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La galère des parents des enfants atteints de la maladie

La dyslexie rend l’enfant incapable d’acquérir les techniques du langage qui lui permettraient d’apprendre à lire, à écrire et à s’exprimer oralement. Malheureusement, cette maladie est encore mal vécue au Maroc.

La galère des parents des enfants atteints de la maladie

Aujourd’hui est la Journée mondiale des DYS (dyslexiques, dysphasiques, dyspraxiques...). Cette date rappelle au grand public les troubles de l’apprentissage qui touchent des milliers d’enfants dans le monde et au Maroc. Parmi ces troubles, il y a la dyslexie. Il s’agit d’une mauvaise association des graphèmes (caractères écrits) et des phonèmes (sons). Cette maladie rend l’enfant incapable d’acquérir les techniques du langage qui lui permettraient d’apprendre à lire, à écrire et à s’exprimer oralement.

Selon Warda Zine, orthophoniste, la dyslexie touche 8 à 10% des enfants, qui rencontrent un retard d’acquisition de la lecture alors que leur intelligence est parfaitement normale. «Elle n’apparaît pas de façon soudaine, on naît dyslexique et on ne peut pas en parler avant la fin du CE1. Il existe certains signes qui peuvent nous alerter, toutefois, ces signes peuvent être normaux en début des apprentissages, mais c’est la notion de “durabilité” qui nous alarmera», explique-t-elle. L’orthophoniste souligne que parmi les signes révélateurs de la dyslexie, on peut retrouver des difficultés à manipuler les différents sons du langage (faiblesse de la conscience phonologique), des difficultés à s’orienter dans l’espace et dans le temps et des difficultés à comprendre plus d’une consigne à la fois. Warda Zine cite également les confusions des lettres et des sons semblables de façon persistante, ainsi que la fatigabilité et le découragement avec une perte de confiance en soi. On remarque aussi des difficultés d’apprentissage de la lecture : celle-ci semble hachée avec beaucoup de retours en arrière, pas de respect de la ponctuation, mauvais découpage...«Les parents et enseignants peuvent constater des difficultés d’attention, de concentration, de mémoire à court terme et une difficulté spatiotemporelle.

Le comportement peut évoluer vers une forte agitation», expliquent Danièle et Luc Morisot, directeurs pédagogiques au groupe scolaire Louis Bertrand. Et d’ajouter qu’à partir du primaire, l’enfant dyslexique n’accepte pas bien l’apprentissage à l’école et surtout la lecture et l’écriture, alors qu’il peut se montrer très éveillé dans d’autres disciplines.

La pédopsychiatre, Zineb Iraqi, souligne qu’il est impératif de poser le diagnostic assez précocement et de démarrer la prise en charge pour éviter une souffrance à l'enfant liée non seulement à la dyslexie, mais aussi à toutes les répercussions que celle-ci peut avoir sur l'estime de soi et la socialisation. Même son de cloche auprès de Warda Zine : «La précocité du dépistage est essentielle, dès la maternelle, puisque non seulement elle permet de réduire le nombre d’enfants qui pourraient rencontrer des difficultés dans leurs apprentissages, par la mise en place d’interventions précoces et spécifiques à leurs besoins, mais aussi, de minimiser les atteintes à l’estime de soi généralement associées à l’échec». Le dépistage et le diagnostic vont permettre à l’enfant de considérer qu’il n’est pas responsable de ses difficultés et agir surtout pour améliorer ses performances.

Pour Dr Iraqi, la confirmation du diagnostic permet aux parents de changer leur regard vis-à-vis de leur enfant qui était jusque-là perçu comme fainéant ou moins intelligent que ses pairs ! M et Mme Morisot attirent aussi l’attention sur le rôle fondamental des parents qui restent les initiateurs et les premiers soutiens de l’action scolaire, s’ils acceptent le handicap de leur enfant.

