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«Le cinéma marocain a toujours été au cœur des préoccupations et des priorités du Festival»

C’est dans la magie de la ville ocre que le Festival international du film accueillera, du 30 novembre au 8 décembre, le beau monde du cinéma avec ses grandes stars et les professionnels du secteur. Ali Hajji, coordinateur général du Festival et membre du comité de sélection, nous présente dans cet entretien le programme et les nouveautés de cette 17e édition.

«Le cinéma marocain a toujours été au cœur des préoccupations et des priorités du Festival»
Ali Hajji.

Le Matin : Après l'année blanche du FIFM, que représente ce retour cinématographique pour le Maroc et Marrakech en particulier ?
Ali Hajji
: Le Festival de Marrakech revient avec plus de force, d’énergie et de détermination. La pause d’une année nous a permis de mesurer à sa juste valeur le chemin parcouru et il est très important. En 16 éditions, Marrakech a accueilli des figures incontournables, des talents immenses et des icônes du cinéma mondial. Martin Scorsese, Abbas Kiarostami, Leonardo DiCaprio, David Lynch, Isabelle Huppert, Daniel Day Lewis, Youssef Chahine, Jessica Chastain, Sharukh Khan, Adil Imam, Marion Cotillard… la liste est longue, prestigieuse et pèse beaucoup dans la crédibilité du projet. Peu de festivals dans la région et dans le monde peuvent se targuer d’avoir accueilli des talents de ce niveau. En 16 éditions, le FIFM est donc devenu un rendez-vous cinématographique majeur dans la région. Cette pause d’une année nous a permis d’affiner le positionnement du Festival, de renouveler ses instances et d’introduire plusieurs nouveautés qui donnent davantage de sens, de rayonnement et d’impact à l’événement.

Quels sont les changements opérés après cette année de pause ? Qu’est-ce qu’il y a de changé au niveau du concept général du festival, de la programmation ou encore de l’équipe organisatrice ?
Le concept général est très clair : Marrakech est un festival dédié aux cinémas du monde avec un regard particulier sur l’Afrique et sur le Moyen-Orient. La compétition officielle est consacrée aux premiers et seconds longs métrages de manière à révéler les nouveaux talents du cinéma mondial. Un festival populaire, ouvert sur la ville et accessible au grand public. À côté de cela, nous avons créé plusieurs nouvelles sections qui nous permettent d’ouvrir le projet à d’autres horizons artistiques et d’attirer plus de spectateurs dans les salles. Je cite à titre d’exemple «Le 11e continent» avec une programmation de films pointus pour un public cinéphile exigeant et curieux. Désormais, le Festival se dote d’une section spéciale pour dresser le «Panorama du cinéma marocain». L’objectif étant de permettre aux professionnels étrangers et à la presse internationale, présents à Marrakech, de découvrir les dernières productions d’auteurs nationaux.
J’aimerais insister sur deux autres sections importantes à nos yeux. Il s’agit de la programmation en audiodescription qui permet à des mal ou non-voyants d’apprécier de grandes œuvres du cinéma mondial. Idem pour la section jeune public. Plus de 3.500 enfants de Marrakech et des environs découvriront une sélection de films adaptés à leur âge. Pour beaucoup, ce sera une première fois dans une salle de cinéma. Qui sait, cela peut être le déclencheur de nouvelles vocations ou tout au moins d’une passion pour le cinéma, l’art et la culture de manière générale. Autre section structurante de cette 17e édition, les Ateliers de l’Atlas, le nouveau programme industrie et développement de talents, un rendez-vous dédié aux professionnels issus du Maroc, du Moyen-Orient et de l'Afrique pour les accompagner dans l’aboutissement de leur projet.
Enfin, cette édition est celle de la maturité dans le sens où la Fondation du FIFM assure désormais la production exclusive et l’organisation de la manifestation. Melita Toscan du Plantier, qui a été nommée conseillère du Président de la Fondation, Son Altesse Royale le Prince Moulay Rachid, et qui a une très grande expérience de tous les aspects du festival, assure le lien entre les anciennes et les nouvelles équipes, en plus de composer le jury et de faire venir les grandes personnalités qui assistent au festival dans le cadre des hommages, des conversations ou autres. Christoph Terhechte, ancien président de la section «Forum» de la Berlinale, est le nouveau directeur artistique du FIFM. Rasha Salti, ancienne programmatrice du Festival de Toronto, Rémi Bonhomme, coordinateur général de la Semaine de la critique du Festival de Cannes, et Anke Leweke, programmatrice de la Berlinale, font partie du comité de sélection du festival. Comité dont je fais également partie en plus d’être le coordinateur général du festival.

Est-ce que les professionnels marocains du cinéma ont été consultés d’une manière ou d’une autre dans l’organisation du festival ? Ou au moins dans la réflexion sur cette nouvelle stratégie ?
Le vice-président délégué de la Fondation est le directeur général du Centre cinématographique marocain et il est à ce titre le porte-voix des professionnels marocains. Le cinéma marocain a toujours été au cœur des préoccupations et des priorités du Festival, que ce soit à travers les hommages rendus, les films présentés ou les personnalités mises à l’honneur dans les différentes sections. Désormais, une section officielle et permanente est dédiée au cinéma marocain. Elle s’appelle «Panorama du cinéma marocain» et elle permet de présenter, chaque année, les films d’auteur les plus récents aux professionnels et aux médias internationaux présents lors du Festival. Un film marocain figure également dans la compétition officielle. L’un des quatre grands hommages du Festival est réservé à Jillali Ferhati, ceci sans oublier les projections sur la place Jemaa El Fna ou les séances en audiodescription de quelques grands succès du Box-Office marocain.

