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La pensée critique pour mieux construire ensemble

En entreprise, chaque collaborateur a besoin de penser, d’agir et d’apporter sa pierre à l’édifice. L’absence d’interaction peut causer des frustrations et un manque à gagner important pour l’organisation. Toutefois, la pensée critique ne signifie pas critiquer pour le plaisir de critiquer. «La pensée critique exige quelques préalables incontournables : être bienveillant, vouloir construire ou rebâtir pour mieux faire, ne pas chercher à changer pour le changement, mais à changer s’il y a lieu de le faire, savoir comparer les éléments d’un tout et prioriser», explique Philippe Gombault, Master IMX France et Afrique francophone, membre agréé de l’Association française des conférenciers professionnels (AFCP).

La pensée critique pour mieux construire ensemble
Accepter la pensée critique n’est pas être jugé, c’est accepter le point de vue d’un autre, son droit à objecter ou simplement à questionner.

Éco-Conseil : La pensée critique est l’une des soft skills désormais requises en entreprise. Quels en sont les apports pour le  développement de carrière ?
Philippe Gombault :
La pensée critique est le seul moyen de favoriser un échange constructif bâti sur de la réflexion. Souvent, les collaborateurs ont à dire ou à redire par souci de contribution et ne trouvent pas dans un contexte de management «Up/Down» l’occasion de s’exprimer, de réagir, de s’interroger. Ceux qui rejettent la pensée critique émanant d’autrui ont sans doute peur d’être jugés, c’est pourtant ce qui leur arrive en agissant ainsi !
En effet, le besoin de tout un chacun étant de penser, d’agir et d’apporter sa pierre à l’édifice, le manque de feedback spontané va se traduire immanquablement par des bruits de couloirs qui vont véhiculer du ressenti plus ou moins négatif, des informations plus ou moins erronées et des aprioris certains, donc du jugement !
Accepter la pensée critique n’est pas être jugé, c’est accepter le point de vue d’un autre, son droit à objecter ou simplement à questionner.
Par conséquent, laisser la pensée critique se développer en entreprise, c’est adopter une «posture», un état d’esprit qui consiste à favoriser le feedback, positif ou négatif, qui nous renvoie une image de nos idées et décisions, de nos perceptions et facilite la remise en question.
Sans cette dernière capacité, point d’évolution ou de développement de carrière, car la maturité s’acquiert, entre autres, par la remise en question !
 La pensée critique évite la certitude d’avoir ou de vouloir toujours avoir raison et nous permet ainsi de nous enrichir de nos différences dans un cycle d’amélioration continue.

Quels moyens se donner pour développer la capacité à remettre en cause les différentes informations professionnelles ?
Certainement en premier lieu de ne pas critiquer pour le plaisir de critiquer. La pensée critique exige quelques préalables incontournables : être bienveillant, vouloir construire ou rebâtir pour mieux faire, ne pas chercher à changer pour le changement, mais à changer s’il y a lieu de le faire, savoir comparer les éléments d’un tout et prioriser.
Combien de fois, lors d’une réunion, vous avez entendu les mêmes idées reformulées par 2 ou 3 personnes dont les phrases ont commencé par : «Non, mais…», et qui finissent par dire ce qui a déjà été dit, mais sous un autre angle ou une autre forme ? Inutile. La pensée critique ne se met pas en avant ! Le plaisir de critiquer est une jouissance sans fin dont il ne faut pas abuser sous peine de «se chatouiller les oreilles» pour son seul bénéfice !
Voici les attributs ou aptitudes intrinsèques qu’il faut posséder, développer ou renforcer pour faire preuve de pensée critique véritable :
• La prise de décision intuitive par rapport à une situation pour en tirer une décision ou une action alternative plus opportune et efficace, sans besoin d'avoir recours à un processus de raisonnement logique.
• Avoir des perspectives réalistes pour anticiper les possibilités réelles d'atteindre un objectif déterminé, tout en identifiant le niveau d'incidence interne et externe pour obtenir les résultats attendus.
• La gestion de problèmes pour identifier et utiliser efficacement les ressources disponibles pour les résoudre.
• L’analyse et la vision systémique pour schématiser de façon logique et structurée les situations et problématiques afin d’atteindre l’objectif en considérant tous les éléments impliqués et leur relation.
• L’analyse de problème et de situation c’est-à-dire comprendre quels sont les composants cruciaux de la problématique.
• L’auto-évaluation, soit être capable d’identifier de manière pratique et objective ses forces et faiblesses personnelles par rapport à la situation.
• La capacité d'assimilation ou savoir articuler les composants critiques de la situation et décider ce qu'il faut faire.
En développant la pensée critique, ne risque-t-on pas d’avoir des problèmes relationnels en entreprise ?
La pensée critique n’est pas à confondre avec «la critique». Il ne faut pas confondre le fond et la forme. Ce type de pensée se veut critique, mais la forme doit rester adaptée, proportionnée et bienveillante !
• Dire : «que penserais-tu si… ?» est mieux que d’affirmer qu’il faut changer ceci ou cela. 
• Dire : «Et si l’on faisait… ?» vaut mieux que de dire «tu dois…».
Dire : «Êtes-vous sûr que… ?» vaut mieux que «je suis sûr que…»
• Dire : «et si la prochaine fois tu faisais… dans un cadre d’amélioration continue» vaut mieux que «ce que tu as fait est nul !»
Ensuite, il est très important de ne pas être de ceux qui considèrent que lorsqu’ils donnent un conseil, c’est un conseil, mais lorsqu’ils en reçoivent c’est de la critique. Le conseil et la pensée critique doivent avoir ce but commun : «construire ensemble pour le mieux !»
Lorsque 10 personnes sont témoins d’un accident dans la rue, le préposé à la reconstitution ne se pose pas la question de savoir si ce témoin ou un autre peut avoir raison ou tort ! Il a besoin des 10 témoignages pour reconstituer la vérité. Un manager se rend digne de son privilège lorsqu’il sait et prend le temps d’écouter les pensées critiques de ses collaborateurs. Souvent, les trésors d’idées viennent d’en bas et les bons réglages ne se décident pas tout seuls !

Justement, peut-on parler de limites de la pensée critique ?
Oui, bien sûr. Tout a des limites, la pensée critique n’y échappe pas :
Premièrement, si je manque de capacité à m’auto-évaluer dans mes forces, mes faiblesses et mes limites, mon analyse comparative entre ce que je souhaite critiquer et la perception que j’en ai manque de fondations, puisque si je sais où je vais, je ne sais pas d’où je pars ! La connaissance de soi et de ses tendances perceptives est un préalable à l’exercice de la pensée critique. 
Deuxièmement, le «trop critique» se veut perfectionniste quand il ne devient pas le contradicteur attitré. Le perfectionnisme pour nous, êtres humains imparfaits, est une vis sans fin. Il ne faudrait pas que la pensée critique devienne un vice sans fin !

Les erreurs à éviter

Être fermé aux remarques et objections d’autrui, être dans le jugement, manquer de flexibilité et d’écoute active, trop critiquer, critiquer pour le plaisir de critiquer, s’afficher comme «chevalier de la pensée critique» sont des erreurs récurrentes au travail.
La pensée critique se transforme alors souvent en critiques néfastes qui malheureusement atteignent celui ou celle dont le discours en fait l’objet par des tiers et détruisent au lieu de construire.
Enfin, si tant est que l’expression de la pensée critique soit fondée, mal choisir son moment peut tout mettre à mal, car, comme l’a écrit Souleimane (Salomon) dans ses proverbes : «Il y a un temps pour toute chose…».

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