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«La croissance se fait d’abord dans les territoires»

Professeur et auteur de plusieurs ouvrages sur la régionalisation, Claude Courlet a participé au débat du Panel 3 du Morocco Today Forum, articulé autour du thème «Compétitivité, complémentarité des territoires et partage de la croissance : Comment y arriver ?» En marge de cette rencontre d’envergure, M. Courlet a livré au «Matin» sa vision sur le processus de régionalisation avancée au Maroc.

«La croissance se fait d’abord  dans les territoires»
Claude Courlet, professeur d’économie à l’Université Pierre-Mendès-France de Grenoble

Le Matin : Comment peut-on promouvoir un développement décentralisé ?
Claude Courlet :
Le développement décentralisé devient une nécessité à cause de la mondialisation et la métropolisation. L’OCDE appelle ça «le siècle métropolitain». Et grâce à l’Initiative de Sa Majesté sur la régionalisation avancée, on va assister au Maroc à un véritable enrôlement des territorialités. C’est-à-dire redonner aux territoires marocains une capacité plus grande pour se développer et pour s’adapter à cette nouvelle donne, qui est la métropolisation, dans laquelle c’est la ville qui fait la croissance. De ce point de vue là, la réforme sur la régionalisation au Maroc est très importante et très intéressante, donc il faut plus de décentralisation et il faut qu’on aille vers une coproduction entre l’État et les régions, notamment les nouvelles régions. C’est un défi énorme, mais qui va permettre aux régions marocaines notamment les moins favorisées à l’heure actuelle, d’avoir la possibilité de jouer sur leurs capacités et leurs potentialités. À ce titre, il y a deux enjeux. Le premier c’est la croissance, il faut que chaque région joue sur sa singularité et ses propres ressources. Ce qui est intéressant dans la réforme en cours c’est qu’il y a eu un discours de Sa Majesté où il évoquait la notion du «capital immatériel», c'est-à-dire que les ressources du développement ne sont pas données. Elles sont créées autour d’un projet. Il y aura un grand capital économique qu’est Casablanca, où il y a beaucoup de choses à faire, et puis il y aura des villes moyennes, des métropoles, etc. Il faut que cette décentralisation joue aussi sur les villes moyennes qui doivent articuler le réseau urbain. Il n’y a pas un manuel de décentralisation, il n’y a pas de recette, la décentralisation se fera en marchant, il faut d’abord déconcerter l’État, donner de nouvelles compétences aux régions et puis surtout il faut que les régions aient des moyens. La décentralisation se fait en fonction du projet, le maitre mot du développement territorial, c’est le projet du territoire. Il faut qu’on sache ce que fait l’État et ce que doivent faire les régions. La deuxième idée c’est comment avec la réforme territoriale on peut donner des chances pour tout le monde. La réforme territoriale est très importante parce qu’il ne faut plus que l’appartenance à un territoire soit un handicap pour celui qui nait dans ce territoire. Ça ne veut pas dire que je vais tout mettre dans ce territoire, ça veut dire qu’il faut faire de la mobilité. Tout ça ne se fera pas par un coup de baguette magique, mais en marchant dans le cadre d’une nouvelle gouvernance, dans laquelle les régions et l’État sont des partenaires du développement des territoires. Il faut s’attendre à des bouleversements assez importants pour l’expression des territorialités au Maroc. La chance du Maroc c’est que c’est un pays où il y a de fortes typicités territoriales qu’il faut valoriser au maximum. Ce n’est pas tellement un problème de partage de la croissance, cette dernière ne se fait pas au niveau national, puis on la partage, la croissance se fait d’abord dans les territoires, il faut donc libérer les territoires pour qu’ils puissent 
s’exprimer.

Quelles sont les grandes conclusions de votre livre sur l’économie territoriale ?   
Le livre sur l’économie territoriale signifie que chez les économistes, le territoire n’a jamais été pris en compte, donc on se pose la question de savoir s’il y a des concepts spécifiques pour l’économie territoriale, le concept de proximité, d’économie externe, le problème de ressources. S’il suffisait d’avoir des ressources, le Congo serait le pays le plus riche du monde, c’est plus la création des hommes, le capital humain, le capital immatériel, c’est se demander si on peut construire une économie territoriale avec des concepts qui ne soient pas simplement une déclinaison de la fameuse macroéconomie. À l’heure actuelle, il y a un très grand débat sur les indicateurs, maintenant il y a toute une série de recherches en Amérique latine où les indicateurs, on va les chercher auprès des acteurs, auprès du peuple, on demande à un pauvre quel est l’indicateur qui l’intéresse, donc il y a un renversement d’analyse. Comment on peut avoir un indicateur plus riche qui tient compte de la réalité des gens, c’est un peu ça l’idée de l’économie territoriale. 

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