surestime ses capacités et aptitudes en se basant sur des situations ponctuelles.
Comment s'y prendre pour refuser une promotion ?
Avec beaucoup de tact, et jamais à chaud !
1. D'abord remercier votre supérieur pour sa confiance et demander poliment un délai de réflexion pour faire connaitre votre avis.
2. Regrouper toutes sortes d'informations sur la nouvelle situation proposée et bien réfléchir sur les changements nécessaires pour réussir, vos points forts, vos points faibles, votre motivation, vos aptitudes managériales...
3. Bien structurer son argumentaire pour avancer des éléments convaincants, sans nuire à votre carrière, ne pas donner l'impression de vouloir rester dans votre «zone de confort».
4. Choisir le bon moment pour exprimer votre refus. Prendre le temps de bien écouter votre hiérarchie. Peut-être pourra-t-elle vous infléchir avec des conditions plus favorables que vous ne le pensiez en termes d'accompagnement, de délais de réalisation d'objectifs, de soutien...
5. Si votre position est définitive, user de votre sens de communication pour rester positif et recueillir l'adhésion de votre hiérarchie à vos arguments. Ne manquez pas de proposer des solutions alternatives si possibles pour manifester votre engagement.
Le supérieur devra-t-il tenir compte de ce refus dans l’avenir ?
Une promotion refusée est naturellement prise en compte dans l'avenir. Ce qui est important, c'est le questionnement de part et d'autre qui doit être généré. Sans conviction et motivation, le succès dans un nouveau poste ne peut être garanti. Mais attention : rappelons que le parcours d'un collaborateur au sein de l'entreprise est idéalement un croisement de l'intérêt individuel et collectif. Selon la taille de l’entreprise, l'évolution de carrière ne sera pas la même en tenant compte des passerelles de mobilité possibles. Refuser une promotion dans une entreprise à taille réduite est beaucoup plus problématique, car les opportunités seront plus rares et l'employeur sera moins enclin à garder des collaborateurs qui ne répondent pas aux besoins de l'organisation et qui de surcroît peuvent revenir plus chers à l'entreprise.
