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Distribution de produits d’assurances, un métier en voie de disparition ?

Les intermédiaires en assurances viennent de remporter la bataille de la non-augmentation de la TVA sur leurs commissions, retirée in extrémis du projet de loi de Finances 2018. Les autres batailles qu’ils s’apprêtent à engager sont liées à l’augmentation des taux de commission, aux délais de reversement des primes aux compagnies, au bras de fer avec les banques sur la distribution des produits d’assurances et à la gestion de l’extension chaotique des points de vente. Mais à force de se focaliser sur ces petites batailles, somme toute légitimes, les intermédiaires risquent de perdre la vraie guerre.

Distribution de produits d’assurances, un métier en voie de disparition ?

Un métier en danger
La rupture technologique que connaît le monde actuellement condamnera plusieurs secteurs à disparaître, ou du moins, à changer profondément de mode opératoire. La distribution des produits d’assurances n’échappera pas à cette tendance de fond et sera certainement davantage affectée que d’autres secteurs financiers. Nous ne parlerons pas dans cette chronique d’intelligence artificielle, de big data, de cryptomonnaie ou de voitures automatiques, entre autres, mais simplement de la technologie qui existe déjà et qui rendra l’intermédiation en assurances extrêmement vulnérable. Toutefois, avant de présenter les bouleversements que connaîtra ce métier, commençons par en expliquer le fonctionnement. Le rôle d’intermédiaire d’assurances (agent ou courtier) a toujours consisté en le rapprochement entre les clients éparpillés d’une compagnie d’assurances et les services centraux ou régionaux de celle-ci. Mais contrairement aux banques qui distribuent leurs produits via leurs propres agences et emploient leurs propres salariés, les intermédiaires d’assurances sont des tiers pour les compagnies et sont donc rémunérés à la commission. Ainsi, qu’il s’agisse de la présentation des produits d’assurances aux clients, de la vente de contrats, de l’encaissement des primes ou des prestations en cas de sinistres, leur rôle était de parer aux contraintes de l’éloignement physique entre assureurs et assurés. Cet éloignement appartient désormais au passé et les véritables défis pour cette profession sont d’une tout autre nature. Ils sont existentiels.

Les enjeux, les vrais, sont ailleurs !
Ainsi, au-delà de la bataille qu’engagent les intermédiaires en permanence avec les assureurs et les autorités de tutelle sur les délais de recouvrement, la fiscalité ou les taux de commission, la profession doit d’abord réfléchir à son devenir dans un monde où le progrès technologique rend son rôle moins indispensable que par le passé. Ainsi, de la consultation au règlement définitif de la prestation, la machine finira par remplacer l’homme dans ce domaine dans les dix prochaines années au plus. Aujourd’hui déjà, les sites web des compagnies deviennent les principales vitrines de présentation de leurs produits, fournissant un niveau de détail assez fin sur les couvertures, les tarifs et les prestations. Dans plusieurs cas, un simulateur en ligne permet de fournir un devis aux prospects ou clients, et en cas d’acceptation, l’établissement du contrat et le paiement se font directement en ligne. D’autre part, les simulateurs tendront à se substituer aux courtiers, en ce sens qu’ils permettront en quelques clics de comparer et de classer l’offre de plusieurs compagnies. Et grâce à des algorithmes sophistiqués de calcul, cette comparaison sera personnalisée en fonction du profil propre de l’assuré, intégrant son statut personnel, sa situation professionnelle et, d’autres informations, telles que son historique d’achat sur Internet ; ses groupes d’amis sur les réseaux sociaux ou encore les vidéos qu’ils regardent sur YouTube !

Une révolution dans les prestations
L’un des moments privilégiés où l’assuré mesure le professionnalisme et la valeur ajoutée d’un intermédiaire a lieu lors de la survenance d’un sinistre. Or, cette interaction entre l’intermédiaire et le client est aujourd’hui accaparée par les centres d’expertise rapide, les plateformes de traitement, les conventions de tiers payants et les centres d’appels. L’expertise, qui est le maillon fort de l’assurance, car elle détermine le montant de l’indemnité, peut être désormais effectuée à distance, et ce, grâce aux avancées décisives de la vidéo en ligne et de la transmission instantanée de données (factures, devis, photos, rapports, etc.). Dans les rares cas nécessitant un déplacement physique de l’expert, le choix et le mandat de celui-ci se font directement par la compagnie d’assurances. Une fois le montant de l’indemnité déterminé et accepté par le client, un virement s’effectuera directement sur son compte, sans avoir besoin d’un intermédiaire pour lui remettre le fameux «chèque».

Le nouvel agenda
Dans un avenir très proche, les compagnies d’assurances se résumeront à de gros portails internet et d’énormes plateformes de traitement de données informatisées. Leur existence physique sera réduite à sa plus simple expression. L’interconnexion des intervenants réduira considérablement les échanges de documents physiques et, par conséquent, l’importance de l’intermédiaire dans le processus de souscription et de prestations. À l’instar des réseaux sociaux, chaque assuré disposera auprès de sa compagnie d’une page contenant ses données personnelles et professionnelles, l’historique de sa relation avec la compagnie, ainsi que l’ensemble des échanges de flux avec les tiers (médecins, experts, pharmacies, réparateurs, etc.). Ceux-ci pourront directement alimenter en informations, documents, rapports et autres notes et factures cette page accessible aussi bien à l’assuré qu’à la compagnie. 
Dans cette nouvelle configuration, seuls les intermédiaires ayant préparé dès maintenant leur mutation en experts en Risk-management pour les entreprises et en conseillers en gestion de patrimoine pour les particuliers pourront tirer leur épingle du jeu. Les autres qui se battent bec et ongles sur les délais de paiement, le taux de TVA et le taux de commission rateront un TGV qui passe à côté d’eux, mais qui ne s’arrêtera pas longtemps. 

 

Par Nabil Adel 
Chef d'entreprise, chroniqueur, essayiste et enseignant-chercheur à l'ESCA - École de Management

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