Le Matin-Éco : Comment évaluez-vous le dispositif actuel de financement des opérations du commerce extérieur au Maroc ?
Tahar Daoudi : Le dispositif actuel du financement des opérations du commerce extérieur est très riche et fort diversifié aussi bien en matière d'exportation qu'au niveau des importations. Ces crédits sont destinés à financer aussi bien le cycle d'exploitation (approvisionnement, fabrication, stockage, commercialisation) que l'outil de production (biens d'équipements). En outre, ces crédits peuvent prendre la forme soit de crédits par décaissement, soit des crédits par signature. Enfin, depuis l'instauration d'un marché de change interbancaire, en 1996, les banques marocaines proposent des financements en devises, plus particulièrement pour les exportateurs (préfinancement en devises et la mobilisation des créances nées à l’étranger).
La maîtrise des techniques de paiement à l'international par les entreprises marocaines, notamment les PME, demeure faible. Comment expliquez-vous cet état de fait ?
Il y a un double déficit d'information et de formation pour les PME marocaines plus particulièrement en matière de techniques de paiement et de logistique internationaux. En effet peu d'exportateurs savent manipuler les opérations de crédits documentaires. Ainsi, 90% des documents présentés dans le cadre de la réalisation de leurs crédocs (crédit documentaire) sont non conformes et comportent des irrégularités. Ce qui leur fait perdre la garantie de paiement que leur procure ce mode de paiement. De même, rares sont les PME qui maîtrisent l'utilisation des techniques de commerce international, se contentant de sous-traiter et confier toutes les prestations logistiques et douanières à des transitaires.
Quels éléments prendre en compte lors du choix d'une option de paiement ou de livraison à l'international ?
Le choix d'un mode de paiement dépend du degré de confiance qui existe entre le vendeur et l'acheteur. Il dépend aussi des rapports de force en présence et des risques inhérents au commerce international (risque commercial, risque politique, etc.).
Les entreprises marocaines sont en position de faiblesse. 70% de nos importations sont payées par crédits documentaires alors que 5% seulement de nos exportateurs parviennent à imposer ce mode de paiement dans leur contrat commercial. Et encore, ces exportateurs ne parviennent pas tous à réaliser convenablement le crédit documentaire.
Quels sont les risques auxquels doit faire face une entreprise, en matière de financement à l'international ? Et comment y remédier ?
En effet, parmi les risques auxquels s'exposent les exportateurs bénéficiaires de financements sous forme de crédits documentaires, c'est le manque de professionnalisme, d’expertise et de savoir-faire, en matière de techniques de commerce international. De même rares sont les entreprises qui connaissent la finalité et les effets juridiques de la garantie à première demande, largement utilisée dans les opérations du commerce international.
Si le crédit documentaire est un instrument efficace de sécurité pour l'exportateur, la garantie à première demande est une arme équivalente entre les mains de l'acheteur. Encore faut-il savoir l'utiliser en connaissance de cause.
Quel est le rôle du banquier dans ce cas ?
Les banques ont un rôle important à jouer pour remédier à ce double déficit d'information et de formation de leur clientèle, plus particulièrement dans les opérations de commerce international.
Les banques doivent assister leurs clients en organisant des meetings d'information et de formation sur des techniques sophistiquées :
• Comment réaliser un crédit documentaire ?
• Comment utiliser les incoterms 2010 ?
• Comment se couvrir contre le risque de change ?
• Comment traiter avec une salle de marché ?