Faisant la lumière sur la situation de ces compagnies, le quotidien sud-africain «The Times» indique, en citant des économistes, que la mauvaise performance de ces corporations sabre la croissance économique du pays de 2 à 3% annuellement. Il s'agit notamment de la compagnie nationale d'électricité ESKOM, du transporteur national South African Airways (SAA) et du Post Office.
La lenteur de la croissance économique du pays est en grande partie due à la mauvaise performance de ces trois compagnies, estime William Gumede, professeur à l'école de gouvernance relevant de l'Université de Witwatersrand.L'Afrique du Sud vit, depuis 2009, au rythme d'une croissance en deçà des potentialités de ce pays.
Après une croissance négative (-1,5% en 2009), le pays a enregistré un léger rebond de 3% en 2010 et 3,2% en 2011 avant de fléchir à 2,2% en 2012 et 2013 puis à peine à 1,5% en 2014. Le taux prévu pour 2015 ne devra pas dépasser 2%. D'après le «Times», les compagnies étatiques, qui accaparent 20% de la totalité des investissements en Afrique du Sud, sont devenues un fardeau pour l'État, car elles drainent une grande partie des ressources financières.
Citant l'exemple du Post Office, le journal indique que les pertes mensuelles de l'entreprise sont estimées à 100 millions de rands (1 dollar US = environ 13 rands). La mauvaise gestion de cette entreprise, qui a récemment bénéficié d'une garantie de crédit de près de 78 millions de dollars, s'est répercutée sur de nombreuses petites et moyennes entreprises, poursuit le journal, qualifiant l'entreprise d'avion sans pilote.
ESKOM, l'autre grande compagnie publique, est pointée du doigt pour la grave crise d'électricité qui affecte depuis un certain temps cette nation arc-en-ciel. Cette crise, qui se traduit par des opérations de délestage quasi régulières, plombe la croissance de tout le pays, désormais otage du vieillissement des centrales d'ESKOM. Ces coupures fréquentes touchent particulièrement les secteurs miniers et manufacturiers et suscitent la méfiance des investisseurs.
Le groupe a révélé dans un récent rapport que son bénéfice net pour 2014/2015 s'établissait à 3,6 milliards de rands (253,6 millions d'euros), contre 7,1 milliards de rands (502 millions d'euros), l'année dernière, soit une alarmante chute de 49%.
La compagnie aérienne a, pour sa part, essuyé des pertes de l'ordre de 2,6 milliards de rands en 2013/14. Pas moins de six patrons se sont succédé à la tête de cette compagnie stratégique en l'espace de six ans, une situation qui en dit long sur la grave crise qu'elle traverse.
La trésorerie sud-africaine, qui a pris en main la gestion financière de la SAA, a accordé à la compagnie une garantie de crédit de l'ordre de 14 milliards
de rands. Revenant sur l'historique des compagnies publiques, le «Times» note que ces corporations ont servi de véritable locomotive pour l'économie du pays depuis la moitié du 20e siècle, quand ESKOM et la Corporation du fer et de l'acier ont été créées pour promouvoir les infrastructures et tirer le secteur des services au lendemain de la Première Guerre mondiale.
Vers la fin des années 1980, le gouvernement détenait directement ou indirectement près de 40% du secteur industriel, soit la part la plus importante en dehors de l'ancien bloc communiste.
À cette époque, plusieurs des compagnies publiques étaient considérées comme non rentables, car dépendant des fonds publics, indique le «Times», ajoutant que le monopole de ces entreprises par l'Apartheid a fait d'elles des domaines strictement réservés aux blancs au dépens de la majorité noire.
Après la fin de l'Apartheid, l'espoir naissait de voir ces compagnies se transformer en moteur pour corriger les déséquilibres sociaux et économiques.
Cette situation, indique le journal, a entrainé une hausse importante des fonds injectés dans ces compagnies pour fournir les services de base à une majorité noire largement déshéritée.
L'emploi à outrance et la désignation sur la base de considérations purement politiques de personnes peu compétentes pour diriger ces entités ont empiré la situation de ces entreprises, déplore le journal.
«Nous avons hérité de montres sans prendre la peine de les améliorer», indique Gary Van Staden, analyste au cabinet NKC African Economist, ajoutant que les compagnies publiques ne sont pas dotées de dirigeants de qualité capables de faire de ces corporations des vecteurs de croissance. «Ces compagnies ne sont plus ni productives ni rentables», s'insurge-t-il.
Pour faire sortir ces grandes compagnies de leur situation actuelle, certains analystes comme Attard-Montalto du cabinet Nomura, proposent de retirer au gouvernement l'autorité de désigner les patrons de ces corporations.
L'Afrique du Sud doit prendre les décisions qui s'imposent pour promouvoir l'efficacité de ces compagnies pour faire d'elles un réel moteur de croissance capable de générer les emplois dont le pays a besoin pour juguler un taux de chômage sans cesse galopant, estime l'analyste.