Le réveil du Dragon
Une leçon précieuse que ne manquera de rappeler Jack Ma quand on l’interrogea en marge du forum de Davos en 2017 sur le déficit chronique des États-Unis vis-à-vis de la Chine, il répondit que le marasme de l’économie américaine est à chercher dans les guerres incessantes que mène le pays de l’Oncle Sam dans les quatre coins du monde et qui se font au détriment d’infrastructures sociales dont pourrait profiter le citoyen américain. L’ouverture entreprise par Deng Xiaoping, bien que rapide, fut bien préparée, à l’image de celle des autres pays asiatiques. Ainsi, aux premières années de la transformation de la Chine en une économie de marché, on envoya des dizaines de milliers de jeunes Chinois dans les différentes universités occidentales apprendre deux disciplines principales : les sciences de l’ingénieur et les sciences économiques et commerciales.
Des leçons dont on gagnerait à s’inspirer
Chaque année, le Maroc forme des milliers d’ingénieurs, d’économistes et de gestionnaires et envoie des centaines se former sous d’autres cieux. À l’obtention de leurs diplômes et, pour certains à leur retour au Maroc, le tissu économique s’est tellement tertiarisé (orienté vers les services) que beaucoup d’entre eux préfèrent les carrières prestigieuses dans les métiers de la finance, les carrières confortables dans les administrations ou les carrières à la mode dans l’informatique et les télécommunications (dans leur version grand public et non les versions qui nécessitent un savoir-faire scientifique pointu). Très peu de jeunes vont vers le travail laborieux de l’industrie. Et pour preuve, l’essentiel des créations d’entreprises se fait dans le commerce, l’informatique et les métiers de communication. Quand l’industrie est à l’honneur, c’est souvent dans l’assemblage ou la transformation ne nécessitant pas un effort soutenu de recherche et développement et dans beaucoup de cas, ce sont des investisseurs étrangers ou des filiales de multinationales qui sautent le pas. Le problème à ce stade est double. D’abord, le niveau de formation de nos cadres (ingénieurs ou commerciaux) les situe, selon les standards internationaux, au mieux à des niveaux de techniciens spécialisés.Ensuite, les secteurs d’accueil à leur sortie de formation les orientent vers les activités de services et très peu vers les industries. Si le Maroc perd annuellement des milliers de postes dans l’industrie, c’est que cette dernière n’attire plus les talents qui lui permettent de rester compétitive. Par ailleurs, la structure de notre tissu économique composée à plus de 97% de PME et de TPE fait que celles-ci adoptent très peu les méthodes modernes de management des entreprises, ce qui les empêche de dépasser le stade artisanal, même dans les secteurs ne nécessitant pas un savoir-faire industriel particulier (commerce de gros, distribution alimentaire, etc.).
Il y a 40 ans que Deng Xiaoping avait compris que les sciences de l’ingénieur et les sciences économiques et commerciales sont les deux disciplines qui constituent le socle sur lequel est bâti tout décollage économique, à condition de les utiliser à bon escient. Les sciences de l’ingénieur permettent de fabriquer des produits et des services innovants et compétitifs, les sciences commerciales permettent de les commercialiser et de gérer les organisations complexes qui les intègrent et les sciences économiques permettent de planifier et d’optimiser l’allocation des ressources à l’échelle du pays les abrite. Ce n’est pourtant pas si compliqué que ça !
Par Nabil Adel
Nabil Adel est Chef d'entreprise,chroniqueur, essayiste et enseignant-chercheurà l'ESCA - École de Management.