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Entreprendre au féminin : lorsque les femmes s’imposent par le leadership

Huit femmes entrepreneurs de différentes générations, présentées comme leaders et «role models», ont été récemment conviées par ESCA École de Management afin de débattre de la question de l’entrepreneuriat féminin et décliner leur vision du leadership, mais aussi partager leurs expériences inspirantes.

Entreprendre au féminin : lorsque les femmes  s’imposent par le leadership
Zineb Midafi : «Le seul plafond de verre auquel peut se heurter une femme entrepreneur n’existe que dans sa tête».

Les femmes ne participent pas assez à l’économie marocaine. Ce triste constat n’est pas nouveau, mais suscite toujours autant d’interrogations. En effet, si le taux d’activité des femmes au Maroc est très faible par rapport à la moyenne régionale et mondiale, celui de l’entrepreneuriat féminin l’est encore plus. Selon des statistiques de la Banque mondiale publiées en juin 2016, seuls 10% des entreprises marocaines sont créées et gérées par des femmes, contre 25 à 30% pour les pays du Moyen-Orient. Pourquoi donc l’entrepreneuriat féminin peine-t-il autant à décoller ? Pourquoi certaines femmes osent l’aventure alors que d’autres non ? Qu’est-ce qui fait que certaines entrepreneures réussissent alors là où d’autres échouent ? Quelle place pour le leadership dans la réussite de ces femmes-là ? Peut-on parler d’un leadership spécifiquement féminin ? Toutes ces questions, somme toute légitimes, ont été soulevées au cours du débat organisé mercredi dernier à Casablanca par ESCA École de Management sous le signe «Women Entrepreneurship and Leadership for Africa». L’évènement entre dans le cadre du programme du même nom lancé le mois dernier par l’établissement en partenariat avec CEIBS (China Europe International Business School) de Shanghai, leader en formation de management en Chine. Un programme qui vise, comme son nom l’indique, à soutenir les femmes entrepreneurs dans leur leadership sur le continent.
Ainsi, huit femmes entrepreneurs de différentes générations, présentées comme leaders, ont été invitées pour faire le tour de la question et partager avec les participants leurs expériences diverses, mais ayant un fil conducteur commun : la rage de la réussite.

Il faut tout de même avouer que les entrepreneures d’aujourd’hui sont beaucoup mieux loties que celles qui les ont précédées, l’environnement entrepreneurial actuel étant plus accueillant à en croire l’expérience de Saloua Karkri Belkeziz, PDG de GFI Maroc, fondatrice de l'Association des Femmes-chefs d'entreprises du Maroc (AFEM) et présidente de la Fédération marocaine des technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring (APEBI). Celle-ci, a tout de même, tenu à préciser que beaucoup reste à faire dans ce domaine. Dans ce sens, elle a préconisé la mise en place d’une stratégie nationale pour l’implication des femmes dans l’économie marocaine et l’essor de l’entrepreneuriat, à l’image des autres stratégies sectorielles dont s’est doté le pays. Pour elle, comme pour le reste des intervenantes, le réseau et le mentorat sont deux facteurs-clés dans la réussite du projet. Presque autant que la persévérance, car, relève Zineb Midafi, co-fondatrice et DG de VBS, société éditrice de solution logicielle de gestion de patrimoine immobilier, «l’entrepreneuriat est loin d’être un pari gagné d’avance». Zineb Midafi, qui est le plus jeune membre du conseil d’administration de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), est convaincue que le seul plafond de verre auquel peut se heurter une femme entrepreneur n’existe que dans sa tête. Au-delà, toutes les barrières sont franchissables pour peu qu’on y mette la volonté qu’il faut. L’échec pour elle n’est pas une option. Et si échec il y a, elle préfère le voir comme une expérience porteuse d’une leçon et qu’elle ne fait que reculer pour mieux sauter. La jeune trentenaire attribue également beaucoup de mérite au mentoring dans sa réussite et souligne la grande importance des Soft Skills comme compétences incontournables pour le succès de toute entrepreneure.

