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«Nous avons déployé des solutions appelées “Smart irrigation” qui font appel à des outils numériques permettant de gérer l’eau de manière économe et efficace»

«Nous avons déployé des solutions appelées “Smart irrigation”  qui font appel à des outils numériques permettant de gérer l’eau  de manière économe et efficace»
La station de traitement des eaux usées de Médiouna permet de réutiliser l’eau pour l'arrosage des espaces verts ou l'irrigation agricole.

Le Matin : Après avoir organisé la COP 7 en 2001, le Maroc accueille une nouvelle fois la 22e Conférence des parties avec un engagement africain. Quel en sera l'impact sur le continent ?
Marie-Ange Debon : La COP 22 est celle de la mise en œuvre de mesures concrètes, notamment en ce qui concerne l’agriculture en Afrique, avec un impact certain sur la préservation et le développement du secteur. Cette COP est en effet placée sous le signe de l’Initiative Triple A, portée par le Maroc : À comme Adaptation, Agriculture et Afrique. Cette initiative se pose délibérément et de manière très nette en faveur de la mise en œuvre de mesures précises et pragmatiques, afin de passer d’un cadre global avec de grands objectifs à la réalisation concrète de ces objectifs. Un autre volet qui intéresse l’Afrique occupe également une place importante dans la COP 22, il s’agit de la problématique de l’eau. Lors des COP précédentes, on parlait plus des émissions de gaz à effet de serre et de leur impact sur le changement climatique, mais l’un des points majeurs de ce dérèglement est l’eau. Et avec la COP 22, le sujet est beaucoup plus présent. Probablement parce que l’événement se tient au Maroc et au sein du continent africain, mais aussi parce qu’on a bien conscience que le manque ou l’abondance d’eau est un élément majeur du dérèglement climatique. C’est une évolution très importante, concrète et positive pour avancer vers des solutions tangibles pour l’avenir du continent.

L'Afrique fait face à d'importants changements climatiques qui menacent son développement. Quelles sont d'après vous les principales pistes d'action pour y faire face ?
Je donnerai trois exemples dans notre métier, qui sont des pistes d’action pour atténuer l’impact du changement climatique. Si l’on veut vraiment contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, il y a un volet sur lequel il faut travailler : la mise aux normes et aux standards de qualité des centres des déchets ménagers avec captation de biogaz. Aujourd’hui, 5% des émissions du continent africain viennent des décharges informelles, de déchets qui ne sont pas traités correctement. Ainsi, le premier axe, si l’on veut lutter contre le dérèglement climatique, est de résoudre la problématique des déchets et contribuer ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre. D’autant plus que l’on peut, par la même occasion, améliorer les conditions de vie des citoyens et préserver leur santé. C’est un exemple simple et concret, mais pas toujours connu. Nous avons beaucoup travaillé dans ce sens à Meknès où nous avons mis en place un centre de traitement des déchets où le biogaz est collecté et utilisé pour produire de l’énergie.
Le deuxième exemple, toujours dans le domaine de la gestion des déchets, est en rapport avec les flottes de camions que nous utilisons pour la collecte. Pour favoriser des modes de transport durable, nous avons adopté plusieurs solutions telles que la conduite intelligente et les véhicules à faible émission ou électriques. Le troisième exemple concerne les énergies renouvelables. Dans le domaine de l’eau, qui est l’un de nos 2 grands métiers, les stations de traitement consomment beaucoup d’énergie. Dans ce cas-là, il est tout à fait indiqué d’alimenter les stations de traitement avec des énergies renouvelables, et contribuer ainsi à réduire l’impact sur le climat.

