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Termes de polarisation : «Des images sans référence précise»

Yves Lacoste.
Professeur de géopolitique à l’Université Paris VIII. Doctorat d’État en géographie et agrégation de géographie.
Il est à l’origine d’une refondation et d’une démocratisation de la géopolitique. En 1976, il fonde Hérodote, revue de référence en matière de géographie et de géopolitique.

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Serait-il possible d’éclairer les lecteurs de Géopolis sur la signification du mot polarisation et des conditions de son émergence, est-ce un concept des temps modernes ?
Le mot pôle (d’où vient polarisation) vient du grec polien qui signifie tourner et il a d’abord été utilisé dans l’astronomie : la terre tourne autour de l’axe de pôles (pôle Nord, pôle Sud), puis il a été utilisé en optique, en électricité. Au XXe siècle il a commencé à être utilisé de façon métaphorique, comme une image, en sociologie ou en politique : division de la société en deux pôles opposés ; en géographie, l’influence d’une capitale, d’une ville sur les régions qui l’entourent.

Les facteurs classiques de la puissance, tels qu’ils avaient été retenus par les géopoliticiens d’autrefois, restent-ils valides ? Ou assistons-nous à l’apparition de nouveaux critères clés et de grande actualité ?
Les phénomènes de puissance (qu’ils soient économiques ou militaires) sont très anciens, y compris au plan mondial, mais on n’emploie le terme de monde bipolaire qu’après la Seconde Guerre mondiale. Avant la Première Guerre mondiale, il y a en Europe plusieurs puissances mondiales et rivales : la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et la Russie. Mais il ne faut pas oublier le Japon. C’est après la Seconde Guerre mondiale qu’apparaît l’idée de monde bipolaire : le monde capitaliste dominé par les USA (la France, l’Angleterre et l’Allemagne sont ruinées) et le monde socialiste dominé par l’URSS (avec les pays voisins qu’elle domine), mais qui comprend aussi la Chine. Mais celle-ci fera alliance (contre l’URSS) avec les USA dès 1972. Les États-Unis et l’URSS mènent une course aux armements de plus en plus coûteuse, mais elle est ruineuse pour l’URSS qui, économiquement, a de plus en plus de mal à suivre.

Que pensez-vous de l’idée selon laquelle le centre du monde bascule de l’Atlantique vers le Pacifique ?
L’idée que le «centre du monde» bascule de l’Atlantique vers le Pacifique est une métaphore. Il n’y a rien dans l’Océan atlantique, il vaut mieux dire l’Amérique du Nord et elle domine l’Europe occidentale. Plutôt que de parler du «Pacifique», il faut parler de la Chine dont la puissance économique et militaire dépassera sans doute celle des États-Unis dans une trentaine d’années.

Au regard des transformations et des événements récents dans le monde, dans quel monde vivons-nous ? Quel ordre international le régit ?
Je vous répondrai tout simplement par une question : Y a-t-il un «ordre international» ou un «désordre international» ?

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