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Une épopée patriotique en chansons

La Marche Verte a suscité chez les observateurs de tout bord des sentiments mitigés où la curiosité a été mêlée à l’étonnement et l’espoir à la suspicion ; en tout cas, aucun esprit objectif n’osait dénier à l’événement son intérêt et son originalité ; c'était l'exemple même d’un recouvrement paisible d’une partie du territoire national. À l’idée lumineuse de la Marche, la ferveur et la mobilisation constituaient la réponse de tout le peuple marocain soutenu par les médias et les expressions artistiques, centrées essentiellement sur la chanson patriotique.

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La chanson marocaine s’est refaite à chaque moment crucial de l’histoire du pays, car l’impulsion politique semble se répercuter inéluctablement sur tous les niveaux de l’activité musicale concernant aussi bien la création, l’interprétation que l’esthétique tout en ayant des effets bénéfiques sur le développement des potentialités artistiques.
Dans le cas de la Marche Verte, le thème était là, sa réception par tout le peuple est assurée, les artistes n’avaient qu’à concentrer l’effort sur les compositions et le chant aussi bien individuel que collectif. Les studios de la RTM ont vécu pendant près d’un mois dans une atmosphère de mobilisation, un programme «non stop» et sur plusieurs jours de répétition, d’enregistrement, de mixage et de «play-back» à la télévision ; tous les grands noms de la chanson marocaine sont là ; ceux qui viennent attendre leur tour apportaient aussi leur concours aux musiciens et aux choristes et soutiennent leurs collègues compositeurs et interprètes. Ce fut peut-être l’occasion unique où les artistes témoignaient d’une formidable solidarité ; une chorale de rêve s’était par exemple réunie spontanément pour chanter «Nidae Al Hassan» (il y avait dans cette chorale notamment Bahija Idriss, Mahmoud Al Idrissi, Abdelmonaim Al Jamai, Latifa Amal, Mohamed Ali, Abdallah Issami et Fathallah Lamghari en plus de la chorale statutaire).
Si l’on pouvait dénombrer une vingtaine de chansons pour la seule période allant de fin octobre à la mi-novembre 1975, l’effet Marche Verte s’est propagé au-delà de la conjoncture pour imprimer un autre caractère à la chanson nationale et le 6 Novembre de chaque année a été l’occasion de renouveler ce sentiment. On pouvait alors distinguer le cru de la première année des productions ultérieures.
On peut maintenant reconnaître à la Marche Verte trois grands effets artistiquement parlant : un effet de mobilisation, un effet d’émulation et un effet technique qui agissaient pour renouveler le langage et qui auraient pu aboutir si l’effort était suivi et encadré.
La mobilisation, on la sentait, comme celle qui prévalait aux premières années de l’indépendance et qui avait produit ce répertoire de belles chansons dont on aime toujours la teneur, la simplicité et 
la performance. De l’émulation il y en a eu, et toutes les chansons ont eu cette belle rente de circonstance. 
Parmi les nombreuses chansons, tout aussi sincères, le public en a surtout adoré et répété deux : «Nidae Al Hassan» de Abdallah Issami et «Laâyoune 'iniya» de Jil Jilala. Cette dernière chanson a même eu un succès hors des frontières marocaines : elle a été reprise avec d’autres paroles en Égypte et au Koweït. Quant à «Nidae Al Hassan» (l’appel du Roi), elle est tout simplement la marche musicale parfaite ; un rythme carré, d’une allure modérée servant au mieux la fonction cinétique de la marche ; les premières blanches du thème musical se passent bien de la percussion pour mieux la réserver aux notes suivantes préparant un génial «Allah Akbar». Le succès de cette chanson la fait passer dans le répertoire des fanfares militaires. De l’émulation il y en avait aussi bien au cours de la marche que plus tard. Rachdi, le doyen des compositeurs, ne pouvait se suffire d’une place d’honneur, se ravise de la plus belle manière en signant la plus complète des chansons nationales «Ya do’ae» où il déploie admirablement toute sa maestria de compositeur. Une longue préparation de l’apothéose du chant dialogué entre le chanteur Abdelhadi Belkhiyat, sa chorale et le tutti orchestral ponctué par une très bonne section de cuivres, un modèle du genre. 
L’effet technique que nous pouvons évoquer est le passage souligné d’une chanson au caractère monodique à celle plus imposante avec un orchestre consistant et une polyphonie raisonnée. Ce passage n’aurait pas été permis sans l’existence d’une élite de musiciens et d’arrangeurs permettant de traduire au mieux la pensée des compositeurs. Avec les éléments de l’Orchestre de la radio nationale, soutenus par leurs homologues de l’Orchestre royal et de l’Orchestre du conservatoire (ils ont déjà travaillé ensemble dans la Fête du Trône de mars 1975), avec des arrangeurs comme Abdeslam Khachan, Tassafi ou Issami, on était sûrs d’amorcer un changement technique qui ira en s’affirmant d’année en année. 

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