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«Mener une bonne recherche avec un grand objectif ne peut pas être une chose facile»

Il y a deux semaines, Adnane Remmal, professeur de biologie à l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, recevait le Prix de l'inventeur européen au titre de l’année 2017, pour son innovation portant sur la lutte contre la résistance de plus en plus forte des bactéries aux antibiotiques. Retour sur cette expérience.

«Mener une bonne recherche avec un grand objectif ne peut pas être une chose facile»

Le Matin : Quand vous avez commencé vos recherches, est-ce que vous vous attendiez à un tel succès ?
Adnane Remmal : J’ai toujours considéré que ce qui était important c’est de trouver les bonnes idées de projets et les méthodes les plus simples pour les réaliser. Quand j’ai commencé à travailler sur le sujet de la résistance aux antibiotiques, j’étais convaincu que j’allais trouver une solution. J’étais bien sûr conscient qu’il fallait beaucoup de temps et beaucoup d’efforts. À l’époque, je ne pensais pas à obtenir un prix ou à avoir une consécration quelconque.

C'était émouvant de recevoir les félicitations de S.M. le Roi Mohammed VI ?
Recevoir une lettre de félicitations et d’encouragement de la part de Sa Majesté est pour moi un rêve qui se réalise. Cette lettre est pour moi la vraie consécration. En même temps, je dois redoubler d’efforts pour être à la hauteur de la confiance que Sa Majesté m’a accordée par cette lettre.

Parlez-nous de votre découverte. En quoi consiste-t-elle et combien de temps vous a-t-il fallu pour arriver à un résultat ?
J’ai commencé à travailler sur le sujet de la résistance aux antibiotiques en 1988. J’étais un jeune professeur âgé de 26 ans. Il s’agit de deux innovations. La première est un additif à mélanger dans l’aliment des animaux d’élevage pour remplacer les antibiotiques promoteurs de croissance. Ces antibiotiques sont à l’origine de la sélection de bactéries résistantes chez les animaux d’élevage. Ces bactéries sont ensuite transmises aux consommateurs via l’alimentation. Et la deuxième innovation est un médicament humain dans lequel nous associons un antibiotique avec une molécule naturelle purifiée à partir des huiles essentielles de plantes aromatiques. Cette association aboutit à un complexe moléculaire non reconnu par les mécanismes de résistance. Par conséquent, les bactéries résistantes à l’antibiotique seul deviennent sensibles au complexe moléculaire que nous appelons «antibiotique boosté». Ainsi, la première innovation joue un rôle préventif empêchant la résistance de se transmettre de l’animal à l’homme. La deuxième innovation permet de traiter les patients qui ont une infection provoquée par des bactéries résistantes.

Est-ce que c’est facile de mener ce genre de recherche et d’enregistrer le brevet pour un chercheur au Maroc ?
Mener une bonne recherche avec un grand objectif ne peut pas être une chose facile. Cependant, le chercheur ne voit pas la difficulté ; il avance vers son objectif par n’importe quel moyen. La demande de brevet exige entre 50.000 et 100.000 DH pour la rédaction par un bon mandataire. Ensuite, il faut payer des taxes de dépôt qui ne sont pas chères au début. Mais pour que le brevet reste valable à l’échelle internationale 30 mois après la date du premier dépôt, il faut un budget de l’ordre de 500.000 à 1.000.000 DH. Par conséquent, il faut l’intervention d’un fond de valorisation ou d’un partenaire stratégique pour couvrir ces frais. Sinon, la validité du brevet serait limitée au Maroc.

Quel sera l’impact de votre découverte sur le Maroc et sur l’humanité en général ?
Les antibiotiques sont des médicaments d’une importance cruciale pour la médecine humaine qui ne peut pas s’en passer. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas prendre le risque de revenir à l’ère pré-antibiotique à cause du phénomène de résistance qui crée des superbactéries qu’aucun antibiotique ne peut combattre. Nos deux innovations vont sûrement contribuer à combattre la résistance et à donner une nouvelle vie aux antibiotiques. Les patients marocains seront les premiers à en bénéficier avant les autres pays qui l’utiliseront plus tard.

Quelle sera l’étape suivante sur votre planning de chercheur ?
Je continue à travailler sur différents aspects de la lutte antimicrobienne en médecine humaine et vétérinaire. L’objectif étant, d’une part, de créer d’autres innovations et de les valoriser et, d’autre part, de former de jeunes chercheurs, capables de continuer ce que j’ai commencé et de faire encore mieux. 

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