Menu
Search
Jeudi 28 Mars 2024
S'abonner
close
Accueil next Société

Addiction aux jeux en ligne : Mieux vaut prévenir que guérir !

Être accro aux jeux vidéo en ligne est un vrai phénomène de société. Troubles du sommeil, obsession, détachement des responsabilités et devoirs, détachement des relations sociales et isolement, irritabilité et agressivité… Autant de facteurs dont il faudra tenir compte pour prévenir et contrer les utilisations abusives de ces jeux.

Addiction aux jeux en ligne : Mieux vaut prévenir que guérir !
Toutes les addictions sont le résultat d'une fuite vers une sorte de paradis artificiel. Ph. Fotolia

C’est certain, le jeu est essentiel pour le développement physique et personnel de l'enfant. Il est aussi bénéfique pour sa santé mentale. Mais qu'en est-il des jeux virtuels en ligne ? Ces derniers participent également au développement de la personnalité de l’enfant mais à condition d’en faire bon usage. Dans le cas contraire, certains enfants sont menacés de développer une addiction et deviennent ainsi incapables de s’en débarrasser. Qu’appelle-t-on une addiction aux jeux ? La notion fait débat à l'heure actuelle. Plusieurs spécialistes s’accordent à la définir comme «une situation de dépendance vis-à-vis d'une pratique entraînant une aliénation de la liberté individuelle».  Quant à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle a utilisé plutôt le terme «trouble du jeu vidéo», qu’elle décrit comme «un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables.». Le trouble du jeu vidéo est défini dans le projet de 11e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-11). Il s’agit de «la norme internationale permettant de rendre compte des données de mortalité et de morbidité. Elle organise et code les informations sanitaires qui sont utilisées pour les statistiques et l’épidémiologie, la prise en charge des soins, l’allocation des ressources, le suivi et l’évaluation, la recherche, les soins primaires, la prévention et le traitement. Elle contribue à brosser le tableau de la situation sanitaire générale des pays et des populations». Toutefois, précise l’OMS, «pour que ce trouble soit diagnostiqué en tant que tel, le comportement doit être d’une sévérité suffisante pour entraîner une altération non négligeable des activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles ou d’autres domaines importants du fonctionnement, et en principe, se manifester clairement sur une période d’au moins 12 mois». 
Les signes qui alertent… 

Interrogée sur les signes d'alerte, Imane Hadouche, coach personnelle certifiée, en cite plusieurs : troubles du sommeil, manque d’intérêt jusqu'à abandon total des autres activités ; détachement des responsabilités et devoirs ; isolement ; irritabilité et agressivité ; manque de concentration à l’école… «Mis à part tout ce qui a été précité, l’enfant qui est encore en phase de construction de son identité dans la vraie vie, peut vivre une vraie confusion avec son identité “virtuelle” et tous les rôles joués, et peut présenter de manière précoce un désordre de l’identité. Cela peut entraîner de vrais troubles du comportement, des troubles de la personnalité, et divers troubles psychologiques», met en garde l’experte. Pour en savoir plus, nous avons recueilli des témoignages qui illustrent parfaitement le vécu de certaines familles face à ce phénomène destructeur. «Tout a commencé le jour où mon petit frère est devenu accro aux jeux vidéo. J’avoue que l’expérience était très difficile et que nous avons eu beaucoup de mal à nous en sortir. Mes parents et moi avons remarqué que ces jeux vidéo sont devenus son unique centre d’intérêt au détriment des autres activités. 

Il ne faisait plus de sport et ne s’intéressait plus comme avant à ses études. Il fréquentait des amis qui étaient aussi accros aux jeux vidéo. Au départ, on n’avait pas accordé d’attention à la chose, mais petit à petit on a remarqué qu’il en est devenu dépendant. Quant aux symptômes physiques, nous avons remarqué qu’il avait des troubles de sommeil, des yeux desséchés et des migraines presque quotidiennement», raconte N.B, la sœur aînée de Mohamed, âgé de 14 ans. Même son de cloche chez N.K, jeune maman, qui qui trouve du mal à gérer le temps de jeu de sa fille de 12 ans accro aux jeux vidéo.   «Fatem-Zohra passe quotidiennement des heures à jouer. Dès que je lui demande de se détacher de son smartphone pour faire ses devoirs, elle entre dans une colère démesurée. Impossible de la convaincre. 

