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Quels sont les enjeux de la COP 21 ?

Ce sont 195 pays qui participent à la 21e Conférence sur le climat ayant lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre. Leurs représentants ont la lourde tâche de discuter de l’avenir de la planète et des efforts nécessaires pour maintenir la température en dessous des 2°C par rapport à l’ère industrielle. Mais quelles sont les chances de réussite d’une telle conférence qui réunit des pays aux visions et aux intérêts fondamentalement différents ?

Quels sont les enjeux de la COP 21 ?

L’événement est médiatisé depuis des mois et pourtant nous sommes nombreux à ne pas en définir parfaitement les contours. Alors la COP 21, de quoi s’agit-il exactement ?

La COP 21, de quoi s’agit-il exactement ?

Le terme de COP désigne la conférence des parties (conference of parties en anglais) sur le climat et celle de Paris est la 21e du genre. Il s’agit d’une conférence qui réunit tous les ans les États ou groupes d’États ayant ratifié la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) afin de prendre les décisions nécessaires pour respecter les objectifs de lutte contre le changement climatique. La plupart de ces conférences passent inaperçues aux yeux du grand public parce qu’elles ne prennent pas de décisions majeures. Seule la COP 3, qui s’est déroulée en 1997, était entrée dans l’histoire en mettant en place le protocole de Kyoto pour définir le cadre juridique international du climat. Ce protocole était parvenu à fédérer la plupart des États, à l’exception des gros pollueurs, autour d’une volonté environnementale commune, mais n’a pas pu être renouvelé lors de la COP 15 qui s’est déroulée à Copenhague en 2009. C’est à ce niveau qu’intervient la conférence de Paris qui espère non seulement trouver un accord et renouveler le protocole de Kyoto, mais aussi et surtout limiter le réchauffement climatique à 2°C maximum d’ici à 2100.

2°C, un objectif trop ambitieux ?

Le chiffre de 2°C maximum n’a pas été choisi au hasard. Il est le résultat des nombreuses études scientifiques qui ont démontré que cette température était indispensable pour éviter la multiplication des catastrophes naturelles majeures dans les années à venir. Ces catastrophes, nous les voyons déjà se multiplier avec l’amplification d’El Nino, les dernières coulées de boue au Brésil ou encore les montées des eaux observées dans plusieurs régions. Et si les 2°C ne sont pas respectés, ces phénomènes se multiplieront et cohabiteront avec les fortes pluies, les inondations, les sècheresses ou encore les saisons trop extrêmes.
Si sur le papier, cette réalité est bien assimilée, son opérationnalisation pratique pose plusieurs problèmes. Et le premier d’entre eux est certainement le niveau de responsabilité que chaque État souhaite porter dans la lutte. Car il y a une réalité à ne pas oublier, c’est que la pollution et donc le réchauffement climatique actuel est exclusivement le fait des pays aujourd’hui développés et non celui des pays en développement. Ces derniers, et en particulier les pays émergents, estiment avoir le droit de continuer leur développement et donc de polluer encore un peu.

Pour les pays les plus pauvres, la problématique se pose différemment puisqu’il s’agit de financer leur mise à niveau en termes de lutte contre le changement climatique. À côté du problème de la responsabilité et donc de la volonté des pays de suivre les accords, il y a celui de leur mise en pratique du côté des entreprises. Car s’il est vrai que nombreuses parmi elles affichent des volontés environnementales marquées : dans le domaine du textile habillement par exemple, des compagnies comme H&M ont créé la collection «Consciencious», tandis que Puma a créé la collection «Incycle», des collections basées sur le recyclage. La majorité reste encore sceptique et voit ses intérêts aller à l’encontre de la bonne volonté climatique. Et c’est pourquoi de nombreux discours ne sont pas suivis par des actes, notamment chez les entreprises qui polluent le plus. Ainsi, dans son édition du 29 septembre 2015, le Guardian révélait un document interne de Shell, le géant pétrolier, qui envisage une hausse de la température terrestre de 4°C d’ici à 2100, suivie d’une hausse de 6°C dans les années après 2100. Le géant se base sur des chiffres de l’Agence internationale de l'énergie. Et Shell n’est pas la seule entreprise à penser que les 2°C sont tout simplement inatteignables, mais comme d’habitude, personne ne le dit.

Dans ce cas, un accord est-il possible ?

