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Un concert d'ouverture en hommage aux nombreuses femmes mystiques qui ont jalonné l’histoire spirituelle

Un concert d'ouverture en hommage aux nombreuses femmes mystiques qui ont jalonné l’histoire spirituelle

Pour sa 11e édition, le Festival de Fès de la culture soufie choisit de donner le ton lors de son ouverture, samedi 20 octobre, avec une création artistique, «Ode aux femmes mystiques», en compagnie de Carole Latifa Ameer, Leili Anvar, Françoise Atlan, Bahaa Ronda, Driss Berrada et l’Ensemble Rhoum El Bakkali-Hadra Chefchaounia, et ce dans le bel espace de Bab Al Makina.
Le concert réunit le groupe des femmes de Chefchaouen avec Rhoum El Bakkali, ainsi que des chanteuses et des artistes de diverses cultures, comme Carole Amer, Françoise Atlan, Bahaa Rounda ou Leili Anvar. Cela signifie que la femme a toujours eu sa place dans la culture soufie. Le président du Festival et spécialiste en la matière, Faouzi Skali, l’assure, en précisant que cette question de la présence active des femmes et de l'archétype même du féminin est un exemple concret du rôle que peut jouer la culture du soufisme pour s’ouvrir à cette présence et à tout ce qu'elle peut apporter en énergie humaine et en créativité. «Nous nous sommes arrangés pour créer une relation conflictuelle et contre-productive avec tout ce que cet “archétype du féminin” peut apporter et les énergies et richesses qu'il peut libérer au cœur de nos sociétés. La grande littérature du soufisme, la poésie et l'art véhiculés par cette culture nous permettent de repenser cette présence du féminin et de l’intérioriser dans nos représentations culturelles. C'est le sens de ce concert d'ouverture qui est un hommage aux nombreuses femmes mystiques qui ont émaillé notre histoire spirituelle depuis Rabiaa jusqu'à aujourd'hui». Ainsi, le travail remarquable de cet ensemble de femmes est un témoignage tangible de ce que peut signifier la présence du soufisme, ou plus précisément de cette culture du soufisme, aujourd'hui, de l’importance et la présence de la femme dans l’histoire du soufisme. 


Entretien avec Faouzi Skali, président du Festival
«Notre objectif est de nous inscrire dans l’impulsion donnée par Sa Majesté le Roi et de montrer le rôle du soufisme en tant que patrimoine culturel vivant»

Le Matin : Peut-on comprendre à travers l’idée de réaliser cette création artistique que la femme a contribué aussi de son côté au rayonnement du soufisme dans son volet artistique ?
Faouzi Skali
: Il est remarquable que dans toute l'histoire du soufisme, les femmes aient tenu une place significative, plus importante que dans les autres branches des sciences islamiques. Ce n'est, bien sûr, pas un hasard. La culture du soufisme porte en elle une valorisation des femmes et de l'archétype du féminin d'une manière générale. C'est ce que nous retrouvons dans toute la poésie soufie avec des figures symboliques comme «Layla» ou «Maya». Cela se conjugue avec le fait que les expériences spirituelles ne s'expriment jamais mieux que dans un langage artistique ou poétique. Que l'on pense à l'extraordinaire richesse du patrimoine musical et poétique du soufisme à travers le monde. Ce concert d'ouverture témoigne naturellement de cette réalité ou, plus exactement, s'inscrit dans cette tradition culturelle pour en donner une version et une interprétation nouvelles. Les femmes qui participent à ce concert ont toutes un itinéraire personnel, qui est à la fois spirituel et artistique.

On voit dans cette «Ode aux femmes mystiques» des femmes de différentes croyances religieuses se rassembler autour de cette thématique. Est-ce que cela veut dire que le soufisme est un espace de tolérance et d’harmonie pour toutes les religions ?
Le soufisme ne fait qu'exprimer cette vision de l’Islam, que l'on retrouve dans plusieurs passages du Coran, selon laquelle la diversité des cultures et des religions partent d'une sagesse et d'un dessein divins. «À chacun, Nous avons donné une voie et une règle», «Si Dieu avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté», et les versets dans ce sens sont nombreux. La civilisation de l'Islam a prospéré lorsqu'elle a su tirer bénéfice de la richesse de cette diversité et mettre en œuvre une gouvernance des cultures et des identités, comme cela a été le cas, par exemple, en Andalousie ou, pour prendre un autre exemple, en Europe centrale, à Sarajevo. Le Maroc, sous la conduite de Sa Majesté le Roi, incarne dans le monde d'aujourd'hui cette tradition civilisationnelle. C'est en ce sens qu'il devient un modèle concret, à une époque de grande confusion théologique et idéologique, d'un Islam de spiritualité et de culture.

