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75% des parlementaires des États composant la Cédéao sont favorables à une adhésion du Maroc

L’Institut Prospective et sécurité en Europe a réalisé un sondage portant sur les enjeux de l’approfondissement et l’élargissement de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qu’il compte présenter aujourd’hui en séance plénière lors de la 90e session du Conseil économique, social et environnemental. Son président, Emmanuel Dupuy, expose dans cet entretien l’opportunité de ce sondage ainsi que ses principaux résultats.

75% des parlementaires des États composant la Cédéao sont favorables  à une adhésion du Maroc
Emmanuel Dupuy.

L’Institut Prospective et sécurité en Europe (IPSE) a réalisé un sondage portant sur les enjeux de l’approfondissement et l’élargissement de la Cédéao. Vous comptez le présenter en séance plénière du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Qu’est-ce qui a motivé sa réalisation et sa présentation devant le CESE ?
L’Institut Prospective et sécurité en Europe et l’institut de sondage Opinions en région avaient déjà réalisé un précédent sondage, à l’occasion du cinquième Sommet UE-UA, qui s’est tenu à Abidjan, les 29 et 30 novembre derniers. Il s’agissait alors de comprendre quels étaient les enjeux de la coopération multilatérale entre nos deux continents. Nous avions interrogé 1.565 parlementaires européens (issus de 10 pays membres de l’UE, plus les 751 membres du Parlement européen) quant à leurs attentes dans la relation eurafricaine. Il en est ressorti, entre autres, une focalisation sur la nécessité d’œuvrer de manière plus approfondie à l’intégration eurafricaine, en utilisant l’espace méditerranéen, comme une passerelle. Il nous a semblé que cette question de l’intégration régionale, tant sur les plans politiques, qu'économiques et stratégiques, était tout aussi déterminante entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, dans la même dynamique.
Cette fois-ci, alors que s’est tenu, les 30 et 31 juillet derniers, à Lomé, le Sommet ordinaire de la Cédéao, organisé, concomitamment, cette année, pour la première fois, avec les Chefs d’État appartenant à la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), l’Institut Prospective et sécurité en Europe (IPSE) a souhaité interroger, sur une période d’un peu plus d’un mois (15 juin-18 juillet 2018), les 1.783 parlementaires issus des représentations nationales législatives des 15 États composant la Cédéao, depuis sa création en mai 1975. De facto, les réponses des parlementaires ouest-africains contribueront, je l’espère, à enrichir l’étude sur «l’intégration régionale du Maroc en Afrique : ambition d’un co-développement au service d’une croissance soutenue et partagée», lancée par le CESE du Maroc, et son président, Nizar Baraka, qui m’a fait l’insigne honneur de m’inviter, ce jeudi 27 septembre, à présenter les conclusions de notre sondage.

Pourriez-vous nous dire quels sont les principaux enseignements de votre étude ?
La Cédéao a fêté, en mai dernier, ses 43 années d’existence, depuis sa création par le Traité de Lagos, en mai 1975. Dans ce contexte, la majorité des parlementaires issus des 15 membres actuels de l’organisation estime que la Cédéao a rempli – peu ou prou – sa mission (94%). Parmi les réalisations que les parlementaires ouest-africains considèrent comme les plus prégnantes, la liberté de circulation des personnes – avec un taux de 38% –, la liberté de circulation des biens – avec un taux de 42% –, ainsi que la liberté de circulation des capitaux – avec un taux de 13% – viennent confirmer que la création d’une vaste zone de libre-échange, forte de plus de 300 millions d’habitants, région la plus jeune du monde, est un des principaux acquis réalisés par la Cédéao depuis sa création. Dans ce contexte, parmi les résultats les plus probants de la présidence par S.E. Faure Gnassingbé de l’organisation sous-régionale, il y a la décision de réunir, à Lomé, le 31 juillet, les chefs d’État et de gouvernement des 26 États d’Afrique occidentale et centrale (Cédéao+CEEAC) qui est «plébiscitée» (indice de satisfaction de 7,9/10), suivent – logiquement – la question sécuritaire et de lutte contre le terrorisme, à travers le renforcement des liens entre la force en attente issue des armées de la Cédéao et la Force conjointe du G5-Sahel (7,4/10).
Puisque l’ordre du jour du Sommet de Lomé allait évoquer la question de l’élargissement, il était intéressant de constater que la grande majorité des parlementaires interrogés reconnaissent que l’intégration du Maroc serait une bonne décision (75%), que le retour de la Mauritanie (qui avait quitté la Cédéao en 2000) serait positif (63%), tandis que la possibilité d’associer la Tunisie et l’Algérie semble diviser quelque peu les élus : 73% d’entre eux se montrent plutôt favorables à l’octroi d’un statut de membre associé à la Tunisie (qui l’a officiellement sollicité), alors que ces derniers se montrent plus prudents pour l’Algérie (qui ne l’a pas expressément demandé, du reste), puisque 54% seraient plutôt peu favorables.
La question de la coopération de la communauté économique régionale ouest-africaine avec d’autres organisations intergouvernementales agissant elles aussi dans le même espace géopolitique et géo-économique vient confirmer le besoin d’améliorer les relations, puisque seulement 35% des parlementaires interrogés estiment que la coopération est bonne ou excellente, tandis que 46% la jugent moyenne et 16% insuffisante.
Par ailleurs, la question de la coopération entre les institutions de la Cédéao (Commission, Parlement) se confirme être un chantier à parachever, puisque seuls 14% la jugent excellente ou bonne, alors que 42% la jugent moyenne et 44% la qualifient de nettement insuffisante. Enfin, la question de l’instauration d’une monnaie unique à l’intérieur de la Cédéao confirme que la question de la souveraineté monétaire anticipe celle de l’intégration économique et financière. Plus de la moitié des parlementaires interrogés (54%) se déclarent ainsi favorables à la création d’une monnaie unique ; 27% sont résolument contre.
Dès lors, ces résultats confirment, s’il en était besoin, que l’Afrique de l’Ouest, forte d’une population de 300 millions d’habitants répartie sur 15 états et une superficie de 6 millions de km², dotée d’un PIB cumulé de 630 milliards de dollars, faisant de la Cédéao la 21e économie mondiale (16e économie mondiale, si l’on y associe le Maroc, avec un PIB de 745 milliards de dollars) entend poursuivre son approfondissement et réfléchir à son élargissement.

