C’est une grande perte pour les arts plastiques au Maroc. L’artiste-peintre Abdellatif Zine, considéré comme l’une des figures emblématiques de la scène artistique marocaine, a rendu l’âme mardi des suites d’une longue maladie à l’âge de 76 ans. Natif de Marrakech en 1940, Abdellatif Zine s’inscrit à l’École des beaux-arts de Casablanca puis à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Il participe en 1963 à l’exposition organisée à la galerie Charpentier «Deux mille ans d’art au Maroc» à Paris et depuis expose au Maroc et à l’étranger. En 1990, il crée le Trans’Art, rencontre entre musique, danse, chant et peinture. Zine est expert auprès des tribunaux pour les beaux-arts, président fondateur de l’Association nationale des arts plastiques (ANAP) et président fondateur du syndicat des artistes plasticiens marocains (SAPM).
Dès ses débuts, Abdellatif Zine présente une peinture figurative dont les thèmes sont puisés dans les scènes du folklore marocain, restituées par transparence dans les couleurs vives où le rouge et le jaune dominent. Il donne à voir des instants de la vie, des célébrations de rituels, des scènes de hammam, une danseuse en pleine évolution, la transe d’un Gnaoui. Les personnages présentés sont tout en nuances, à peine discernables dans un jeu de couleurs et de lumière diffuse. S’éprenant de l’art musical des Gnaouas, Zine s’est en effet attaché à inventer des correspondances picturales avec la progression répétitive de leur expression musicale et vocale jusqu’à la transe. Les giclures de peinture qui «figurent» l’état d’extase corporelle à laquelle ils parviennent sont recueillies comme les traces d’un «happening» qui réhabilite autant une forme hallucinée de l’expressionnisme abstrait que la mémoire historique et ethnologique d’une forme musicale qui plonge dans les racines de l’Afrique.
Déroutant le public qu’il avait habitué à son art figuratif, Zine a ouvert une interrogation sur les mécanismes du métissage culturel dont tant de créateurs contemporains se revendiquent, dans les musiques comme dans les arts plastiques. «Ni figuratives, ni abstraites, mes œuvres sont faites de touches successives, relatant l’anecdotique du quotidien marocain, le tout en mouvement, ce qui caractérise mon approche picturale qualifiée de figuration expressive». C’est en ces termes que le défunt définissait sa vision de ses propres œuvres. Sa dernière apparition sur scène remonte au 29 octobre dernier, au Studio des arts vivants où il a présenté un spectacle éclectique «Trans’Art». Il s’agit d’une création contemporaine vivante où le plasticien, Abdellatif Zine, accompagné d’une troupe de Gnaouas, a proposé un savoureux mélange où la musique, la transe et la danse guérisseuse des Gnaouas se sont mêlées à l’expression picturale fantasmagorique du plasticien. Résultat : un spectacle à couper le souffle.
