Quelle appréciation a la CEA de l’évolution des conditions économiques et sociales au Maroc ?
La situation économique au Maroc a été marquée en 2014 par le recul de la valeur ajoutée agricole, la reprise de celle des activités non agricoles, la consolidation de la demande intérieure et l’amélioration de la demande mondiale adressée au Maroc. La croissance économique nationale a été estimée à 2,9% en 2014 contre 4,4% en 2013, créant un volume net d’emploi, avec lequel le niveau de chômage national ne devrait pas s’éloigner des 10% enregistrés au cours de l’année. Cependant, le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans s’est établi à 19,3%. Le déficit de la balance des comptes courants s’est quant à lui allégé de 13,3% participant à une amélioration des comptes publics. Pour l’année 2015, les premiers indicateurs conjoncturels, notamment l’agriculture, les BTP, l’industrie et les échanges extérieurs, augurent d’une orientation favorable de l’activité économique nationale. Ainsi, la croissance économique nationale devrait se situer à 3,7% en 2015 en liaison avec une faible évolution de l’inflation qui devrait se poursuivre en 2015.
Le Maroc a élaboré une stratégie industrielle, pensez-vous que cela va dans le sens préconisé par la CEA ?
L’une des conclusions majeures du Rapport économique sur l’Afrique publié par la CEA en 2013 est qu’une industrialisation massive, fondée sur les produits de base dont la région est riche, est à la fois impérative, possible et bénéfique pour assurer sa transformation structurelle et sociale.
Au lieu de dépendre de l’exportation de produits primaires, qui sont des ressources non renouvelables, et dont l’exploitation peut avoir un impact écologique important alors que les bénéfices peuvent souffrir de fortes variations de prix à l’international, il s’agit d’en tirer le meilleur parti possible en en faisant les fers de lance de cette industrialisation. Le Maroc dispose d’une certaine marge d’avance dans cette direction. Le pays a mis en place de nombreuses stratégies sectorielles pour renforcer sa compétitivité et concentre aujourd’hui ses efforts sur la mise en place d’une dynamique de transformation structurelle fondée sur une plus grande diversification de l’appareil productif vers des secteurs plus sophistiqués, à plus haute valeur ajoutée. Ces efforts de diversification, conjugués à un soutien à la petite et moyenne industrie qui peut se développer, permettront de progresser vers une croissance plus forte, plus soutenable et plus créatrice d’emplois.
Le Maroc aspire aussi à devenir une plaque tournante entre l’Europe, l’Afrique et d’autres régions du monde. Ces objectifs et ambitions seraient fortement amplifiés dans le cadre d’une vision régionale plus intégrée, qui permettrait de générer plus de synergies en Afrique du Nord, produire davantage de richesses localement, pour le plus grand intérêt de nos jeunes. Prenons par exemple le cas de l’aéronautique. En ce moment, plusieurs pays de la région sont engagés dans le développement de ce secteur. Une coordination accrue entre ces pays leur permettrait non seulement de générer des complémentarités qui attireraient davantage de commandes, mais donnerait aussi à leurs industriels une marge de négociation plus conséquente vis-à-vis de partenaires comme l’Europe ou les États-Unis.
Comment la libéralisation du commerce peut-elle être un facteur d’industrialisation en Afrique ?
La corrélation positive entre commerce et croissance a été largement développée par la doctrine économique.
D’ailleurs, le fulgurant essor observé en Asie de l’Est et du Sud-Est au cours des cinquante dernières années s’est appuyé sur des politiques commerciales en phase avec les stratégies industrielles mises en place. L’importance du commerce comme un moteur potentiel de croissance – en Afrique et ailleurs dans le monde – est, du reste, bien illustrée par la multiplication des accords de libre-échange (plus de 200) observée depuis l’entrée en vigueur de l’Acte final de l’Uruguay Round, tant dans les pays en développement que chez les principaux acteurs de l’économie mondiale. Du moment qu’elle est faite en cohérence avec les politiques industrielles transversales ou sectorielles, l’ouverture commerciale – qu’elle soit menée par le biais de réformes nationales, dans le cadre d’accords préférentiels régionaux ou de négociations multilatérales (OMC) – peut exercer un important effet de levier sur l’économie d’un pays.