Néanmoins, la tâche des parents n’est pas toujours facile. Un constat confirmé par Laïla Dibaji, maman d’un enfant dyslexique et fondatrice du groupe «Crèches, maternelles et écoles privées à Casablanca» sur Facebook. «Quand mon fils avait 5 ans, l’école m’a clairement fait comprendre que mon enfant était un lourd faix pour eux. La psychologue de l’école m’a dit avec un langage abrupt que mon fils a 5 ans et ne sait pas écrire son prénom. Mon fils a 11 ans actuellement et cette phrase me hante toujours.

À la fin du CP, son orthophoniste de l’époque nous a imposé de lui faire redoubler le CP». Cette maman s’est vue obligée de trouver une autre école au mois de juin. Pour elle, les enfants dyslexiques sont victimes d’une école marocaine élitiste et hantée par les taux de réussite. Laïla Dibaji raconte avec amertume qu’à cause du manque de professionnalisme et de compréhension de certaines écoles, son enfant a été affecté dans son estime de soi. «Il se croit moins intelligent que les autres. Les apprentissages deviennent de plus en plus ardus et laborieux. Il me demande s’il n’existe pas un médicament pour se débarrasser totalement de la dyslexie et avoir aussi de bonnes notes, comme les autres. Je le valorise au quotidien, je lui raconte le parcours des dyslexiques célèbres comme Albert Einstein. Mon fils est aidé par une équipe formidable : un pédopsychiatre, un neuropsychologue, un orthophoniste et ses maitresses actuelles bien sûr».

Néanmoins, tout cela a un coût. Selon Laïla Dibaji, le coût de la prise en charge d’un enfant dyslexique tourne autour de 5.000 DH par mois, sans compter la scolarité et les besoins spécifiques de l’enfant. «J’ai la hantise qu’il finisse par être déscolarisé par découragement ou par manque d’accompagnement dans les structures spécialisées». L’orthophoniste précise qu’une dyslexie sévère non dépistée et non prise en charge peut aboutir à l’illettrisme. Danièle et Luc Morisot confirment aussi que la dyslexie est un facteur d’échec scolaire si elle n’est pas prise en compte par la famille et l’école.

Selon Adil Benlyazid El Hassani, Oto-rhino-laryngologiste (ORL), lorsque l’enfant présente un ou plusieurs signes faisant suspecter une dyslexie, il convient d’en informer la famille et de conseiller une visite auprès du médecin scolaire ou du médecin traitant. Le médecin va alors prescrire tout ou partie des bilans suivants : orthophonique, psychologique, ophtalmologique, neuro-pédiatrique, orthoptique et bien sûr ORL. Selon Warda Zine, les techniques de rééducation orthophonique dépendent des diverses difficultés que l’enfant présente, de son vécu et de la précocité du dépistage et/ou du diagnostic.En plus des séances de rééducation, l’orthophoniste veille à la mise en place d’aménagements scolaires au sein de l’école, dans le but de ne pas mettre l’enfant en échec et, surtout, qu’il ne perde pas confiance en lui et en ses capacités. Ils peuvent consister à ne pas donner de textes trop longs à lire ou à écrire, ne pas pénaliser l’orthographe et donner 1/3 de temps supplémentaire lors des examens, afin de permettre à l’enfant de se relire et de se corriger. M. et Mme Morisot soulignent qu’il faut individualiser l’apprentissage de l’enfant dyslexique et travailler avec lui dans une seule langue, celle qu’il maîtrise le mieux. Il faut aussi simplifier et clarifier les consignes et distribuer des copies pour lui permettre d’apprendre son cours tout en l'écrivant en classe. 

Questions à Laïla Dibaji, mère d'un enfant dyslexique

«Nous découvrons chaque jour notre capacité à relever des défis et à y croire»

Quel est le pire côté de la dyslexie ?

Pour moi, c’est l’incertitude par rapport à l’avenir de mon enfant dys au Maroc.

 

Quelles sont les astuces que vous avez découvertes en tant que maman d’un enfant dyslexique ?

 

J’ai découvert pour ma part la loi de l’attraction, le développement personnel, les ondes positives, toutes ces choses que j’essaie d’inculquer à mon enfant. Main dans la main, nous croyons en nous. Nous découvrons chaque jour notre capacité à rêver, garder espoir, relever des défis et y croire ! On n’a pas le droit de baisser les bras !

 
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