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Les erreurs fatales à éviter

Le dirigeant d’entreprise est confronté au quotidien à un flot continu d’informations financières, sur la base duquel il doit prendre des décisions stratégiques, souvent dans l’urgence. En l’absence d’une formation adéquate et d’indicateurs pertinents, il ne doit compter que sur son flair et son expérience pour s’en sortir. Parfois, c’est suffisant. Bien souvent, ça ne l’est pas et les conséquences de la non-prise en compte des règles de bonne gestion financière peuvent conduire l’entreprise à l’irréparable. Quand les propriétaires et les dirigeants s’en rendent compte, c’est déjà trop tard. Voici quelques erreurs mortelles à éviter.

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Les charges fixes et l’effet de ciseaux
L’effet de ciseaux se produit quand les charges d’une entreprise progressent plus rapidement que ses revenus. Quand la conjoncture est porteuse, les dirigeants ont tendance à penser que les années de vaches grasses vont durer ad vitam aeternam et alourdissent leurs entreprises par des charges fixes, parfois inutiles (achat d’immobilier à crédit, recrutements intempestifs, investissement en matériel aux capacités surdimensionnées par rapport à la taille du marché, etc.). Quand la grisaille commence et les carnets de commandes s’effondrent, les dirigeants se retrouvent avec des structures qu’ils sont incapables de supporter. Leur allègement peut s’avérer encore plus coûteux pour l’entreprise que le maintien du statu quo. Dans ces conditions, plus la durée de la morosité se rallonge, plus la casse est élevée, jusqu’à l’effondrement. Pour éviter que les charges fixes n’étranglent l’entreprise, celle-ci doit observer une rigoureuse politique d’investissement et de dépenses, même en temps de clémence, et avoir toujours l’œil sur le probable retournement de conjoncture. Le dirigeant doit raisonner, toutes choses étant égales par ailleurs, en montant de charges fixes à ne pas dépasser et non pas se baser sur le niveau d’activité qui peut toujours évoluer défavorablement.

La croissance profitable que tout le monde cherche
Beaucoup de patrons vous diront qu’ils ne cherchent pas la croissance à tout prix, mais que c’est la profitabilité qui les intéresse. En réalité, très peu d’entreprises observent cette sagesse. D’abord, parce que les revenus permettent au moins de payer les charges fixes de l’entreprise, même si le niveau de marges qu’ils dégagent n’est pas élevé. Ensuite, une croissance des ventes aux marges confortables, même si elle est souhaitable, n’est pas toujours possible, en raison du monde hyper concurrentiel dans lequel baigne l’entreprise, qui doit faire des concessions sur les prix de vente pour survivre. Par ailleurs, les classements entre entreprises se font généralement sur la base du chiffre d’affaires et rarement sur les marges, ce qui conduit souvent les dirigeants à préférer le volume à la valeur.

C’est plus flatteur pour l’égo ! Enfin, très peu d’entreprises marocaines investissent dans des systèmes de comptabilité analytique qui leur permettent de piloter convenablement leurs coûts et leurs marges, faisant que beaucoup d’entre elles, surtout les PME et TPE, naviguent à vue et ont, au mieux, une estimation grossière de cette croissance profitable qu’ils cherchent.
L’accaparement d’une clientèle profitable suppose que l’entreprise ait une offre de valeur supérieure à ses concurrents et une bonne connaissance de sa structure de coûts et de marges par produit, sinon cela
devient un vœu pieux.

Le cycle d’exploitation synonyme de tous les dangers
Quand les banques lâchent les vannes du crédit, comme les autorités monétaires de ce pays cherchent à les pousser à faire, les entreprises deviennent très peu regardantes sur la maîtrise de leur cycle d’exploitation. Elles deviennent assez généreuses sur les délais de paiement accordés à leurs clients et accumulent des stocks (sans en maitriser le coût) pour satisfaire plus facilement une demande soutenue grâce à une bonne conjoncture. Quand les cycles se retournent, les liquidités s’assèchent et le crédit devient plus difficile, l’entreprise n’arrive plus à financer les largesses auxquelles elle a habitué ses clients et ses fournisseurs.
Le retour à l’orthodoxie financière devient synonyme d’âpres négociations avec les partenaires où chacun doit faire des concessions douloureuses ou, pire encore, aboutit à des ruptures de contrats, enfonçant davantage l’entreprise dans le marasme.

Quand le financement pêche par manque de réalisme
Dans beaucoup de cas, les entrepreneurs pensent qu’il suffit de 10.000 dirhams pour lancer une entreprise et dès qu’ils ont les premiers contrats, ils courent vers la banque pour les financer par du crédit à court terme.
Quand c’est le cas, la banque refuse rarement.
Or au fur et à mesure que l’entreprise croît, et en l’absence d’une stricte discipline de maitrise des coûts et du besoin en fonds de roulement, ses nécessités de liquidités augmentent très rapidement.
Elles dépassent ainsi ce qu’un banquier, prudent par nature, est prêt à supporter comme risque, surtout si les clients de l’entreprise eux-mêmes ne sont pas très solvables. Financer une activité doit se faire par des ressources stables (capitaux propres et/ou dettes à long terme) pour éviter à l’entreprise des accidents de financement, alors qu’elle est profitable et en croissance.

Compter sur le fournisseur et les crédits bancaires à court terme
pour se financer est faisable quand tout va bien. Sauf que ce n’est pas toujours le cas.
Les erreurs de gestion financière tiennent, à notre avis, à deux principaux facteurs. Le premier est l’optimisme excessif qui fait que les dirigeants taillent leurs finances sur une bonne conjoncture et ne prévoient pas de plan B, en cas de retournement de cycles.
Le second facteur est que, étant submergées par les opérations (production, vente et recouvrement), les entreprises, notamment les PME et TPE, n’investissent pas assez dans l’organisation et le pilotage. Elles naviguent à vue et certaines d’entre elles, à l’instar du Titanic, finissent par heurter l’iceberg. 

 

Par Nabil Adel
M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géo-économie
à l'ESCA.
[email protected]

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