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Quand l’Inde dit non à l’Union Africaine

Bouchra Rahmouni BenhidaProfesseur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

Quand l’Inde dit non à l’Union Africaine

Les travaux du troisième Sommet du forum Inde-Afrique 2015 se sont ouverts, lundi à New Delhi, avec la participation de 54 pays africains, dont le Maroc. Cette rencontre de haut niveau, dont la première édition a été organisée en 2008 à New Delhi et la deuxième en 2011 à Addis-Abeba, se veut ainsi un cadre de partenariat Sud-Sud et d’échange des expériences en vue de mobiliser et de renforcer la capacité des pays africains à relever les défis majeurs auxquels ils font face, notamment ceux relatifs à l’accès à une éducation de qualité, au développement des compétences et au renforcement des capacités, à l’amélioration des soins de santé et à la promotion des sources d’énergie propres et modernes. C’est également l’occasion d’examiner les modalités de développement de la coopération économique entre l’Inde et l’Afrique, de promotion des investissements et d’établissement d’une plateforme économique indo-africaine à même de renforcer la stabilité et la justice sociale et de contribuer à la lutte contre la pauvreté, le sous-développement et l’extrémisme. L’objectif d’une telle rencontre est donc la consolidation d’un partenariat Inde-Afrique fondé sur les principes d’égalité, d’amitié, d’avantage mutuel et de solidarité, principes qui représentent l’essence même de la coopération Sud-Sud. Mais encore !

La troisième édition du Sommet Inde-Afrique, qui s’est déroulée sous le thème «Partenaires dans la progression : vers un agenda de développement dynamique et transformateur», a pris fin hier en donnant une orientation stratégique aux relations Inde-Afrique. Jusqu’ici tout s’annonce bien ! Toutefois, quand on parcourt l’amont de l’édition 2015, les supports dédiés à la communauté de réflexion au sein des pays africains, on constate que celle-ci a brillé par la modestie de son analyse quant aux attentes de l’Afrique du Sommet de New Delhi. Avec une telle pénurie de points de vue, la question légitime serait : l’Afrique, en tant que bloc, dispose-t-elle d’une réelle stratégie dans ses relations avec l’Inde ? Ou du moins, comment atteindre les objectifs énoncés par les organisateurs du Forum ? On ne sait pas non plus dans quelle mesure les participants africains auraient pu parler d’une seule voix lors du Sommet. Dans le même ordre d’idées, une autre question s’impose : n’est-ce pas là le rôle de l’Union Africaine ?

Au lieu de s’atteler à l’élaboration d’une stratégie africaine fédératrice et bien pensée, l’UA semble assister simplement comme une invitée qui n’a pas bien défini les attentes et les engagements du continent qu’elle représente et n’a pas réfléchi en termes de résultats pragmatiques à l’issue de ce sommet. On constate aussi qu’aucun effort n’a été fourni pour sortir des sentiers battus en termes d’attentes du continent. L’UA a-t-elle des propositions d’ordre tactique pour pallier les carences et les faiblesses africaines en tirant profit de ce partenariat Inde-Afrique ?

Et pourtant, les problématiques africaines auxquelles l’Inde peut aider à apporter une réponse ne manquent pas et peuvent être formulées, entre autres, autour de six principaux axes :

1. La recherche de la cohérence politique dans la relation entre le continent africain et l’Inde.

2. La discussion des lignes directrices d’un investissement responsable et socialement bénéfique par des entreprises indiennes dans les économies africaines.

3. L’analyse de la façon dont l’engagement de l’Inde sert et servira les intérêts du continent dans la montée en gamme de l’Afrique dans la chaine de valeur mondiale à un moment où le rôle de l’Inde dans le commerce global est en croissance.

4. L’ouverture d’un dialogue autour de la collaboration dans la recherche et développement dans le domaine de la santé publique. Une telle initiative peut contribuer à l’amélioration de la santé dans les ensembles Inde-Afrique et faire de la diplomatie de la santé plus que le simple accès à des médicaments abordables pour lutter contre le sida ou contre les maladies transmissibles.

5. La création d’une plateforme de réflexion et de dialogue pour la société civile pour une meilleure approche des problèmes sociaux et sociétaux et pour un meilleur déploiement d’une approche ascendante (bottum-up) dans les deux espaces.

6. L’insistance sur le fait que tout engagement de l’Inde et de tout autre acteur qui implique le continent doit être fait en consultation avec l’Union Africaine, de façon à refléter les intérêts de l’Afrique d’abord et le rôle du continent. Un rôle qui ne doit plus se limiter à celui d’un partenaire junior (exemple : l’accord entre Washington et New Delhi pour entraîner les troupes dans six pays africains avant qu’ils soient déployés dans des missions de maintien de la paix de l’ONU).

L’union Africaine avait apparemment d’autres chats à fouetter, elle déployait des efforts monumentaux pour atteindre un double objectif : écarter le Maroc du Forum Inde-Afrique et s’assurer de la participation de la pseudo république sahraouie à cet événement. C’est le monde à l’envers et la bêtise à l’endroit. L’UA s’est retrouvée dans la situation de l’arroseur arrosé. L’Inde a réaffirmé, envers et contre le lobby anti-marocain, son respect de la légitime souveraineté du Royaume du Maroc sur son Sahara.

Au-delà du renvoi de l’ascenseur par New Delhi à Rabat, qui avait usé de son influence auprès des membres de l’Organisation de la coopération islamique pour reporter l’examen de la demande d’adhésion à l’OCI des rebelles musulmans de la partie de la province du Cachemire sous tutelle de l’Inde, la présence du Maroc était plus que légitime à ce forum. En plus d’être le deuxième investisseur en Afrique et l’initiateur sur le continent d’une coopération Sud-Sud innovante basée sur le codéveloppement, le Maroc s’est rendu en Inde avec une stratégie de coopération claire, dont les grandes lignes, qui concernent aussi bien le Royaume que l’Afrique, ont été annoncées par Sa Majesté le Roi dans le discours prononcé lors du Sommet. Une présence qui a particulièrement retenu l’attention du gotha politico-médiatique de New Delhi. La majorité des titres de la presse indienne reprenaient «Le Roi Mohammed VI est le premier Chef d’État africain à arriver à New Delhi». Un Chef d’État qui était à la tête de la plus grande délégation présente à ce Sommet. Les relations en sortiront plus que jamais renforcées avec une Inde qui vise à devenir, à l’horizon 2030, la troisième plus grande puissance mondiale.

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