Éco-Conseil : Comment exceller dans l’art du discours ?
Giselle Hardt : Pour répondre à cette question, il faudrait écrire un livre, ou plutôt plusieurs. Et si l’on posait la question autrement : pourquoi la plupart des discours (des présentations et autres prises de parole) sont-ils aussi peu enthousiasmants, ou même très ennuyeux ? Tandis que nous payons pour assister à une pièce de théâtre, un monologue ou un spectacle, beaucoup de gens, surtout dans le monde professionnel, seraient prêts à payer pour éviter d’écouter un discours. Pourquoi ? Parce que dans le premier cas nous nous divertissons, mais pas dans le deuxième. Serait-il possible de transmettre un savoir, éduquer, former, informer et divertir en même temps ? Je suis convaincue que oui. Faut-il pour autant être comédien ? Non, et encore moins comique. Divertir ne signifie pas «faire rire», mais faire «sortir de soi». En d’autres mots, quitter sa réalité pour se laisser transporter vers d’autres univers susceptibles de nous dévoiler de nouveaux points de vue. Hitchcock a dit : «un film c’est la vie sans ses moments d’ennui». Et si, pour exceller, un discours devait être structuré comme un film ? Un bon film commence avec un bon script. Pensez-vous que Steven Spielberg décide de faire un film, prend une caméra sur l’épaule et part quelque part filmer quelque chose ? Non, bien sûr. Il a un script. Les Latinos et les Méditerranéens sont des gens spontanés qui ont tendance à croire que, du moment qu’ils connaissent leur sujet, ils s’en sortiront très bien pour en parler face au public. Pourquoi perdre du temps à planifier, choisir les mots et les arguments, écrire le discours ? Pourtant, la première étape pour réussir son discours est la planification : écrire son script en prenant en compte le contexte, le public et l’histoire que celui-ci veut entendre.
Quelles sont alors les règles à observer pour préparer un discours tel que vous le décrivez ?
Les orateurs capables de motiver les gens sont des êtres singuliers : ils savent précisément quel est le but de leur discours et le délivrent avec passion. À ce titre, pour un discours réussi, il faut suivre les trois consignes suivantes :
• Pensez à votre public avant tout : Les personnes qui sont dans la salle ont renoncé à d’autres activités pour vous consacrer du temps. La question que vous devez vous poser est : «pourquoi ?» Pensez au sujet que vous allez aborder et répondez à la question que se pose le public : «Qu’ai-je à gagner en l’écoutant ?» Qui sera votre public ? Sera-t-il constitué d’hommes ou de femmes ? D’experts, d’alliés, de contradicteurs ? De quel âge, quelle culture, quel univers ? Son niveau d'information ? Par quoi sont-ils préoccupés ? Si votre sujet ne les intéresse pas a priori, à quoi s’intéressent-ils ?
• Créez votre «message phare» et structurez vos arguments de soutien : Pensez à l’intérêt du public et au thème que vous allez aborder. À partir de là, créez votre «message phare» : il transmettra votre point de vue unique sur le sujet, en d’autres mots, la morale de l’histoire. Connaissez-vous l’expression «less is more» ? Elle est valable aussi pour les discours. Aristote l’a recommandé il y a 2500 ans : livrez un message. Juste un. Renoncez à l’envie de tout dire, et concentrez-vous sur votre message principal et sur les arguments qui soutiennent ce message. Un discours réussi n’a pas besoin d’être exhaustif, mais d’être structuré de façon à ce que les auditeurs puissent suivre votre fil rouge.
C'est aussi une maitrise de l'art de la narration...
Oui, il faut apprendre à raconter une histoire… avec passion : La narration est inscrite dans notre ADN, et notre cerveau est conçu pour l’assimiler. Depuis notre enfance, nous avons toujours aimé les histoires : les contes de fées, les bandes dessinées, les jeux vidéo, les romans, les films… Les histoires ont le pouvoir de nous fasciner. Captivés par une bonne histoire, nous oublions tout le reste : les dossiers qui attendent sur le bureau, les emails, les préoccupations du quotidien. Les histoires attisent l'imagination de l'auditoire, créent l’intérêt et le transportent loin de ses préoccupations quotidiennes. En racontant une histoire dans votre discours, vous pourrez créer davantage d’empathie avec votre auditoire, tisser un lien émotionnel et bien sûr relever le plus grand défi de l’orateur après celui de capter l’attention du public : la garder ! Pour cela, il est également nécessaire que l'histoire soit racontée avec passion. Vous vous souvenez sûrement d’un de ces films de guerre ou de sport où l’entraineur, par son discours émotionnel et passionné, a remotivé les troupes alors que
personne n’y croyait plus.