Même son de cloche du côté de Meriem Zairi, DG de SEAF Morocco, une société de gestion de fonds d'amorçage destinés aux jeunes entreprises innovantes. La vice-présidente de la commission «Promotion de l’entrepreneuriat» à la CGEM admet que «l’entrepreneuriat est un véritable parcours de combattant(e)», notamment quand l’entrepreneur(e) se heurte à un manque d’informations, de formation, d’accompagnement et de réseau. Mais avant d’en arriver là, il y a cette tendance à l’autocensure typiquement féminine due, en général, à une éducation et à un système d’enseignement qui ne développe pas chez les femmes la confiance en soi et accentue ce sentiment d’infériorité par rapport à l’homme. Le financement constitue, par ailleurs, un autre frein à l’entrepreneuriat, note Meriem Zairi, ajoutant qu’aujourd’hui, il existe plusieurs fonds nationaux et internationaux dédiés au soutien des jeunes entrepreneurs qui ne demandent qu’à être utilisés.
Ainsi, pour entreprendre, il faut non seulement avoir la fibre entrepreneuriale, mais aussi oser, ne pas se mettre de barrières, ne pas avoir peur de l’échec, se faire accompagner, se former, s’entourer d’un bon réseau, trouver le financement, avoir des compétences parallèles. Mais pour réussir, le leadership reste le facteur déterminant. Sur ce volet, l’expérience de Krystal Choo est particulièrement inspirante. Cette jeune singapourienne reconnue comme leader d’opinion influente a fondé Wander, une plateforme qui rassemble des personnes partageant les mêmes intérêts, leur permettant de rejoindre les meilleures communautés dans une même ville à partir de leurs appareils électroniques. Elle a réussi à se frayer un chemin et à se faire une place dans une industrie où seulement 12% d’entreprises sont fondées et dirigées par des femmes. Krystal Choo est une femme déterminée que rien n’arrête et qui pense que les leaderships masculin et féminin, bien qu’ils aient la même finalité, sont bien différents : «le leadership masculin construit une meute de loups alors que le leadership féminin érige une famille», a-t-elle relevé. Cette dimension humaine du leadership féminin a été également mise en exergue par les autres invitées, elles-mêmes leaders dans leurs domaines respectifs.

Nezha Larhrissi, co-fondatrice et présidente eSTEM Morocco, pense que le leadership n’est pas l’apanage que des chefs d’entreprises, mais peut s’exercer à tous les niveaux et au sein de toutes les équipes de l’organisation. Le leadership, pour elle, est une question d’impact à dimension humaine. C’est aussi cette capacité d’empathie et d’écoute qui est une qualité inhérente à la gent féminine. À ce sujet, Abla Ammor, DG de la holding Publicis One, qui gère des comptes prestigieux, a déclaré que le leadership féminin se distingue du masculin. Non pas qu’il soit meilleur, mais juste différent par un ingrédient qui s’y ajoute et qui n’est autre que l’émotion, «pas dans le sens négatif du terme», tient-elle toutefois à préciser, mais «on gère des équipes et des hommes et donc on y met forcément un peu plus de cœur», a-t-elle expliqué. 

Écoute, empathie, style collaboratif, style plus inclusif. Autant de qualités féminines qui doivent être remarquées et valorisées et sur la base desquelles la femme doit construire son propre style de leadership, atteste Salma Kabbaj, co-fondatrice et CEO de Numa Maroc, accélérateur de startups et de l’innovation. Car, signale-t-elle, il y a autant de styles de leadership qu’il y a de leaders. «Le leadership se construit à travers l’expérience et la prise d’initiative, mais aussi en étant conscient des différents biais ancrés dans la société et qui ne sont pas forcément malveillants», ajoute-t-elle. Car, à la base, on peut remarquer que les attributs d’un leader sont plutôt masculins : il dégage de l’autorité et possède une vision qu’il va imposer à son entourage. Une femme qui va avoir ces attributs risque d’être jugée et ne sera pas forcément appréciée pour ces qualités-là», déplore la jeune dirigeante. 
Souad Benbachir, administrateur, DG de CFG Bank, a quant à elle relaté l’histoire de son parcours qu’on peut qualifier d’exceptionnel et qui lui a valu d’être décorée par S.M. le Roi Mohammed VI du Wissam Al Arch de l'Ordre de chevalier. Cette femme qui a témoigné d’un fort leadership dans un secteur dominé par les hommes a toujours été animée par une volonté incommensurable de se réaliser et d’explorer des territoires singuliers. Et c’est ce type de leadrship caractérisé par le dépassement de soi et des limites imposées par la société qui a empreint son expérience et l’a propulsée dans une place de choix dans le secteur de la finance. 

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