Menu
Search
Vendredi 29 Mars 2024
S'abonner
close
Vendredi 29 Mars 2024
Menu
Search
Accueil next

«Il faut désapprendre les idées obsolètes sur l’innovation avant d’apprendre à manager l’innovation»

Impossible de faire émerger l’innovation au sein d’une organisation sans une vraie politique d’implémentation du «Management de l’innovation», estime Nabil El Hilali. Celui-ci ne se construit pas avec la seule existence d’un département R&D, mais par un leadership frais, qui sait comment disséminer une culture de l’innovation à tous les niveaux de l’entreprise.

«Il faut désapprendre les idées obsolètes sur l’innovation avant d’apprendre à manager l’innovation»
Sans l’existence d’un écosystème d’institutionnalisation de l’innovation porté par l’entreprise, les médias, les politiques publiques et la recherche académique, l’innovation restera en deçà de sa vitesse de croisière.

Le Matin-Éco : Y a-t-il une définition universelle de l’innovation ?
Nabil El Hilali : En une vision simple, l’innovation peut se définir par le caractère radical ou incrémental d’un produit ou d’un service.
Cependant, la quatrième Révolution industrielle, définie lors du dernier forum de Davos par l’économiste Klaus Schwab, comme étant une fusion des technologies, brouillant les lignes entre les sphères physiques, numériques et biologiques, étend le champ définitionnel de l’innovation. Il n’est plus possible de définir l’innovation dans une dimension strictement technologique ou d’ingénierie. L’innovation est Produit, Service, Process de production, de distribution et Business model.
Autrement dit, à chaque fois qu’il est possible d’apporter une modification radicale ou incrémentale à une des composantes citées, une entreprise et un pays s’inscrivent de facto dans la production de la richesse. Car depuis 1934, il est établi grâce à Joseph Schumpeter que l’innovation est le facteur clef de la richesse de l’entreprise et des nations.

L’innovation est-elle un talent individuel ou peut-elle être organisée en processus collectif au sein de l’entreprise ?
Il n’est point possible de faire émerger l’innovation au sein d’une organisation sans une vraie politique d’implémentation du «Management de l’innovation».
Celui-ci ne se construit pas, comme on peut le croire, avec la seule existence d’un département R.&D., mais par un leadership frais, qui sait comment disséminer une culture de l’innovation à tous les niveaux de l’entreprise, qui sait développer une culture respectueuse de l’échec en tant que fondation d’un succès futur, qui sait capter avant l’existence même d’un marché, la ressource matérielle, technologique, organisationnelle et humaine génératrice de l’innovation. Autrement dit, l’entreprise qui souhaite s’inscrire dans la génération de la richesse doit tout d’abord désapprendre les idées obsolètes sur l’innovation, avant d’apprendre à manager l’innovation.
À titre d’exemple, peu de chefs d’entreprises sont au fait que le «Design management» et son corollaire le «Design thinking» sont aujourd’hui le vecteur clef de l’innovation. Le Design Management Institute de Boston a démontré que l’implémentation du Design management pour des entreprises figurant dans le top 500, offrait une performance mesurée de 219% !

Comment expliquer que plus de 60% de l’innovation mondiale se concentre entre les États-Unis, l’Europe et le Japon ?
Dès qu’il s’agit d’innovation, le modèle des économies développées : Europe, Amérique du Nord, Japon essentiellement, s’impose le plus naturellement au reste du monde. Il faut comprendre ici que cette domination a un substrat historique ancré dans la révolution industrielle. Néanmoins les économies émergentes, du fait justement de leur émergence ancrée dans une réalité différente, disposent d’atouts significatifs à même de relever le défi de l’innovation.
Ce défi est d’autant plus facilité de par l’avènement de la transformation digitale. Celle-ci offre, sous réserve d’une capacité de lecture critique et stratégique, un accès unique au savoir, à la connaissance et aux interactions d’affaires. Mieux que cela, les pays en émergence ont la possibilité de réaliser ce que les Anglo-Saxons nomment le «Leapfrog» ou le saute-mouton. En clair, c’est un bond en avant, qui offre la possibilité d’aller directement vers une technologie de dernière génération, en faisant l’impasse sur des technologies ou des modes d’organisation en passe d’être obsolètes.

Qu’en est-il de l’entreprise marocaine en termes d’innovation ?
Le projet innovant Noor d’Ouarzazate, porté par Masen, incarne cette idée à titre d’exemple. Le Maroc en tant qu’économie en émergence vient d’intégrer le Top 50 des pays les plus innovants au monde, selon le Bloomberg Index of Innovation. L’OMPIC (Office marocain de la propriété industrielle et commerciale) enregistre chaque année 1.000 nouveaux brevets d’invention, certains «Business models» portés par des entreprises familiales incarnent cette idée de l’innovation et cela sans compter les jeunes pousses issues de l’économie numérique. La dynamique certes est enclenchée, mais il faut observer que sans l’existence d’un écosystème d’institutionnalisation de l’innovation porté par l’entreprise, les médias, les politiques publiques et la recherche académique, l’innovation restera en deçà de sa vitesse de croisière. Et c’est maintenant qu’il faut agir ! 

Lisez nos e-Papers