C’est bien la question à 1 million de dollars, comme dirait l’autre : les 195 pays parviendront-ils à un accord pour atteindre les 2°C ? Certains comme la France se veulent optimistes et affirment que le travail est en train d’être fait. Ils se réfèrent notamment aux paroles très fortes du Président Obama sur le climat, à l’engagement de la Chine qui est assez inhabituel pour être souligné, mais également à la mobilisation de nombreux États qui ont déjà fait parvenir leurs contributions. Les spécialistes de la question se veulent en revanche moins optimistes. Nicolas Hulot par exemple, qui est l’envoyé spécial de François Hollande sur les questions climatiques, affirme que «le compte n’y ait pas», tandis que certains experts remettent en cause le contenu même des contributions qu’ils jugent insuffisantes pour atteindre les objectifs. Vous l’aurez compris, les débats seront houleux. Il ne reste plus qu’à espérer qu’ils seront fructueux. 


Que se passera-t-il après la COP 21 ?

La COP 21 n’est qu’une étape de la lutte et se veut surtout un tournant majeur. Si les négociations aboutissent, il faudra maintenant mettre en place des mécanismes efficaces pour obliger les pays à respecter leurs engagements. Les organisateurs souhaitent mettre en place un calendrier d’évaluation et de suivi applicable tous les 4 ans pour contrôler cet aspect. L’accord devra donc porter sur quatre points principaux :
• Un accord juridique.
• Les contributions des pays à l’horizon 2025 ou 2030, c’est-à-dire leurs efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
• Un volet financier.
• Des engagements concrets d’actions de la part d’acteurs non gouvernementaux («Agenda des solutions»).
Après l’accord, la dynamique environnementale devrait être effectivement lancée et tous les signataires devraient commencer à mettre en place leurs politiques publiques. C’est en tout cas ce qu’il faut espérer en théorie, car pour le moment, rien n’est encore sûr.

Quelles seront les contributions des États ?

Afin d’atteindre l’objectif de 2°C, chaque pays a été prié de préparer sa contribution nationale ; autrement dit l’ensemble des réductions qui lui permettront de réduire son empreinte écologique. De nombreux pays ont déjà soumis leurs contributions en vue de la conférence et, selon les experts, la somme de ces contributions reste insuffisante pour atteindre les objectifs. Globalement, les contributions des États augmenteront la température entre 3 et 4° degrés supplémentaires, ce qui est légèrement au-dessus des 2° souhaités, mais légèrement en dessous des 6° prévus si rien n’est fait. Il y a donc un effort qui est à saluer, mais qui n’est pas encore suffisant. Cela d’autant plus que la position de la Chine, qui est actuellement l’un des plus gros pollueurs mondiaux, reste floue. Le pays s’est en effet engagé politiquement à réduire ses émissions, mais indique qu’il continuera à utiliser le charbon jusqu’en 2030, date à laquelle il procédera à une transformation radicale de son tissu énergétique en s’appuyant sur les énergies renouvelables. Un discours qui inquiète les spécialistes de l’environnement : ils estiment en effet que l’attitude chinoise peut être imitée par d’autres pays. De même, les Américains, qui sont l’autre grand pollueur mondial, ont également indiqué leur engagement dans la lutte contre le changement climatique. Pourtant, leurs activités de forage du gaz de schiste, qui demande une quantité très importante d’eau, et l’autorisation donnée à Shell par Barack Obama pour forer en Arctique, malgré le refus des organisations écologiques, suscitent là aussi des inquiétudes.


Le Maroc, un acteur engagé de la cause environnementale

Futur organisateur de la COP 22, le Maroc est un acteur engagé de la cause environnementale. Le pays a bien compris que le développement durable avait de nombreux avantages et ne cesse de multiplier les projets dans ce sens. Le plus connu est bien sûr celui du Complexe solaire d’Ouarzazate, mais il est accompagné d'autres projets structurants tels que le projet de la décharge communale de Fès dont le biogaz permettra de produire de l'énergie pour gérer l'éclairage public ou encore le projet pilote de réduction des gaz d'échappement des véhicules de la flotte nationale. Il s'agit d'autant d'initiatives qui placent le Maroc parmi les leaders du continent en matière de développement durable, à côté de pays comme le Ghana ou le Kenya, et qui lui permettront sans doute de bien défendre ses intérêts à la conférence de Paris.

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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