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Quels droits et obligations pour les grévistes ?

Les conflits collectifs de travail se traduisent le plus souvent de la part des salariés par une grève et de la part des employeurs par un lock-out. Ces domaines sont très peu réglementés par le législateur et font toujours débat entre les parties prenantes. Le point avec Me Mohamed Oulkhouir, avocat au barreau de Paris, président de l'Association marocaine du droit du travail.

Quels droits et obligations pour les grévistes ?
En principe, la cessation du travail n'est soumise à aucun préavis et aucune procédure particulière.

Éco-Conseil : Quelles sont les conditions à respecter, par l'entreprise et par les grévistes, en cas de grève ?
Mohamed Oulkhouir : Le conflit collectif qui oppose employeur et salariés émane généralement de groupements organisés ou non et met en jeu des intérêts collectifs, c’est-à-dire communs à un ensemble de salariés (par exemple la liberté syndicale, la révision des salaires, la durée du travail...). Les conflits collectifs de travail se traduisent le plus souvent de la part des salariés par une grève et de la part des employeurs par un lock-out (fermeture provisoire d'une entreprise ou d'un établissement). Ces domaines ont été très peu réglementés par le législateur, de telle sorte qu’il n'y a pas de définition constitutionnelle ou légale de la grève et la loi organique la concernant se fait encore attendre. Le législateur étant resté pour le moins évasif, c’est à la jurisprudence qu’il est revenu d’élaborer les règles relatives à ces conflits. Selon la jurisprudence, il s'agit d'un arrêt collectif et concerté de travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles.
En principe, la cessation du travail n'est soumise à aucun préavis ni aucune procédure particulière. Elle peut intervenir à tout moment, dès l'instant où l'employeur a eu connaissance des revendications par quelque moyen que ce soit. L’employeur doit respecter le droit des grévistes de ne pas travailler et de débrayer, il ne doit pas menacer ou tenter d’intimider les grévistes. Les grévistes ne doivent pas empêcher l'entrée et la sortie des marchandises et véhicules ou interdire l'accès à l'entreprise aux non grévistes. L'occupation des locaux n'est pas en soi abusive. Elle le devient lorsqu'elle porte atteinte au droit de propriété, au droit de l'employeur d'exploiter son entreprise et à la liberté de travail et de circulation dans l'entreprise.

L’entreprise a-t-elle le droit de sanctionner les grévistes ?
Deux types de sanctions de nature très différentes sont possibles, étant précisé qu’aucun salarié ne peut être licencié ou sanctionné en raison de l'exercice normal du droit de grève, qui est un droit constitutionnellement protégé :
• Au niveau contractuel : la grève ne rompt pas le contrat de travail, elle ne fait que le suspendre. Le salarié reste néanmoins, pendant la grève qu’il a observée, responsable de ses actes vis-à-vis de son employeur. En cas de faute grave imputable au salarié gréviste, le contrat de travail peut ainsi être rompu par l’employeur. Le comportement abusif du salarié dans le cadre de l’exercice de son droit de grève (entrave à la liberté du travail, violences physiques contre un non gréviste, manquement à l’obligation de sécurité, destruction de biens…) peut faire l’objet de mesures disciplinaires allant de l’avertissement au licenciement. Outre la mesure disciplinaire dont le salarié fautif peut faire l’objet, l’employeur est en droit de lui réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé aux installations de l’entreprise. Il faudra alors suivre les dispositions des articles 37 et 62 du Code du travail pour la mise en œuvre de ces sanctions.
• Au niveau pénal : le très controversé article 288 du Code pénal dispose en effet qu’«est puni de l'emprisonnement d’un mois à deux ans et d'une amende de 200 à 5.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, a amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir, une cessation concertée du travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail. Lorsque les violences, voies de fait, menaces ou manœuvres ont été commises par suite d'un plan concerté, les coupables peuvent être frappés de l'interdiction de séjour pour une durée de deux à cinq ans». Le délit d’entrave à la liberté du travail est caractérisé dès lors que les agissements sont de nature à impressionner les non grévistes et à les dissuader par crainte pour leur sécurité de gagner leur poste de travail. Les violences sont également réprimées en tant que telles par les articles 400 et suivants du Code pénal, par une amende de 200 à 1.000 dirhams et/ou un emprisonnement de 1 à 3 ans. Ce sont les règles du Code de procédure pénale qui s’appliquent.

Le gréviste peut-il contester ces sanctions ? Par quelles voies ?
Oui, tout à fait, en saisissant l’inspecteur du travail pour conciliation ou alors le Tribunal social pour faire annuler les sanctions ou reconnaître le caractère abusif du licenciement. 

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