Plus de 66% des ménages marocains sont équipés d’un accès internet en 2015, contre 50,4% en 2014. Les derniers chiffres de l’enquête 2015 sur l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) par les ménages et les individus au Maroc nous révèlent un accroissement significatif du taux de pénétration de l’Internet chez les ménages. Toutefois, une telle évolution n’est pas synonyme d’un bon usage de cette technologie au Maroc. L’enquête de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) nous informe en effet que 82,1% des internautes accèdent à Internet afin de participer aux réseaux sociaux et 67,3% pour visionner et télécharger des contenus multimédias. Le divertissement demeure ainsi le type de contenu favori des Marocains, celui relatif à l’éducation et la formation n’arrive quant à lui qu’en septième position. «Il existe quatre principaux usages de contenu, le networking, les services, la connaissance et la communication. Au Maroc, on privilégie ce dernier usage de manière intensive. L’internaute marocain n’est pas familiarisé avec les autres types contenus et préfère plutôt le divertissement», nous déclare Abdelkhalek Zyne, expert consultant en stratégie digitale. Selon lui, l’internaute marocain, en général, ne serait pas assez mature et s’adonne de manière excessive au contenu «voyeuriste, sensationnel et humoristique» sur les réseaux sociaux.
En Europe, par exemple, Internet est aussi utilisé pour accéder aux réseaux sociaux, certes, mais il est surtout consulté pour lire et télécharger la presse en ligne, les services de banque en ligne, la recherche des informations de santé, d'économie et pour le savoir en général, ou encore pour acheter sur Internet. Un constat qui ferait défaut au Maroc, puisque les 2/3 des internautes qui utilisent les réseaux sociaux y accèdent quotidiennement au détriment des autres utilisations. Seulement 7% des internautes recourent, à titre d’exemple, à l’e-commerce et presque 8% à l’e-gov. Un constat «catastrophique», pour Mohcine Benzakour, psychosociologue. «Internet est utilisé au Maroc pour la distraction, rarement pour le savoir. Aujourd’hui, on observe une addiction aux réseaux sociaux, surtout chez les jeunes et les adolescents. Il pourrait y avoir des avantages en termes de communication, mais cet usage excessif au Maroc me laisse perplexe. À cause des réseaux sociaux, on enregistre plusieurs problèmes de couple, d'intégrisme religieux, de débauche, de voyeurisme, une perte de l’intimité, un isolement de la réalité…», s’indigne Benzakour. D’après les chiffres de l’ANRT, l’accès quotidien aux réseaux sociaux est plus important pour les jeunes de 15 à 29 ans. Facebook arrive en tête avec 90% d’utilisation, suivi de Whatsapp (85%).
Dans une société où l’éducation et l’enseignement sont encore défaillants, un mauvais usage de la technologie, une addiction aux réseaux sociaux et au divertissement ne ferait qu’accentuer l’immaturité de certains adolescents, impactant sérieusement leur développement intellectuel. Que faire alors face à cette situation ? Pour Zyne, la responsabilité incombe à l’ANRT pour une meilleure éducation «technologique» du marché, en organisant des concours, des séminaires, des conférences, des campagnes de sensibilisation… Benzakour, quant à lui, appelle les pouvoirs publics à s’atteler sérieusement à cette question en lançant notamment un débat national sur les réseaux sociaux, puisque selon lui c’est toute une génération qui en paiera le prix. Cela sans oublier le rôle des parents pour un meilleur suivi et contrôle de l’usage d'Internet par leurs enfants. L’école a aussi un rôle à jouer pour éduquer les jeunes en termes d’utilisation technologique, selon Benzakour.
