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Le cinéma comme moyen de sensibilisation et de lutte contre le harcèlement sexuel de la femme

Dans le cadre du Festival international du film de femmes de Salé, un Forum a été organisé, le samedi 29 septembre, avec pour thème «Le harcèlement sexuel des femmes dans le cinéma». Une pléiade de cinéastes, de producteurs, d'avocats et d'acteurs de la société civile, du Maroc, du Liban et de l’Afrique du Sud, qui ont une relation, de près ou de loin, avec le sujet, y sont intervenus.

Le cinéma comme moyen de sensibilisation et de lutte contre  le harcèlement sexuel de la femme
Les intervenants lors de cette rencontre se sont concentrés sur le harcèlement dans le cinéma.

La femme étant confrontée à l'exploitation sexuelle et aux agressions dans plusieurs espaces de la vie quotidienne, les intervenants à ce colloque se sont concentrés, en particulier, sur le harcèlement dans le cinéma, en traitant la question d’un point de vue juridique, en définissant cette notion de harcèlement, puis en cherchant quel rôle peut jouer le cinéma pour dépasser l’image à la fois stéréotypée et négative de la femme. Hanane Ennadir, la conseillère en égalité de genre et autonomisation des femmes au cabinet de la ministre de la Solidarité, de la femme et du développement social, a évoqué l'arsenal législatif mis en place, à travers le plan «Ikram 1» et «Ikram 2», contre tous ceux qui entravent la loi qui protège les femmes et leurs droits, notamment la loi 103.13 relative à la lutte contre les violences à l’égard des femmes. Dans son intervention, Hanane Ennadir a aussi rappelé les études réalisées pour promouvoir l’image de la femme, en luttant contre la discrimination à son égard. «Pour réussir à mettre en pratique ces textes et études, il faut d’abord arriver à changer les mentalités», a-t-elle souligné.
De son côté, la présidente de l’Association Joussour, Oumaïma Achour, a indiqué que Joussour travaille depuis 1995 pour plaider de façon différente des avocats et des juristes, c’est-à-dire en utilisant la télévision, la radio et le cinéma. «Ce dernier est un moyen efficace pour changer les mentalités et ouvrir le débat, afin d’éradiquer certaines réalités néfastes, pour changer les stéréotypes et donner une image plus positive de la femme. Dans la stratégie de notre projet, nous avons mis en place deux pièces de théâtre, tout en visant en priorité des jeunes, à travers des outils de communication, puis en organisant des ateliers de travail. Notre objectif est d’inculquer aux jeunes les valeurs des droits des femmes, et ce en parallèle avec l’amélioration de l’arsenal juridique qui doit être mis en pratique sur le terrain. Et là, je tiens à féliciter toutes celles qui ont pu réussir leur carrière malgré les entraves qu’elles ont rencontrées», précise Oumaïma Achour, qui souhaite également voir sur les écrans une image positive de la femme, pas seulement celle où elle est opprimée et harcelée. Pour sa part, l’avocate Saïda Waddah, tout en saluant aussi le rôle de sensibilisation du cinéma, ne manque pas de reconnaître qu’il y a des textes juridiques pertinents. «Mais pour mettre en pratique ces textes, nous rencontrons beaucoup d’entraves. Depuis 2003, le harcèlement sexuel est considéré comme un crime dans le droit pénal, quelle que soit la victime, une femme ou un homme. La loi 103.13 donne les outils pour mettre fin à la violence contre les femmes, comme il y a plusieurs mesures garantissant les droits de la femme. C’est un débat très important où chaque composante sociétale peut intervenir pour partager les connaissances. Je pense que le cinéma doit être un levier pour changer les mentalités».
Par ailleurs, l’expérience sud-africaine, à travers le témoignage d’une réalisatrice et d’une productrice présentes au colloque, a montré que le harcèlement sexuel des femmes dans le cinéma est une problématique mondiale. En Afrique du Sud, un groupe de femmes du secteur cinématographique a mis en place l’organisation Swift qui a pour objectif de changer les comportements dans l’industrie du film en ce qui concerne le harcèlement sexuel, en lançant des campagnes, à travers des annonces publicitaires, pour recueillir des histoires et en faire des courts métrages. «Nos recherches nous ont fait découvrir des vérités horribles où beaucoup de femmes qui travaillent dans l’industrie cinématographique ont été harcelées sexuellement. Notre objectif est de faire des études pour avoir des statistiques réelles. Puis arriver à faire en sorte que ces faits soient considérés comme criminels par le biais d’un arsenal juridique qui doit être inclus dans les contrats des artistes. On aimerait bien partager ces expériences avec les Marocains. Il faut oser parler pour éliminer tous ceux qui abusent des femmes dans ce secteur».
Le réalisateur et producteur Saâd Chraïbi a, quant à lui, focalisé son intervention sur deux axes de réflexion. Le premier, abordant les questions relatives à la représentation du harcèlement dans le cinéma, sa démonstration dans les films, la reproduction du réel, puis l’interprétation du harcèlement que Saâd Chraïbi considère comme la forme la plus intéressante, parce qu’elle ouvre un champ de réflexion et d’investigation plus larges, qui permet plus de liberté d’écriture et surtout des lectures plurielles de la part du spectateur. Son deuxième axe de réflexion a abordé l’aspect sexuel du harcèlement dans le cinéma, le harcèlement sociétal, conjugal, professionnel et psychique.
Pour terminer, le réalisateur Saâd Chraïbi a livré des réflexions sur ce que peut faire le cinéma par rapport à ce phénomène. «Il me semble que la réponse se trouve d’abord dans la mentalité de la société, dans sa conscience collective, dans sa capacité à éradiquer, ou au moins à dénoncer tout acte de harcèlement, quels que soient sa forme ou son lieu d’exercice. Le cinéma ne peut qu’accompagner ce processus social et parfois l’anticiper par une démarche suggestive de solutions à exprimer. Ensuite, c’est certainement l’arsenal juridique qui peut constituer une solution à long terme. À ce niveau, il faut saluer les récents textes que le Maroc vient de mettre en place, même s'ils arrivent très en retard».
En conclusion de ce colloque, suivi par une large assistance, l’écrivain, critique et calligraphe Brahim Ariss a insisté sur le fait que le harcèlement sexuel est un comportement aussi ancien que l’humanité. «Le plus fort a toujours harcelé le plus faible, dans tous les espaces et tous les temps. Ce sont les sociétés elles-mêmes qui doivent se réformer par les textes législatifs. Je crois que si on arrive à faire des films qui mettent en relief les compétences des femmes, on peut amener l’homme à renoncer au harcèlement sexuel». 

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