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Industrie automobile : pourvu que ça dure !

Industrie automobile : pourvu que ça dure !

Retour sur une expérience à dupliquer
Comme dans toute stratégie volontariste de développement d’un secteur d’activité, le point de départ est toujours la dotation de ce secteur en facteurs de production, en quantité et en qualité suffisantes. Ainsi, les indicateurs au vert du secteur ne sont que la juste compensation des efforts massifs fournis au plus haut sommet de l’État en la matière, plus particulièrement en termes d’infrastructures et de capital humain. On peut citer à titre d’illustration :
• La dotation du secteur, en infrastructures routières, aériennes, portuaires et industrielles qui assurent la fluidité et la rapidité de la circulation des flux de biens, de données et des personnes.
• La mise en place de structures d’accueil de qualité avec 2 plateformes industrielles intégrées dédiées à Tanger et à Kénitra.
• La stratégie de formation innovante et ad hoc répondant aux besoins du secteur.
• La contribution de l’État à l’installation et à l’acquisition d’équipements pour les investisseurs, via le Fonds Hassan II pour le développement économique et social.

Les atouts du Maroc ont été mis à profit, contrairement à d’autres secteurs
Le plan d’émergence industrielle a, dès sa première version en 2009, identifié l’automobile comme secteur de déploiement des métiers mondiaux du Maroc, aux côtés de l’offshoring et de l’aéronautique, entre autres. Après moins de dix années de son lancement, il s’agit indéniablement de l’une des réussites majeures de ce plan, même si on peut regretter une montée en charge moins rapide que celle qu’on est en droit d’espérer. Cette réussite, outre la politique volontariste du gouvernement en la matière, a su mettre à profit les atouts intrinsèques du Maroc, en termes de stabilité politique du Royaume, de cadre macro-économique assaini et d’ouverture sur l’extérieur par les divers accords de libre-échange conclus avec des pays représentant des marchés de plus d’un milliard de consommateurs. D’autre part, les réformes visant l’amélioration du climat des affaires impitoyable, comme en témoigne l’avancement régulier du pays dans les classements du Doing Business.

Des réalisations solides
Lancée de manière structurée et volontariste, il y a moins d’une décennie, l’industrie devient aujourd’hui un poids lourd de l’économie marocaine, aux côtés du tourisme et de l’agriculture, même si ces derniers n’affichent malheureusement pas les mêmes performances. En effet, les chiffres de l’Automobile restent assez éloquents :
• 345.000 véhicules produits.
• 60 milliards de dirhams d’exportations.
• 170 sites de production.
• 90.000 emplois créés.
• 35 points de profondeur d’intégration.
Fort de ces réalisations, le Maroc est devenu en quelques années seulement le premier constructeur automobile d’Afrique du Nord et le deuxième en Afrique.

Des zones de risque persistantes
Ces résultats positifs ne doivent pas nous faire oublier que des zones de fragilité persistent et que les actions volontaristes du gouvernement montreront rapidement leurs limites, si les investissements dans l’amélioration de la qualité des infrastructures et la formation des hommes ne sont pas maintenus aux meilleures normes internationales. En effet, la carte mondiale des pays sous-traitants connaît des modifications et des chamboulements permanents, notamment en provenance de nouveaux entrants offrant les dernières infrastructures de pointe et des ressources humaines hautement qualifiées. Le danger est donc lié au fait qu’il s’agit d’un métier mondialisé par excellence où les plateformes industrielles sont en perpétuel mouvement.

Vers la défense de la stabilité et de la soutenabilité du modèle
Aujourd’hui, le taux d’intégration au Maroc est de 35% avec l'objectif d’atteindre 21 points additionnels à l’horizon 2020. Ce saut qualitatif est indispensable, si l’on veut pérenniser notre positionnement à l’échelle internationale. En effet, un faible niveau d’intégration pose deux problèmes majeurs : performance et pérennité. Pour ce qui est du premier problème, il s’agit d’un manque à gagner annuel pour l’économie marocaine, du fait que nous avons déjà des carnets de commandes remplis (par la demande des constructeurs), mais pas d’offre locale suffisante pour y faire face. Devant cette perte annuelle de plusieurs points de croissance et de dizaines de milliers de postes d’emplois, l’État peut momentanément investir directement dans la création d’unités de sous-traitance pour accélérer le déploiement du secteur, si l’initiative du privé est insuffisante, quitte à les privatiser ultérieurement. Si le premier problème est celui d’un manque à gagner, le second est plus sérieux, car il s’agit de perte potentielle.

En effet, tant que le Maroc n’atteint pas des taux significatifs d’intégration, avec une diversification des débouchés, il sera toujours sous la menace de l’impitoyable concurrence internationale en provenance d’autres pays. Les écosystèmes mis en place doivent être capables de servir d’autres clients que les donneurs d’ordres actuels.
Enfin, les opérateurs doivent, chemin faisant, prévoir une montée en gamme pour sortir du piège mortel du low-cost qui met le Maroc en concurrence directe avec pays qui pourront toujours offrir des coûts plus bas. La stratégie de pénétration par les coûts doit être envisagée comme stratégie d’entrée, mais en aucun cas comme politique industrielle à long terme. Cette stratégie de montée en gamme ne réussira que si les expériences des unités actuelles sont concluantes et que le Royaume améliore continuellement la qualité de ses infrastructures, la qualification de son capital humain son environnement des affaires. L’industrie automobile fait un bon départ dont gagneraient à s’inspirer d’autres plans sectoriels à l’agonie. Pourvu que ça dure ! 

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Par Nabil Adel
M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et
Géo-économie à l'ESCA.
[email protected]

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