Éco-Conseil : Parlez-nous des vertus de l’humour au travail ?
Mohammed Benouarrek : De nos jours, la notion de plaisir au sein du travail commence à surgir, invitant ainsi les entreprises à offrir des moments agréables à leurs salariés pendant les horaires de travail. Passant par des sorties de relaxations, aux siestes, aux surprise-days, certaines entreprises invitent leurs collaborateurs à créer une bonne ambiance via le recours à l’humour même. La dichotomie classique travail versus plaisir, ou bien sérieux versus humour s’est écroulée. Nous pouvons être sérieux tout en nous amusant. Autrement dit, nous devrons travailler dans la bonne ambiance, car la rigidité du sérieux n’est pas une garantie d’engagement ou de bonne performance. Les vertus de l’humour sont en effet nombreuses.
Il peut servir le manager à s’ériger comme leader, comme il peut aider les collaborateurs à briser la glace pour une intégration efficiente.
Certains managers ont recours à l’usage de l’humour afin de décomplexer dans des situations embarrassantes et banaliser les enjeux d’un clash ou d’un malaise. D’autres utilisent l’humour pour passer tacitement des messages sans blesser leurs collaborateurs ou leurs collègues. En effet, la sensation de bien-être est ressentie plus facilement dans un climat de travail relaxé et non formel. À noter dans ce sens que l’humour n’est pas antonyme du sérieux, car nous pouvons traiter des problématiques très sérieuses tout en optant pour le registre de l’humour.
Comment bien l’exploiter pour un bon rendement des collaborateurs ?
Nous pouvons effectivement faire usage de l’humour pour booster le moral collectif du groupe, faciliter l'acceptation de ses faiblesses, dédramatiser les conflits ou les situations embarrassantes, pour ne citer que quelques bienfaits. Aussi, si le stress diminue l’efficacité des collaborateurs, l’humour quant à lui peut servir à atténuer les effets négatifs du stress. D’ailleurs, plusieurs psychologues soutiennent que l’humour est l’antithèse du stress. Certains managers utilisent l'autodérision afin de donner l’exemple et encourager leurs équipes à accepter l’humour sans arrière-pensées et sans lectures et/ou interprétations mal placées. D’ailleurs, un manager qui utilise l’humour seulement à l’égard de ses collaborateurs en s’excluant lui-même ou elle-même de cet exercice risque d’être mal pris. À noter qu’un collaborateur épanoui est nettement plus rentable qu’un collaborateur réprimé ou anxieux. La compétence à elle seule n’est pas une garantie de performance optimale. L’investissement dans le bien-être et le confort psychologique de ses collaborateurs est désormais une obligation. Parmi les outils les moins coûteux se trouve l’humour, car il ne coûte que de l’imagination.
Cette technique peut-elle marcher au sein de l'entreprise marocaine ?
Bien évidemment. Par contre, il y a lieu de noter que son usage doit varier en fonction de certains facteurs, à savoir la texture humaine (cartographie des effectifs en termes de catégories socioprofessionnelles, appartenances, niveaux d’éducation, maturité, etc.), la culture existante au sein de l’entreprise (style de management qui règne, histoire de l’entreprise, etc.) et la relation manager/collaborateur. Parfois, en embauchant des candidats qui ont le sens de l’humour et une attitude positive, le manager peut s’offrir des éléments qui dégagent des ondes positives et égaient l’atmosphère au sein des équipes. Pour revenir à la culture managériale de l’entreprise, je ne recommande pas un shift radical d’un formalisme étroit vers un style décontracté basé sur l’humour. Une transition progressive s’impose avec des ajustements selon le contexte (acteurs, conjoncture, relations, historique, etc.). Un dosage bien réfléchi est important aussi pour ne pas brûler les étapes ou bien ses cartes.
Quels sont les risques et les inconvénients du recours à l'humour ?
Comme pour toute autre chose, les inconvénients et les risques existent. Pierre Desproges, un humoriste français, disait que l’«on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde». Un humour axé sur les personnes et non les situations peut être blessant, voire destructif. Cela est encore plus vrai quand il s’agit de collaborateurs ou bien de collègues sensibles ou susceptibles. Aussi, certains collaborateurs ont-ils tendance à confondre l’humour et la rigolade sans limites.
Certains risquent même de généraliser la pratique avec excès en se permettant de transgresser des règles sous prétexte d’évoluer dans un contexte «cool». L’humour dépend des questions suivantes : sur quoi, avec qui, où, quand, comment et pourquoi. L'humour sans finalité confine à la banalité. À noter aussi que le sarcasme et l’ironie sont à bannir dans plusieurs contextes, leurs retombées étant parfois néfastes et regrettables. En guise de conclusion, je rappelle qu’il y a l'humour qui dérange et celui qui apaise, celui qui casse et celui qui motive, celui qui divise et celui qui unifie. C’est une arme à double tranchant à utiliser avec parcimonie et intelligence situationnelle.