Depuis quelque temps, son comportement devient agressif. Je ne sais pas quoi faire pour l’aider à sortir de cette impasse, car je pense que j’ai une part de responsabilité par rapport à son état». K.M., mère d’une petite fille de 9 ans, est consciente de l’ampleur du problème : «J’ai offert une tablette à ma fille à l’occasion de son anniversaire, mais je tenais à ce que son utilisation soit limitée le week-end et ne dépassant pas 1 heure par jour. J’essaye même de contrôler le type de jeux qu’elle utilise. Elle n’avait pas accepté ces conditions au départ, mais il a fini par y adhérer». Superviser l’utilisation des jeux vidéo en ligne évite donc toute dépendance. Cela a été même évoqué par l’OMS qui préconise d’être «attentif au temps passé sur les jeux, en particulier si ses activités quotidiennes en pâtissent, ainsi qu’à tout changement physique ou psychologique, sur le plan social et celui de sa santé, qui pourrait être attribué à un comportement de jeu». L’accompagnement des parents est essentiel Imane Hadouche recommande d’imposer l’accord parental à tous les jeux et accès aux jeux. «Toutes les addictions sont le résultat d'une fuite vers une sorte de paradis artificiel, si l’enfant préfère fuir la vie réelle en famille, c'est qu'il a quelque chose à fuir. Ou alors, il meuble un vide, comble une absence. Souvent l’addiction aux jeux nous informe sur les liens familiaux», souligne-t-elle. Et d’ajouter que «la télévision, le téléphone, la tablette, l'ordinateur, les jeux : ne sont pas les meilleures baby-sitters ni le meilleur substitut parental : passez du temps avec vos enfants ! Ou quand c’est difficile, meublez leurs vies avec de vraies activités épanouissantes ! N'essayez pas de racheter votre absence en faisant plaisir à l'enfant sans contrôle ! Vous êtes le parent, ne cherchez pas l'approbation de votre enfant, faites ce que vous jugez être le mieux pour lui !»  Établir un dialogue enfant/parent sur la question des jeux vidéo en ligne est aussi fort recommandé. 


Questions à Imane Hadouche, coach personnelle certifiée

«Le quotidien est pénible, avec un enfant addict aux jeux, puisque tous les gestes simples impliquent de longues négociations éprouvantes»

Quels sont les symptômes d'addiction aux jeux vidéo en ligne ?
 Les symptômes de l’addiction aux jeux ont beaucoup de choses en commun avec les autres types d'addiction, à savoir :
• troubles du sommeil 
• manque d’intérêt jusqu'à l'abandon total des autres activités 
• l'obsession : ne penser qu'à ça 
• détachement des responsabilités et devoirs
• détachement des relations sociales et isolement 
• détachement des anciennes amitiés et nouvelles amitiés avec de nouvelles personnes partageant la même addiction 
• irritabilité et agressivité 
• déni et mensonges (à propos des devoirs ou heures passées sur les jeux)
• besoin d’argent croissant (pour acheter plus de jeux ou de niveaux) 
• manque d’intérêt pour l'hygiène physique 
• manque de concentration à l’école et par rapport à tout autre sujet qui ne concerne pas l’addiction 
• perte totale de contrôle 
• en plus de symptômes physiques : yeux secs, problèmes de vision, maux de tête, mal au dos, douleurs à la nuque, douleurs du canal carpien, muscles douloureux...

Pourriez-vous nous parler des dangers potentiels d'une utilisation excessive des jeux vidéo ?
Les dangers sont multiples, surtout quand il s'agit de jeux multi joueurs en lignes, ou les jeux de rôles sur sites. L'enfant peut jouer à des jeux qui ne correspondent pas à son âge, apprendre un langage qui ne convient pas, transférer l’agressivité des jeux dans la vie réelle, voir son niveau et ses résultats chuter à l'école, apprendre à mentir pour passer plus de temps sur les jeux, voler pour obtenir un nouveau jeu ou utiliser les cartes bancaires des parents en cachette, pour acheter des «items» qui débloquent des niveaux, ou peut même échanger des faveurs ou des objets contre un paiement en carte bancaire, en s'exposant dangereusement à des prédateurs.  L'enfant devient asocial, et son développement social et émotionnel peut être stoppé. Il se transforme peu à peu en «légume» qui se contente de consommer sa dose quotidienne de jeux, sans aucune activité culturelle, physique ou sociale. 

Quel impact sur la vie quotidienne de l’enfant ?
Mis à part tout ce qui a été précité, l’enfant qui est encore en phase de construction de son identité dans la vraie vie, peut vivre une vraie confusion avec son identité «virtuelle» et tous les rôles joués, et peut présenter de manière précoce un désordre de l’identité. 
Cela peut entraîner de vrais troubles du comportement, des troubles de la personnalité, et divers troubles psychologiques. Le quotidien est pénible, avec un enfant addict aux jeux, puisque tous les gestes simples impliquent de longues négociations éprouvantes : le réveil au matin, le petit-déjeuner, les devoirs, les sorties, les activités familiales, les repas, la douche, le sommeil… tout est sujet de disputes.
À l'école, il peut être agressif, ou au contraire, complètement absent, jusqu'à même s'endormir en cours.

Comment faire face à ce problème ?  
• Limiter l’accès aux jeux, à une heure jusqu'à deux heures par jour Idéalement, limiter l’accès aux jeux aux week-ends et vacances
Les devoirs et les responsabilités d'abord, les jeux après 
• Retrouver les plaisirs des moments passés en famille 
• Laisser tous les appareils électroniques hors de la portée de l’enfant, hors de sa chambre
• Réserver un espace pour les révisions et devoirs, sans appareils électroniques 
Imposer l’accord parental à tous les jeux et accès aux jeux 
• Fixer le temps consacré au quotidien, pour les devoirs et révisions 
Donner l’exemple en étant soi-même détaché 
des tablettes et autres appareils électroniques. 

Lisez nos e-Papers