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Le pouvoir disciplinaire du Conseil de l’Ordre des avocats (1/2)

La profession d’avocat, qui consiste pour ceux qui l’exercent à défendre, par la consultation, la rédaction des requêtes et notes de réponses et par la plaidoirie, les intérêts des justiciables et à collaborer directement ainsi au service public de justice, présente un caractère particulier, une physionomie originale qui frappe de prime abord.

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L’activité de l’avocat est soumise à un régime particulier qui organise la profession d’avocat. En effet, l’Ordre se présente comme le groupement permanent et obligatoire des avocats qui exercent près d’une Cour d’appel ou la Cour de cassation. C’est une institution judiciaire associée à un service public, possède la personnalité morale et jouit d’une «grande indépendance» et d’une «large autonomie», il se trouve dirigé par plusieurs organes, pris dans son sein, dont le plus important le Conseil de l’Ordre, qui possède, en même temps que les pouvoirs d’administration, d’importants pouvoirs disciplinaires. Il «a pour attribution de traiter toutes les questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits». Il dispose de larges pouvoirs en matière réglementaire, administrative, disciplinaire et financière. 
Parmi ces pouvoirs dévoués au Conseil de l’Ordre des avocats, le pouvoir disciplinaire ; il constitue, sans doute, la caractéristique la plus évidente du pouvoir des ordres, pouvoir qui leur est donné pour assurer la protection des justiciables et usagers du droit contre les défaillances morales ou professionnelles des avocats, et aussi pour garantir leur indépendance qui est l’une des vertus cardinales de la profession. Ainsi, par sa prestation de serment, l’avocat est soumis à des règles déontologiques sous la surveillance du bâtonnier et du Conseil de l’Ordre. Il doit obéir aux règles professionnelles et à la déontologie du barreau dont il fait partie. Il doit donc comme tout citoyen respecter les lois en vigueur, mais aussi, impérativement, les règles de sa profession. Aussi, il doit exercer la profession avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, en pratiquant l’honneur, la loyauté, la délicatesse, la modération, la courtoisie, le désintéressement, la confraternité, qui sont des devoirs à honorer. L’inobservation d’un de ces devoirs est susceptible de déclencher une poursuite devant le Conseil de l’Ordre, qui peut infliger à l’avocat fautif une sanction disciplinaire. Ces principes qui encadrent la profession d’avocat assurent la pérennité de la profession dans le temps et dans l’espace, et constituent le noyau dur de la morale de la profession. L’avocat, aujourd’hui, est un professionnel du droit qui doit encore plus qu’auparavant être rigoureux dans son activité à l’égard d’une clientèle beaucoup plus exigeante, et qui doit donc également avoir une compétence très affirmée. C’est de sa compétence, son désintéressement, sa probité et sa déontologie que la profession tire la force nécessaire à l’exercice de son art. Sinon, il pourrait être poursuivi, pour ses fautes disciplinaires, par le Conseil de l’Ordre de son barreau. Mais avant de traiter le rôle de l’avocat, du bâtonnier, du ministère public et de la Chambre du conseil dans la procédure disciplinaire, nous allons, d’abord, essayer de caractériser la nature de l’action disciplinaire par rapport à l’action publique et l’action civile.
I- La nature juridique de l’action disciplinaire dans la profession d’avocat
L’action disciplinaire exercée par le Conseil de l’Ordre des avocats est distincte de l’action publique et de l’action civile. Elle a un caractère familial.
A – L’action disciplinaire est distincte de l’action publique
L’action publique est exercée soit par le ministère public, soit par les juges, ou par la victime elle-même ; l’action disciplinaire est exercée par le bâtonnier. C’est lui qui reçoit les plaintes et leur donne la suite qu’il juge convenable. «Le procureur général du Roi est le seul qui peut présenter un recours contre la décision de classement émise par le bâtonnier, d’une façon implicite ou explicite, après qu’il ait notifié la décision». L’action disciplinaire n’est, d’autre part, jamais exercée par les membres du Conseil eux-mêmes. La victime d’une faute commise par un avocat qui lui a causé un préjudice peut, sans doute, déposer une plainte entre les mains du bâtonnier, comme s’il s’agissait d’une action publique, mais la ressemblance entre l’action disciplinaire et l’action publique trouve ici son terme. C’est le bâtonnier qui déclenche l’action disciplinaire et non la victime elle-même. Mais il est une différence plus importante encore. Quand la victime d’une infraction porte une plainte bien fondée, avec constitution de partie civile, l’action publique est mise en mouvement automatiquement. En portant son action civile en réparation du dommage devant la juridiction répressive, la victime fait nécessairement naître l’action publique, même si le ministère public n’approuve pas cette action. Dans le droit disciplinaire, il en est autrement. La victime ne déclenche jamais l’action disciplinaire, seul le bâtonnier est en mesure de le faire. L’action disciplinaire est encore distincte de l’action publique en ce qui concerne la prescription. La poursuite disciplinaire se prescrit, par trois ans à compter du jour où l'infraction a été commise, par la prescription de l'action publique lorsque le fait commis constitue une infraction pénale. Alors que la prescription des infractions pénales est différente de celles des poursuites disciplinaires. Quoi qu’il en soit, elle n’est pas assimilable sur ce point encore à l’action publique. Le but des deux actions est également différent. L’action publique a pour but l’application d’une peine prévue par le Code pénal. L’action disciplinaire a pour but l’application de l’une des sanctions disciplinaires prévues par l’article 62 de la loi n° 28.08 du 20 octobre 2008.
B – L’action disciplinaire est distincte de l’action civile
Il suffit de constater que l’action civile a pour fin une condamnation à des dommages-intérêts. Il ne saurait en être ainsi de l’action disciplinaire.
C- L’action disciplinaire est une action indépendante
Ne pouvant être assimilée ni à l’action publique, ni à l’action civile, l’action disciplinaire est une action indépendante, qui possède ses règles propres qui figurent dans la loi n° 28.08 et le règlement intérieur du barreau. Ces règles sont d’ordre public.    

Par Said Naoui 
Docteur en droit privé et sciences criminelles Enseignant à la Faculté Hassan Ier Avocat agréé  à la Cour de cassation Associé au cabinet  NR Avocat

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