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Ce qui va changer avec la flexibilisation

Réduction de l’intervention de la Banque centrale, diminution du nombre de cours de change communiqués, mise en place d’une plateforme électronique de trading interbancaire… La flexibilisation du régime de change induira plusieurs changements. Bank Al-Maghrib devra accompagner banquiers et opérateurs au début pour une mise en œuvre «dans la douceur» d’une réforme réputée complexe.

Ce qui va changer avec la flexibilisation
Du beau monde pour la deuxième édition des Journées internationales de macroéconomie et de finance, organisée les 15 et 16 mai à Marrakech.

Novembre 2016. L'Égypte est forcée de laisser flotter sa monnaie. Si les effets ont été relativement bénéfiques notamment pour le tourisme, aujourd’hui l’inflation explose pour osciller entre 23 et 30%. Les réserves de change fondent comme neige au soleil et la situation ne semble pas reluisante cette année. Quelle leçon tirer du flottement de la livre égyptienne ? Mieux vaut mener une flexibilisation du régime de change dans la douceur que dans la douleur et dans la précipitation, laisse entendre Mounir Razki. Le responsable de la direction des opérations monétaires et de change à Bank Al-Maghrib s'exprimait lors de la deuxième édition des Journées internationales de macroéconomie et de finance, organisée les 15 et 16 mai à Marrakech (Cf www.lematin.ma). Razki a ainsi rappelé que le Maroc a mené entre 2007 et 2010 une réflexion approfondie sur un projet de réforme de son régime de change. La phase d’analyse et de benchmarking a duré, elle, 5 ans.

«Dans le but de consolider son ouverture commerciale, de poursuivre son intégration financière et d’accroître les capacités d’absorption et d’ajustement de son économie vis-à-vis des chocs externes, le Maroc se prépare donc pour une transition graduelle vers un régime de change plus flexible. Ce projet de réforme implique l’abandon progressif de l’ancrage du taux de change et l’adoption du ciblage de l’inflation comme stratégie alternative de politique monétaire», souligne Bank Al-Maghrib. La Banque centrale affirme que tout a été pensé pour mener à bien cette réforme. L’objectif étant de minimiser les risques et d'éduquer le marché aux nouvelles pratiques. C’est dans cet objectif que l'institution a lancé une large campagne de communication et de sensibilisation à destination du gouvernement, des opérateurs économiques, des banques, des agences de notation, des médias et du grand public.

Il faut dire que le processus de transition du régime de change actuel (régime conventionnel à parité fixe) vers un régime de change flottant avec ciblage de l’inflation est réputé complexe, mais adapté au marché marocain. Un marché émergent, mais pas assez mûr pour une libéralisation tous azimuts. «Il ne s’agira pas de libéraliser complètement, mais de flexibiliser le régime de change tout en limitant considérablement les interventions de la Banque centrale», souligne Razki avant de préciser que «peu de pays ont réussi la transition vers un régime de change flottant avec ciblage de l’inflation. La transition vers ce régime prend en moyenne 7 à 15 ans. Nous ambitionnons d’y arriver en moins de temps. En revanche, si les fondamentaux se détériorent le processus devra s’accélérer pour plus de flexibilité», déclare Razki au «Matin-Éco». Vu la complexité de ce chantier, le Maroc bénéficiera de l’assistance technique du Fonds monétaire international (FMI).

Concrètement, comment sera mise en œuvre la réforme ? «La transition sera graduelle et ordonnée vers plus de flexibilité du taux de change. Elle se traduira par l’étalement du processus en plusieurs phases afin de permettre aux intervenants du marché et aux opérateurs économiques de s’adapter à cette évolution et à Bank Al-Maghrib de les accompagner», explique la Banque centrale. Côté gouvernance, plusieurs comités ont été créés où plusieurs intervenants sont représentés, en l’occurrence Bank Al-Maghrib (BAM), le ministère de l’Économie et des finances et les banques. On note ainsi le comité de coordination de la réforme du régime de change (BAM et ministère des Finances), le comité monétaire et financier (BAM), le Comité du marché des changes (BAM et banques) et le comité de régulation du marché des changes (BAM).

