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«J'utilise le tissu comme si c'était de la peinture à l'huile»

Comme une symphonie de couleurs, les tableaux-sculptures de l'artiste malien Abdoulaye Konaté vous captivent dès le premier regard. Ces installations, qui présentent un mélange subtil entre textile traditionnel et art contemporain, seront exposées en mars 2017 à la Galerie 38 à Casablanca. Les créations de ce grand artiste sont composées de centaines de languettes de tissus hautes en couleurs. Abdoulaye Konaté fait redécouvrir et intègre le textile dans ses œuvres depuis les années 90. Rencontre avec cette figure majeure de la scène artistique contemporaine.

«J'utilise le tissu comme si c'était de la peinture à l'huile»
Abdoulaye Konaté.

Le Matin : Vous êtes connu pour être un artiste qui utilise beaucoup le tissu. Pourquoi le choix de cette matière ?
Abdoulaye Konaté : C'est d'abord dû au hasard. Quand je travaillais dans les grands espaces, dans les années 1990, je faisais beaucoup d'installations et j'ai commencé à intégrer le textile. J'utilise le tissu comme si c'était de la peinture à l'huile.

Le choix de cette matière et l'intérêt qu'il suscite n'occultent-ils pas les couleurs et les thèmes choisis pour vos expositions ?
Cela dépend des pays et du thème traité sur l’œuvre. J'ai principalement deux lignes de travail : la première est esthétique et la deuxième est sociale et concerne surtout la souffrance humaine. Les pièces présentées dans la Galerie 38 à Casablanca sont dans le cadre esthétique essentiellement pour le traitement de la texture, de la couleur et de la forme.

Quels sont les thèmes que vous aimez traiter ?
Ce sont essentiellement des thèmes de la souffrance humaine. J'ai travaillé sur l'immigration, les grandes maladies, le fanatisme religieux, le problème israélo-palestinien et les génocides. Je traite des thèmes qui concernent l'Afrique ou tout autre pays.

En parlant d'Afrique, vous n'aimez pas la qualification d'artiste africain. Pourquoi ?
Le mot artiste africain ne m’enchante pas. J'ai dit que cela permet à des gens de catégoriser le niveau de production des artistes. Souvent, cela donne l'impression de sous-estimer le travail des artistes venant des pays sous-développés. C'est pour cela que je suis opposé à ce genre d'appellation. Sinon, nous évoluons forcément dans une zone géographique et dans une culture et on n'a absolument pas honte de nous réclamer de notre origine.

Tous les regards se dirigent, dans le contexte actuel, vers l'Afrique. Qu'est-ce que cela peut apporter aux artistes africains ?
C'est vrai qu'il y a un grand intérêt pour l'Afrique, mais nos politiques ne s'intéressent pas financièrement et économiquement à la culture. C'est la grande inquiétude que nous avons par rapport à un secteur important comme celui de la culture.

Vous avez poursuivi vos études à Cuba, sachant que les artistes africains n'ont pas beaucoup d'opportunités de faire des études supérieures en art. Comment cette expérience a-t-elle influencé votre carrière ?
C'est vrai qu'on a très peu d'écoles supérieures dans ce domaine. Mais elles commencent à émerger. Au Mali, on a créé une école supérieure d'art il y a environ 13 ans. La zone du Maghreb a pris beaucoup d'avance par rapport à l'Afrique occidentale. La chance pour un étudiant de poursuivre ses études en Europe, en Afrique ou en Amérique est toujours bénéfique quand il prend ses études au sérieux. Cela permet de faire des rencontres avec de grands professionnels et avec d'autres cultures, mais aussi de développer d'autres capacités techniques, d'apprendre plus que dans son pays.
À Cuba, nous avons eu la chance de rencontrer de grands artistes parce que l'école des beaux-arts était encore jeune. On a rencontré des artistes cubains, mais aussi espagnols, brésiliens et d'autres nationalités qui venaient exposer au musée. On a eu la chance de débattre et d'assister à des conférences pour renforcer nos capacités conceptuelles, mais aussi visuelles et pratiques. Moi, j'ai eu la chance de rencontrer l'artiste Wilfredo Lam qui a vécu la période Picasso. C'est une chance qu'on a une ou deux fois dans la vie.
Quels sont les autres artistes qui vous ont influencé ?
Il ne s'agit pas forcément d'influence, mais d'occasion de discuter avec les grands artistes et de voir leur travail. Ce sont des gens qui contribuent à forger notre personnalité. On a eu la chance de faire la connaissance de grands professionnels de la cinétique. Bien sûr, les nouvelles générations ont la chance de rencontrer des artistes confirmés.

À part les expositions, vous avez plusieurs responsabilités administratives, comment trouvez-vous le temps de vous consacrer à votre art ?
Heureusement aujourd'hui, je suis totalement libre, parce que je suis à la retraite. Je viens de faire la passation de service avec le nouveau directeur du Conservatoire des arts et métiers multimédia «Balla Fasseké Kouyaté» de Bamako. C'est vrai que j'ai dirigé le Palais de la culture à Bamako, j'étais aussi directeur des Rencontres photographiques, mais aujourd'hui je suis libre. J'ai uniquement mes engagements avec certaines galeries. J'organisais mon emploi du temps et j'ai aussi un atelier avec des assistants qui m'aident. Je pense que lorsqu'on aime ce qu'on fait, on trouve toujours le temps de réaliser ses projets. Quand vous créez, ce sont des idées qui vous suivent partout et vous pouvez toujours continuer à réfléchir, à faire des esquisses, à travailler...

D'autres projets en préparation ?
Il y a beaucoup de projets à venir. J'aurai des expositions au Mali, en France... C'est une période de développement de mon travail. J'ai aussi rencontré un artisan marocain pour une éventuelle collaboration pour travailler avec du tissu marocain. 

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