Les Ateliers de l'Atlas est une nouvelle rubrique qui marque ce retour. Pouvez-vous nous en donner plus de détails ?
C’est l’une des plus grandes nouveautés de cette édition. Entièrement dédiés au cinéma du Maroc, d’Afrique et du Moyen-Orient, les Ateliers de l’Atlas sont à la fois une plateforme créative et professionnelle au service des cinéastes et un lieu d’échanges entre les professionnels internationaux et les talents régionaux. Les Ateliers de l’Atlas sont conçus pour accompagner les réalisateurs émergents de la région dans la préparation de leur premier, second ou troisième long métrage (fiction ou documentaire). Pour cette première édition, 8 projets en développement et 6 films en postproduction, originaires de 9 pays, sont invités à participer aux Ateliers. Ils bénéficient ainsi d’une journée de consultation sur mesure par des professionnels qui leur apportent un regard artistique ainsi que le point de vue de l’industrie. Un jury décernera un Prix au développement de 10.000 euros et un Prix à la postproduction de 20.000 euros aux meilleurs projets.

La section «11e continent» est conçue pour découvrir un cinéma pointu et audacieux. Qu’en est-il au juste de ce menu ?
Ce sont des films totalement hors-normes, qu’on ne peut caser nulle part. Des objets cinématographiques non identifiés, à découvrir par un public cinéphile averti. Les projections se déroulent au Musée Yves Saint Laurent dans une salle d’une centaine de places. Un programme audacieux qui permet d’explorer de nouveaux territoires filmiques, de nouveaux types de narration. Là encore, la programmation est d’une grande diversité. On pourra y voir tout à la fois un film comme «Burning» du Coréen Lee Chang Dong, qui est sans doute l’un des films les plus frappants, les plus intrigants et les plus beaux de l’année. Il n’est pas sans rappeler le pouvoir de fascination de certains films de Hitchcock et en premier lieu «Vertigo» ; et des films plus expérimentaux comme «Erased, the ascent of the invisible», un documentaire libanais au sujet grave ou encore «Renault 12» de Mohamed El Khatib, qui brouille les genres, entre documentaire et fiction, et qui, entre cocasserie et drame intime, dresse un portrait saisissant du deuil, de la famille et des rapports aux origines. On peut citer aussi des films comme «The dead and the others», une plongée fascinante dans une tribu d’Indiens du centre Nord du Brésil ou «The endless tail», une fiction déjantée qui ne ressemble à rien de connu…

Dans les années précédentes du festival, les cinéastes marocains se disaient toujours lésés et n'avaient pas une forte présence. Est-ce que ce retour va remédier à cela ?
Les maîtres mots de cette édition, comme pour les précédentes, sont bienveillance et professionnalisme. Le Festival est une très grande machine aujourd’hui. Les cinéastes marocains sont des partenaires privilégiés et incontournables de ce Festival qui est le leur avant tout. Nous faisons et ferons tout notre possible pour rendre leur participation au Festival la plus agréable et la plus utile.

En dehors des retombées économiques du festival sur la ville de Marrakech, quels peuvent être ses atouts futurs pour le cinéma marocain ?
L’ouverture sur les cinémas du monde n’est pas un vain mot au Festival de Marrakech. Nous tenons à partager avec notre public et nos cinéastes des expériences cinématographiques de tous les horizons. Des rendez-vous comme «Conversation with» permettent des échanges ouverts et de grande qualité avec des monstres sacrés du cinéma mondial. Tout cela participe à l’évolution de notre industrie cinématographique. Sans oublier de citer «Les Ateliers de l’Atlas» dont l’objectif est d’accompagner de jeunes réalisateurs dans leurs premiers projets. La section «Panorama du cinéma marocain» qui est une formidable vitrine promotionnelle en vue de collaborations et de partenariats futurs entre les réalisateurs marocains et les financeurs internationaux. Il faut véritablement considérer le Festival comme une plateforme au service du cinéma marocain, en précisant qu’il représente une vitrine promotionnelle pour le cinéma marocain. Mais il ne peut évidemment pas jouer le rôle des institutions.

Ce festival est là pour participer à un épanouissement du cinéma marocain et lui donner un élan beaucoup plus puissant. Mais il se trouve que ce désir coïncide avec un moment difficile pour le cinéma local, où les producteurs déplorent le retard des subventions de l’État. Comment voyez-vous cette contradiction ?
C’est une question qui est effectivement posée sur la table, et elle fait l’objet de discussions entre professionnels et autorités de tutelle. En attendant, le cinéma marocain doit continuer à se développer, à créer, à ouvrir de nouveaux horizons. L’une des missions du Festival est de promouvoir ce cinéma auprès des différents publics présents à Marrakech et nous nous en acquittons du mieux que nous pouvons.                                      

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