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Quand l’armée de la première puissance africaine peine à repousser Boko Haram

Ces deux dernières années, Boko Haram s’est emparé de nombreuses localités et contrôle des zones entières du nord-est du pays d’où l’armée a disparu. Une réalité que corroborent les témoignages d’habitants, de responsables de la sécurité et d’experts. L’agence humanitaire des Nations unies confirme qu’en plus de Danboa, Gwoza, ville de l’État de Borno, dans le nord-est du pays, est tombée en août aux mains de Boko Haram. C’est dans cette ville que Abubakar Shekau a déclaré un «califat islamique».

Quand l’armée de la première puissance africaine peine à repousser Boko Haram

Une telle situation doit beaucoup à la corruption des militaires nigérians et tchadiens. La corruption permet aussi d’expliquer la situation de sous-équipement chronique des militaires dans un pays classé comme le premier producteur de pétrole et la plus puissante économie d’Afrique, et où le budget alloué à la défense s’élève à 6 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros) par an. On avance même que des soldats se sont mutinés à Maiduguri, exigeant des armes plus performantes. Selon les affaires judiciaires en cours, des milliards de dollars destinés à l'achat d'armes ont été volés ou détournés durant la campagne présidentielle de l'ancien président Goodluck Jonathan. Des officiers militaires font l’objet d’enquêtes par la cour martiale pour avoir vendu des armes et des munitions à Boko Haram. Par conséquent, l’armée nigériane se trouve dans l’incapacité de repousser les djihadistes. Cette situation dévoile les faiblesses d’un État qui paraît incapable de maintenir l’ordre et de gérer les conflits autrement que par la répression, mais elle met aussi en évidence les pratiques mafieuses au sein de l’armée et les craintes de la population quant à une guerre de religion susceptible de compromettre l’unité nationale et la pérennité d’une république de type parlementaire et laïque.

La corruption au sein de l’armée nigériane est une vraie gangrène qui entrave la lutte du pays contre les extrémistes islamistes. Ces derniers pullulent en dépit des efforts du gouvernement pour mettre fin à ce fléau. Bien que, l'année dernière, l'armée a réussi à déloger les insurgés de la plupart des villes et villages où ils avaient mis en place un califat islamique, les extrémistes continuent d'attaquer des villages reculés et les routes principales qu'ils ont minées. L'armée du Nigeria a rapporté avoir tué plusieurs kamikazes au cours du mois de septembre dernier, et pourtant, la situation est grave, l'ONU a tiré la sonnette d’alarme pour avertir que des dizaines de milliers parmi les 2,6 millions de personnes chassées de chez elles par l'insurrection sont confrontés à des situations de famine, qui ont déjà tué beaucoup d'enfants.

La semaine dernière, le journal «Premium Times Nigeria» rapportait dans un article paru le 26 octobre dernier qu’au moins 83 soldats nigérians manquaient après l’attaque de Boko Haram, lorsque ce dernier a attaqué une base militaire dans le nord-est du pays. Des dizaines de soldats avaient sauté dans le fleuve Niger et 22 ont été retirés de l'eau par des soldats du pays voisin. Les soldats nigérians ont été incapables de se battre et se sont enfuis parce que Boko Haram avait une puissance de feu supérieure. «Premium Times» a cité, dans son édition du 27 octobre, des officiers qui ont parlé sous couvert de l'anonymat parce qu'ils ne sont pas autorisés à donner des informations aux journalistes.

Le moral était également au plus bas parmi les troupes, parce qu'elles étaient rationnées à un repas par jour et leurs allocations ont été subtilisées par leurs commandants, selon le même journal. Le porte-parole de l'Armée, le colonel Sani Usman Kukasheka, a rapporté la semaine dernière que «certains» soldats ont été portés disparus et 13 blessés lorsque les insurgés ont attaqué le 17 octobre leur base dans le village de Gashigar, à la frontière avec le Niger. Le colonel est resté très vague sur le nombre réel de soldats disparus. Ce qui n’est pas surprenant dans un pays où le ministre de l’Information et de la culture avait appelé, en décembre 2015, à prendre en considération «l’intérêt du pays» quand il s’agit d’informer sur les attaques de Boko Harm. Il ne se passe pas une semaine sans que Boko Haram ne perpètre un attentat ou un enlèvement. Et le groupe, qui a désormais de plus en plus de forces, s'attaque aux pays voisins comme le Tchad et le Cameroun. Déjà, une coalition entre ces trois pays a vu le jour pour tenter d'endiguer le mouvement, mais elle semble pour le moment loin d'atteindre son objectif. Et la menace de terrorisme continue de prendre de l'ampleur dans la région avec des attentats sporadiques au Mali et des menaces sur la Côte d'Ivoire.

Lors de son élection en mars 2015, le Président Muhammadu Buhari accusait la corruption de la mort de milliers de personnes et avait promis de mieux équiper l'armée du pays. Depuis, le Nigeria est attendu et observé par les pays de la sous-région qui espéraient qu'il allait jouer pleinement son rôle de leader militaire pour coordonner les opérations et mettre sa puissante armée au service de la cause. Mais aussi de leader économique qui aidera financièrement les autres pays dans leur lutte contre l’extrémisme et le terrorisme qui pénalise le développement socio-économique de la sous-région. Jusqu’à présent, il est difficile au Nigeria d’assumer pleinement ces deux rôles.

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