Cette année encore, le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle n’a pas réussi à dissuader les élèves tricheurs. Malgré les différentes mesures prises pour lutter contre les fraudes aux examens (une campagne de sensibilisation contre la triche en milieu scolaire, une nouvelle loi concernant la répression des fraudes aux examens adoptée, des sanctions sévères annoncées à l’encontre des tricheurs), un total de 6.825 cas de triche a été enregistré durant les examens de première année et deuxième année du baccalauréat. Il semblerait qu’il n’y ait rien qui puisse arrêter ces jeunes qui trouvent que tricher est devenu un droit légitime. Ils sont même parfois encouragés par leurs parents qui leur disent qu’il n’y a aucun mal à être malhonnête pour décrocher le sésame.
«Tout le monde sait que la qualité de l’enseignement s’est beaucoup dégradée ces dernières années dans notre pays. Les professeurs, eux-mêmes, ne sont pas honnêtes et ne terminent pas les programmes. Comment veulent-ils que nos enfants réussissent s’ils ne se font pas aider un peu en trichant ? Moi je dis que la fin justifie les moyens. Et le bac est une épreuve très importante. Je ne comprends vraiment pas pourquoi les autorités sont aussi sévères avec ces gamins. Aller en prison juste pour un cas de triche dans les examens, je trouve ça très sévère, aberrant même», confie Mohamed, 47 ans, père de famille.
Il faut dire que les cas de triche au Maroc ne se limitent pas aux examens du baccalauréat. Ce n’est qu’une facette parmi tant d’autres. En effet, être malhonnête est devenu pour de nombreuses personnes un comportement tout à fait naturel, et ce dans différents domaines. Il n’y a qu’à voir les cas de corruption, de falsification, d’arnaques, de triche dans les commerces… pour se rendre compte de l’ampleur de ce phénomène dans notre pays.
D’ailleurs, une étude britannique, publiée en mars dernier, avait révélé que le Maroc faisait partie des pays qui dégagent des taux de tricherie parmi les plus élevés au monde. Cette étude psychologique menée par deux chercheurs de l’Université de Nottingham et couvrant 23 pays classe les Marocains à la vingt-deuxième position parmi les peuples qui ont le plus tendance à violer intentionnellement les règles. «Bien qu'il soit réconfortant de penser que la plupart des gens sont honnêtes, la tricherie est bien courante dans différents domaines. Dans la nature, la tromperie permet à certains individus d'obtenir des avantages sans avoir à fournir l'effort qu'ils nécessitent. Pour un individu, le calcul est simple : est-ce que je peux obtenir quelque chose gratuitement, sans me faire prendre ? Quelle que soit l'échelle, certains prennent ce risque. Donc que ressent un étudiant qui triche ? Plutôt de la culpabilité, de la honte ou une baisse de l’estime de soi ? Réponse : d’abord du plaisir ! La tricherie provoque, en effet, une émotion agréable : la satisfaction d’avoir “grugé son monde”. Être dans un environnement qui montre des signes de comportements socialement déviants, comme le fait de voir que parmi nos leaders il y a des tricheurs, comme chez nos responsables... Notre société accepte et encourage la tricherie», explique Mohssine Benzakour, psychosociologue. Et d’ajouter : «Le plus inquiétant, c’est que la tricherie peut encourager d'autres mauvaises pratiques. Lorsque nous trichons, nous avons tendance à rationaliser le comportement. Comme il nous est impossible de changer le passé, nous modifions notre attitude et justifions nos actions. Il semblerait ainsi que la tricherie puisse inhiber temporairement l’éthique, d’où le recours à la violence».