A-t-il été facile de mener ce projet et d’atteindre les résultats escomptés sans aucune difficulté ?
La mise en œuvre d'une façon concrète d'un projet n'est jamais ni simple ni facile, en particulier lorsque celui-ci a vocation à s'installer dans la durée. La réalisation de ce type de projet relève de ce que j'appellerais une forme d'entreprise ou d'ingénierie culturelles. Idéalement, elle devrait impliquer des compétences et une formation particulières, à la fois dans l'organisation, la programmation et la communication. Le patrimoine culturel du Maroc est d'une telle richesse qu'il faut envisager de créer des filières de formation en «entreprise et ingénierie culturelle», car il y a là, je pense, un vrai gisement de métiers et de création de projets, dont les répercussions peuvent être importantes pour le développement humain et sociétal en général. C'est cette approche que nous essayons, à notre échelle, de mettre en œuvre, avec une petite équipe dévouée, pour qu'un projet comme celui du Festival puisse être porteur de sens et se développer avec une certaine cohérence chaque année.

Quel est le rôle de la musique et du chant dans l’apport mystique en général ?
Le chant et la musique dans une approche mystique sont tels que cela a constitué l'idée de base qui a amené à la création du concept de «musiques sacrées». Nous trouvons ces expressions musicales et artistiques dans toutes les cultures du sacré à travers le monde et évidemment dans le soufisme où cet art sacré s'est exprimé à travers une multitude de langues et de cultures. Toute une exploration de ces dernières peut être faite à travers cette dimension artistique. Cela permet de se rendre compte de l'extrême diversité des arts et des cultures au sein du monde islamique, que certains conçoivent d'une façon abstraite et monolithique.

Est-ce que la réussite de ce concert vous incitera à penser à d’autres projets du genre dans l’avenir ?
Comme il s'agit d'une création originale, ce concert sera lui-même amené à voyager après cette première présentation à Fès. Une prochaine date est déjà prévue à la Maison du Maroc à Paris le 13 novembre prochain. Chaque année connaît l'exploration de nouvelles thématiques et finalement de nouveaux projets.

Pensez-vous que nos jeunes peuvent être attirés par ce style musical, au moment où nous assistons à un foisonnement de musiques urbaines de toutes sortes ?
Cela peut être, en effet, possible par la découverte de ce qu'une véritable spiritualité peut apporter à ces jeunes. L'art finalement dans son expression la plus profonde est la traduction d'une expérience personnelle, vivante. Comme pour la poésie, c'est une façon de dire l’indicible, de rendre compte d'états d'être profonds par une expression artistique. Mais pour cela, il faut aussi une éducation et des écoles artistiques orientées vers les arts spirituels. Il y a eu aussi ceux, comme pour le chanteur franco-congolais Abdelmalik, qui ont su nourrir leur art, en l'occurrence ici le Slam, d'une inspiration spirituelle soufie. L'une des tables rondes de cette édition, qui a lieu à la Medersa Bounaniya, est justement intitulée «Soufisme et art contemporain».

Le Maroc est connu pour être la terre du soufisme par excellence. Pensez-vous que ce Festival contribue concrètement à faire connaître ce patrimoine culturel et spirituel marocain ?
Oui, il y a une présence extrêmement riche de ce patrimoine au Maroc depuis des siècles. Il constitue le «logiciel» culturel de l'Islam marocain auquel le peuple et les Monarques du Maroc ont toujours été très attachés et qui est la matrice sur laquelle s'est développée la civilisation marocaine. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a donné un nouveau souffle à cette culture spirituelle en initiant ces dernières années un certain nombre de rencontres autour du Soufisme, notamment à Sidi Chiker, près de Marrakech. Les confréries du monde entier viennent au Maroc, car elles savent que celui-ci est une terre de culture soufie. Notre projet a été de nous inscrire dans cette impulsion de Sa Majesté et de montrer comment le Soufisme constitue aujourd'hui un patrimoine culturel vivant qui apporte des réponses fructueuses, à mon sens, à notre quête de spiritualité dans une société contemporaine. Mais aussi un moyen de se ressourcer à ce patrimoine vivant qui porte des valeurs universelles pour créer un renouveau et une nouvelle dynamique de créativité au sein de celles-ci. On n'invente jamais rien à partir de rien. La dynamique créée par l'exploration et l'exploitation de ce patrimoine ouvre un champ de réflexion et d'action illimité. 

 

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