Pour la première étape, les responsables de la Banque centrale ont levé un coin de voile sur de principales nouveautés. L'on sait ainsi que l’intervention de BAM sur le marché des changes sera réduite. Pour les adjudications de devises, la Banque centrale devra continuer à gérer la liquidité en devises sur le marché des changes tout en assurant le bon fonctionnement. BAM devra en revanche intervenir aux extrémités de la bande de fluctuation, à travers des opérations d’achat (au plancher) ou de vente (au plafond) pour défendre la bande ou servir une banque en dernier recours. Enfin, il est prévu des interventions discrétionnaires à l’intérieur de la bande (en cas de pression sur le cours de change ou de survenance d’un événement exceptionnel ou imprévu).

Concernant le fonctionnement même du marché de change, il s’agira de se conformer aux pratiques internationales en réduisant le nombre de cours communiqués. Celui-ci se limiterait à une bande de fluctuation à l’ouverture du marché en dollar américain et à un cours de référence moyen à 12 h 30 pour toutes les devises traitées sur le marché.

Par ailleurs, le marché des changes interbancaire sera dynamisé en transférant les opérations de change manuel des banques contre dirhams vers les opérations contre devises. L’une des principales nouveautés de ce processus sera la mise en place d’une plateforme électronique de trading interbancaire. Chaque banque devra donc traiter les opérations de change interbancaire sur la plateforme de trading retenue tant que son engagement journalier n’est pas encore honoré intégralement. Une fois l’engagement honoré, les banques devront traiter sur une autre plateforme appartenant au même fournisseur de la plateforme interbancaire principale. 


Questions à Mounir Razki, responsable de la direction des opérations monétaires et de change à Bank Al-Maghrib

«Nous n'avons pas fixé de date précise pour la transition»

Le Matin-Éco : Le Maroc s'apprête à passer au second semestre d’un régime de change strict à un régime flexible. Comment expliquer cette transition au Marocain Lambda ?
Mounir Razki : Effectivement, il faut bien expliciter ce passage d’un régime de change strict à un régime flexible. Actuellement, nous utilisons un régime strict où notre monnaie est déterminée d’une manière administrative. L’idée est de le flexibiliser pour qu’il soit la résultante de l’offre et de la demande. S’il existe une forte demande sur la devise elle va s’apprécier, sinon elle va se déprécier et vice versa.

Comment cette réforme sera-t-elle entamée concrètement et selon quel calendrier ?
Nous allons réformer d’une manière ordonnée avec un séquencement qui va se dérouler en plusieurs phases. La première sera consacrée à la préparation des opérateurs afin qu’ils aient les outils d’informations, la gouvernance appropriée, le dispositif de gestion de risques et les instruments de couverture entre autres. Nous n’avons pas fixé de date précise. Nous allons opérer en fonction d’indicateurs. Le premier semestre de 2017 est ainsi consacré à la préparation des opérateurs et à la communication.
Une fois les opérateurs prêts et la réforme assimilée, les autorités décideront à quel moment passer à l'étape suivante. Lors de cette phase, il n’y aura pas beaucoup de changements sinon l’élargissement de bande maitrisée avec la présence de la Banque centrale sous forme d’injection de liquidités. Cette étape va durer des mois, le temps que les opérateurs s’y habituent.

Au bout de combien de temps le régime de change flottant avec ciblage de l’inflation sera-t-il pleinement effectif ?
Les expériences que nous avons benchmarkées nous montrent que les pays ayant opté pour ce régime ont consacré 7 à 15 ans pour la transition. Nous espérons y arriver dans des délais beaucoup plus courts. Toutefois, tout dépendra des conditions des fondamentaux macroéconomiques du Maroc. Si ces derniers enregistrent une évolution défavorable, le processus de mise en œuvre sera accéléré.

Quel scénario dans ce cas ?
Lorsqu’un choc survient, vous devez réagir. Le cas de l’Égypte est frappant à plus d’un titre. Face à la crise, ils ont opté pour le flottement, car ils n’avaient pas le choix. Aujourd’hui, ils ne maitrisent plus l’inflation qui bat des records. Cette dégradation des fondamentaux est valable pour tous les pays quel que soit leur régime de change. Maintenant, il s’agit d’anticiper ces chocs exogènes, d’où cette réforme entamée de manière ordonnée et organisée. De plus, avec un régime de change plus souple, nous disposerons de plus de marge de manœuvre face aux crises. DNES à Marrakech, Mohamed Amine Hafidi

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