Récemment, deux médecins ont été arrêtés, à deux semaines d’intervalle, par la police judiciaire de Marrakech, pour avoir délivré des certificats médicaux de complaisance à des personnes qui, pourtant, se portaient très bien. Ces dernières les ont utilisés pour influencer le cours de la justice, mais ont été débusquées avant que le mal ne puisse être fait. C’est le genre de fait divers auquel nous sommes malheureusement habitués. D’ailleurs, en avril dernier, ce même type d’affaires avait fait scandale lorsqu’un médecin avait délivré un certificat de virginité à une femme enceinte afin de mieux camoufler un viol.
Mais si on en parle plus souvent qu’avant, ce n’est pas parce que le phénomène a pris de l’ampleur, mais parce que les crimes ne restent plus impunis, et il était grand temps. En effet, en 2014, Mustapha Ramid, le ministre de la Justice, avait haussé le ton en ordonnant aux responsables judiciaires de faire preuve de fermeté et de rigueur dans le traitement des certificats médicaux qui leur sont présentés. Les procureurs ont reçu l’ordre de «prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer de l’authenticité des informations contenues dans les certificats, à travers des contre-visites ou des expertises médicales, auprès de médecins légaux, ou la sollicitation des Conseils régionaux des médecins pour avis consultatif». Le ministre s’était alors inquiété «du rôle décisif que jouent les certificats médicaux devant la justice, à cause de l’influence des conclusions du médecin sur certains aspects de la procédure judiciaire».
Malheureusement, il est navrant de constater que ces affaires devaient prendre des proportions importantes pour que les fautifs soient arrêtés. Bon nombre de médecins passent encore à travers les mailles du filet et restent impunis. En effet, se procurer un certificat médical de complaisance est aussi facile que rapide. L’acte s’est banalisé. Les tarifs peuvent aller de 20 à 1.000 dirhams selon le nombre de jours. Un procédé courant quand il s’agit d’absence non justifiée, mais pas seulement. C’est encore plus grave quand il s’agit d’emprisonner des innocents ou, dans des cas de procédures d’héritage, avec des documents antidatés pour des morts. Par ailleurs, certains n’hésitent pas à délivrer de faux certificats pour contracter un mariage (capacité à se marier ou virginité) ou pour bénéficier d’une invalidité professionnelle et toucher les pensions qui vont avec.
«Dans notre entreprise, nous planchons actuellement sur le cas de femmes qui nous bombardent chaque mois de faux certificats médicaux. Elles ne viennent presque jamais, et leur salaire ne leur est donc pas versé, mais par contre elles touchent la pension de la CNSS, qui pour elles constitue de l’argent de poche gagné en restant chez elles. Nous ne pouvons pas les licencier, car elles peuvent nous poursuivre à cause de leur “fausse maladie”. C’est un vrai dilemme», indique un délégué du personnel. À noter que ce juteux business s’étend aujourd’hui aux étrangers. En effet, depuis quelques années, la délivrance d’une carte de séjour demande de fournir, entre autres documents, un certificat médical. «Lorsque je me suis rendue à la préfecture pour renouveler mon titre de séjour, on m’a indiqué qu’il fallait dorénavant délivrer un certificat médical. Quand j’ai demandé où il fallait que je me rende pour me le procurer, on m’a assuré que n’importe quel médecin pouvait s’en charger. J’ai trouvé un médecin traitant près de chez moi et je lui ai dit que j’avais besoin de ce document. Je m’attendais à ce qu’il me fasse subir toute une série de tests… Mais non, il a juste griffonné quelques lignes sur le document pour dire que j’étais “apte”. Une prestation qu’il m’a facturée à 100 dirhams», explique une étrangère. Par ailleurs, d’autres nous assurent n’avoir même pas eu à se déplacer. «Pour ma part, c’est le gardien de l’immeuble qui s’en est chargé, visiblement habitué à ce genre de pratique», nous confie un ressortissant de Côte d’Ivoire.