Vous êtes fortement présent dans plusieurs pays d'Afrique. Pourquoi cette orientation ?
L’Afrique connait des évolutions très importantes qui sont au cœur de nos métiers : la croissance démographique, l’urbanisation accélérée et le développement économique. Ces trois tendances structurantes induisent des besoins en relation avec nos métiers : l’eau et les déchets. Ils impliquent des besoins plus importants en eau, que ce soit pour les municipalités ou les industriels. Il faut rappeler que la consommation des ressources disponibles en eau est en effet partagée à 70% pour l’agriculture, 20% pour l’industrie et 10% par les citoyens. Le développement économique implique le développement de l’agriculture et de l’industrie et donc une forte croissance des consommations en eau. Et ces besoins-là en appellent à nos métiers. Nous accompagnons les services municipaux et les industriels dans l’optimisation de leurs consommations en eau. Il y a aussi cette volonté des organisations et des institutions financières internationales autour de l’eau, de l’assainissement et de l’agriculture dans le cadre de la mise en œuvre des 17 objectifs de développement durable définis par l’ONU fin 2015. Cette volonté appuyée par des financements encourage le déploiement d’infrastructures pour contribuer au développement du continent. Suez participe à cette tendance à travers ses multiples activités en Afrique.

Comment adaptez-vous vos solutions aux enjeux spécifiques du continent ?
L’Afrique a des caractéristiques qui lui sont propres. Elle se distingue tout d’abord par sa faible densité par rapport à l’Europe, par exemple, ce qui fait qu’on réfléchit à des solutions en matière d’eau et de déchets plus décentralisées et plus modulaires. C’est une première adaptation aux besoins locaux. Une deuxième caractéristique est le besoin assez important en matière d’alimentation et d’agriculture où l’eau est une priorité. Nous avons des solutions de «Smart irrigation» qui font appel à des outils numériques permettant de gérer l’eau de manière économe et efficace en fonction de la maturité des cultures, du climat et de l’heure de la journée. Ce sont des outils d’optimisation de l’irrigation qui offrent de meilleurs rendements et permettent de consommer moins d’eau. Par ailleurs, on assiste à l’émergence de besoins en dessalement. Dans ce sens, nous travaillons beaucoup à la réduction de la consommation de l’énergie des installations de dessalement. La consommation a en effet baissé de manière très significative en dix ans, ce qui a rendu le dessalement plus abordable.
À côté des enjeux environnementaux et économiques, il y a également des enjeux sociaux que nous essayons de prendre en compte, notamment quand nous travaillons sur les centres de traitement des déchets. Il s’agit d’enjeux en rapport avec les trieurs qui collectent ou trient les déchets de manière informelle et que l’on intègre quand on travaille sur ce genre de projets. À Meknès par exemple, nous avons organisé les trieurs en coopérative en vue de maintenir, formaliser et légaliser leur activité, pérenniser et augmenter leurs revenus tout en améliorant leurs conditions de travail et de sécurité.

Quels sont les piliers sur lesquels vous basez votre stratégie écologique en Afrique ?
Autour de nos deux métiers, il y a un axe très important de la stratégie de Suez en Afrique : le développement de l’économie circulaire. Il s’agit de pouvoir recycler l’eau et les déchets. À Casablanca, nous avons une station de traitement des eaux usées à Médiouna qui permet de réutiliser l’eau pour l'arrosage des espaces verts ou l'irrigation des cultures. Et c’est un exemple que nous avons développé de manière assez forte dans plusieurs pays au monde. Dans la gestion des déchets, nous croyons beaucoup à l’économie circulaire et nous essayons de la déployer dans toutes nos solutions. Le déchet devient ainsi une ressource, il a une deuxième vie. Le plastique, le papier, les métaux… sont recyclés et réutilisés, que ce soit sous la même forme ou en tant que combustibles de substitution, notamment pour les cimenteries. Une autre manière de valoriser les déchets, notamment verts, est de les transformer en compost, en fertilisants ou pour le terrassement des sols. C’est un procédé qui est important pour l’Afrique qui fait face au défi de la détérioration des sols, liée notamment au réchauffement climatique et à la déforestation. L’économie circulaire est notre moyen de lutter contre ces problématiques-là et notre stratégie environnementale en Afrique s’appuie sur ce concept, tant pour l’eau que pour les déchets. 

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