On évoque souvent les réticences subsahariennes quant à l’adhésion du Maroc, quels arguments mettre en exergue pour «rassurer» les quinze pays composant la Cédéao ?
Comme le sondage réalisé par l’IPSE et l’institut de sondages Opinion en régions le met en exergue, le Maroc s’est engagé de longue date dans une ambitieuse stratégie africaine, justifiant sa demande d’adhésion. Les secteurs de l’aéronautique, de l’automobile, de l’agroalimentaire font du «Maroc bleu» – eu égard aux formidables richesses halieutiques que lui procurent ses milliers de kilomètres de côtes atlantiques et méditerranéennes – et du «Maroc vert» – gage pour l’émergence d’une solide économie verte dans le Royaume chérifien, forte de la Stratégie nationale de développement durable (SNDD), d’un côté, et de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), de l’autre – un nouveau pôle d’attractivité pour l’Afrique. Le Maroc est ainsi devenu le premier investisseur africain dans les zones de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont les volumes d’échanges commerciaux ont doublé en quatre ans. Au niveau économique, il convient de rappeler que le Maroc a annulé la dette des pays africains les moins avancés et exonéré des droits de douane leurs produits sur son territoire. Des conventions de coopération technique, culturelle ainsi que plusieurs accords commerciaux ont permis d’intensifier les échanges et les investissements jusqu’à conférer au Maroc la position de second émetteur d’IDE africains en Afrique après l’Afrique du Sud.
Les stratégies déployées par les grands opérateurs économiques marocains, tels que l’Office chérifien des phosphates, la banque Attijariwafa bank, la compagnie aérienne Royal Air Maroc (RAM), les groupes immobiliers, les groupes pharmaceutiques et les groupes de presse, pour ne citer que ces secteurs, en pleine croissance, attestent de la percée réelle et significative des entreprises marocaines sur les marchés africains. L’Afrique est désormais un élément constitutif de la diplomatie économique du Maroc qui allie le fait de conforter les parts de marchés du Maroc en Afrique à la prise en compte des besoins spécifiques des pays africains partenaires.
Enfin, le Maroc a adopté une politique migratoire, en septembre 2013, qui a permis la régularisation de près de 25.000 ressortissants subsahariens l’année dernière. Ce recours à la régularisation permet ainsi d’allier perspective économique et sécurisation humaine. C’est la raison pour laquelle le Roi Mohammed VI a été désigné, par l’Union africaine, en janvier dernier, pour porter cette question au niveau panafricain.
Sachons ainsi, en assurer la pérennité aussi sur le continent africain, dans sa partie occidentale, en renforçant et élargissant la Cédéao au Maroc, ainsi qu’en y assurant le retour de la Mauritanie, qui l’avait quittée en 2000. N’oublions pas que cet espace économique, fort d’une population de 300 millions d’habitants répartie sur 15 États, d’une superficie de 6 millions de km² et doté d’un PIB cumulé de 630 milliards de dollars, saura grandement profiter de ce que le Maroc apporterait, en intégrant l’organisation sous-régionale. En effet, en intégrant le Maroc, la CER ouest-africaine gagnerait 115 milliards de dollars, devenant, avec un PIB de près de 745 milliards de dollars, la 16e économie mondiale.

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