Le Matin : Tout d’abord, rappelez-nous les principaux détails de cette découverte. Et pourquoi est-elle considérée comme importante ?
Zouhaïr Benkhaldoun : C’est une découverte importante, car il s'agit d'un système de sept planètes dont au moins trois sont susceptibles d'abriter la vie ! Ce système planétaire, qui est à quelque 40 années-lumière, gravite autour d'une étoile naine ultra froide, ce qui rend leur observation plus facile que les exoplanètes qui se trouvent au voisinage d'étoiles plus chaudes comme le Soleil. C'est une première mondiale puisque jusqu'à maintenant on n'avait jamais observé autant d'étoiles de caractéristiques équivalentes à la Terre dans un même système.
Selon vous, est-il possible de trouver des traces de vie sur ces planètes ?
Oui, cela fait justement partie de l'importance de cette découverte. La ressemblance de caractéristique physique (taille, distance par rapport à l'étoile et composition tellurique de leurs sols) en fait d'excellentes candidates pour l'éventuelle présence d'eau et d'autres éléments chimiques nécessaires à la vie.
Quelles seront les prochaines étapes de recherche après cette découverte ?
Cette découverte va amener la communauté des chercheurs, dont notre équipe du Laboratoire de physique des hautes énergies et astrophysique de l'Université Cadi Ayyad, à scruter plus en détail ce système pour y déceler les signatures d'existence de vie telles qu'on les connait sur la planète Terre.
Comment l’équipe de l’observatoire a-t-elle participé à cet exploit ?
Nous avons un programme de recherche scientifique sur les exoplanètes depuis 2010 et un doctorat a déjà été soutenu sur ce sujet avec Ahmed Daassou. En 2013, à l'occasion de l’organisation de la quatrième édition de l’École d'astrophysique de l'Oukaïmeden (OISA13), nous avons été contactés par une équipe de l'Université de Liège en Belgique pour coopérer sur cette thématique. Nous avons alors installé un télescope dédié aux exoplanètes à l'Observatoire (Trappist-Nord). Le télescope a été installé en mai 2016 et tout de suite après nous l'avons braqué sur une cible qui avait déjà fait parler d'elle il y a une année, à savoir l'étoile naine ultra froide grise Trappist-1. Ensuite, en combinant les données avec plusieurs autres observatoires autour du monde, notamment au Chili, à Hawaï, aux Iles Canaries et avec un télescope spatial (Spitzer) de la Nasa, nous avons recoupé nos observations, analysé les résultats et avons abouti à la découverte en question.
On parle très peu d’astronomie au Maroc. Pourquoi, selon vous ?
Oui, effectivement. C’est malheureusement parce que cette science, comme toutes sciences fondamentales, est considérée comme étant un luxe pour pays en développement. On n'a qu’à voir les thématiques prioritaires de recherche pour se rendre compte que toutes les sciences fondamentales sont marginalisées.
Croyez-vous que cette découverte pourrait avoir un impact positif sur le domaine de l’astronomie au Maroc ?
Nous en attendons des retombées positives évidemment. Nous venons de prouver qu'avec peu de moyens, mais beaucoup de volonté et de patience, nous sommes capables de nous arrimer aux meilleures nations dans la recherche scientifique.
Parlez-nous du travail de l’Observatoire tout le long de l’année ?
L'Oukaïmeden, observatoire astronomique relevant de l'Université Cadi Ayyad, a à son actif plusieurs découvertes dans les domaines des petits corps du système solaire (4 comètes et 5 astéroïdes géocroiseurs), mais la dernière découverte concernant les exoplanètes est la plus importante. Sinon, l'observatoire développe d'autres programmes avec d'autres partenaires internationaux, dont on peut citer : un programme sur la météorologie de l'espace et l’étude de l'ionosphère avec l'Université américaine de l'Illinois, un programme sur le suivi des satellites et l'étude des petits corps du système solaire avec la Corée du Sud (Agence spatiale coréenne), un programme sur les recherches lunaires avec l'Université du Roi Abdulaziz au Royaume d'Arabie saoudite, un programme sur la spectroscopie des étoiles variables avec la France en particulier et un programme sur l'observation des météores et l'étude de leurs trajectoires avec l'Observatoire de Paris. Comme vous pouvez le constater, nous menons de front plusieurs axes de recherche. Mais il est important de signaler que cela est rendu possible par le fait que nous avons opté pour la robotisation de tous les instruments de mesure de l'Observatoire de l'Oukaïmeden. Il n'est, en effet, pas nécessaire d'être sur place pour pouvoir observer. Le vivier en termes de doctorants que nous avons pu mettre en place, grâce à une formation de Master unique au Maroc, nous permet d'avoir le potentiel humain nécessaire au dépouillement et à l'analyse de toutes ces données, à défaut de pouvoir recruter des chercheurs à plein temps.