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Les chiffonniers, des inconnus qui luttent discrètement contre les changements climatiques

Si les débats et les conférences sur le tri et la valorisation des déchets se multiplient et les experts et académiciens ne cessent d’étaler leurs mots savants sur le domaine, les chiffonniers, eux, font des déchets leur pain quotidien et luttent discrètement contre les changements climatiques pour un lendemain meilleur.

Les chiffonniers, des inconnus qui luttent discrètement contre les changements climatiques

Nombre de personnes rechignent à l'idée d'approcher une benne à ordures et se hâtent de se boucher le nez quand elles croisent un amas de déchets sur leur passage. Les chiffonniers, eux, font fi de telles délicatesses. Ils s'aventurent au quotidien dans des poubelles d'où coule le lixiviat, dégageant des odeurs nauséabondes au risque de se faire mal par des objets tranchants.
Mustapha, un chiffonnier de 39 ans, sillonne les rues de Kénitra pour récupérer, avec des mains calleuses et poilues, divers matériaux recyclables, tels que les bouteilles en plastique, le carton, l’aluminium et le verre. Approché par la MAP, ce jeune explique qu’après le tri des déchets, il les vend dans un souk à des intermédiaires qui revendent les matériaux achetés à des entreprises spécialisées dans le recyclage.
Interrogé sur le cadre libre et informel dans lequel il exerce cette activité, Mustapha avoue qu’il préfère travailler tout seul et ne pas intégrer une coopérative ou une quelconque organisation. «Malgré les conditions difficiles dans lesquelles je travaille, je me sens plus libre et plus à l’aise comme ça», a-t-il lancé. Même s’il dit être marginalisé par certaines personnes, notre chiffonnier ne peut nier que nombreux sont ceux qui le soutiennent, lui et d’autres «récupérateurs informels», et qui les encouragent à continuer leur travail noble en faveur de l’environnement.
L’activité de ces travailleurs, souvent pratiquée dans un cadre informel, consiste à trier et récupérer des denrées et divers matériaux recyclables ou réutilisables, ayant une valeur marchande, au niveau des bennes à ordures ménagères et des décharges publiques. Après la récupération vient l’étape de la vente. Les éléments destinés au recyclage sont vendus généralement à des intermédiaires qui permettent la réintroduction des matériaux dans les circuits industriels, tandis que les appareils et pièces destinés au réemploi ou à la casse sont livrés à des «démanteleurs» spécialisés. Pour le secrétariat d’État chargé du Développement durable (SEDD), le Maroc est appelé à développer davantage des filières de valorisation des déchets pour aller vers une stratégie de sortie à moyen et long terme de l’option mise en décharge, atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, fixés à -30% d'ici 2020, et faire un pas vers l’économie circulaire. Pour ce faire, le Maroc a clairement annoncé sa volonté de développer le recyclage dans le respect de la dimension sociale et environnementale. Il a défini un objectif stratégique de recyclage de 20% et de la valorisation supplémentaire, sous différentes formes, d’au moins 30% des déchets à l’horizon 2020, a indiqué Mehdi Chalabi, directeur des Réalisations et des programmes au SEDD, dans une déclaration à la MAP.

«Le développement des filières ne sera faisable que s’il préserve l’équilibre social. Il ne peut ignorer le secteur informel qui est déjà très actif dans le domaine du tri et du recyclage», estime Mehdi Chalabi, ajoutant que les études antérieures font état de plus de 7.000 personnes (chiffonniers) qui opèrent dans le secteur informel. En ce qui concerne la prise en charge de ce secteur informel, le responsable a jugé nécessaire d’intégrer les récupérateurs de déchets dans l’économie du recyclage et d’améliorer les conditions sanitaires, environnementales et économiques de leurs activités. On ne peut évoquer le passage de l’informel au formel en matière de tri et de valorisation des déchets sans citer l’exemple éloquent de la décharge d’Oum Azza près de Rabat, exploitée par le groupe français Pizzorno Environnement à travers la coopérative Attawafoq, qui a marqué un tournant décisif dans le traitement des déchets. «Nous avons commencé l'accompagnement de la coopérative en 2008, en travaillant sur la structuration, le recensement, la formation et l’accompagnement des chiffonniers, qui sont actuellement au nombre de 160 ouvriers-trieurs, ainsi que sur la détermination des circuits de vente», a déclaré à la MAP Nisrine Bouchefaa, responsable projets valorisation de Pizzorno Environnement à Rabat. Il a fallu deux ans de travail préparatoire pour aboutir à la création officielle de la coopérative Attawafoq en janvier 2010, a-t-elle précisé, faisant savoir que les chiffonniers, dont le travail «consiste à faire le tri au niveau de la cabine du tri, à récupérer les matériaux triés, les stocker et les vendre», ont bénéficié d’une formation d’initiation au contact avec les machines. Selon Mehdi Chalabi, le cas d’Oum Azza est un exemple à suivre en matière de valorisation et de traitement des déchets, vu qu’il a pu atteindre ses objectifs en améliorant la situation des chiffonniers qui ont désormais un revenu stable et jouissent d’un statut digne. Le centre d’enfouissement d’Oum Azza, qui n’avait qu’une seule ligne de tri avec deux cabines, dispose depuis octobre 2016 d’une deuxième ligne de tri qui va permettre de traiter en totalité 1.100 tonnes de déchets, s’est réjouie Nisrine Bouchefaa. 

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