La fin de l’année approche à grands pas et 2019 est bientôt à nos portes. Le moment est donc idéal pour dresser le bilan de l’année 2018 et se fixer de nouveaux objectifs et de nouvelles résolutions pour 2019. La fin de l’année est aussi le moment choisi par de nombreuses entreprises pour s’entretenir avec leurs collaborateurs. Cette action se fait dans le cadre de ce qu’on appelle l’«entretien annuel d’évaluation».
Si du côté du management, l’entretien annuel d’évaluation est considéré comme l’occasion d’évaluer le travail du collaborateur et ses engagements vis-à-vis de l’entreprise, pour le salarié, c’est surtout le moment idoine pour demander une augmentation de salaire et une évolution de poste. «L’entretien annuel d’évaluation est un levier indispensable pour aligner la performance des équipes sur les priorités business. Quand il est réussi, il est un échange efficace qui renforce les liens de confiance», explique Hind Berrada, DRH, experte de la transformation et coach des individus et des organisations. «L’idée fondatrice de l’entretien d’évaluation est de confronter de manière dynamique et structurée la perception du collaborateur à celle de son manager dans une perspective d’amélioration continue. Par conséquent, il est attendu de cet entretien de fixer de nouveaux objectifs et de définir un plan d’action pour le collaborateur», note de son côté Omar Belkheiri, coach ICF, consultant Horizon RH et professeur de gestion à l’ENCG Tanger. Or pour réussir son entretien d’évaluation et donc obtenir satisfaction, il faut bien se préparer et surtout ne pas sous-estimer l’exercice.
Les experts conseillent de bien se préparer en amont et ne surtout pas «bâcler son auto-évaluation». «Pour faire réussir le processus d’évaluation, généralement les entreprises forment leurs managers à la préparation et la conduite de l’entretien d’évaluation. Également, le service des RH aide à structurer ce processus en mettant en place un circuit documentaire (outils) et d’archivage.
Dans ce cadre, les managers informent à l’avance les collaborateurs en leur fournissant les documents utiles pour se préparer à l’entretien. Dans ce contexte, le collaborateur a toutes les chances de se sentir rassuré et encadré pour cette opération», souligne Omar Belkheiri. Ce dernier indique que la préparation du collaborateur est orientée dans deux directions incontournables : dresser son propre bilan de l’année professionnelle et apprendre à se projeter dans l’année
suivante.
«Il sera question de dresser son propre bilan de l’année professionnelle en identifiant les missions réalisées, sa vision de l’atteinte des objectifs fixés il y a un an, les points de réussite et d’améliorations, les nouvelles compétences acquises, ainsi que les diverses questions utiles à déclarer en relation avec son travail. D’autre part, il aura à apprendre à se projeter dans l’année suivante dans une logique d’amélioration de sa prestation, de ses compétences et de son comportement. Pour cela, il aura à exprimer sa vision et ses besoins en matière d’accompagnement, de formation, de ressources ou encore d’amélioration du poste», précise le coach. Si les coachs et experts insistent sur l’importance de se préparer à l’entretien annuel d’évaluation, souvent les collaborateurs prennent la chose à la légère. Et pour cause, ils ne sont pas réellement convaincus des conséquences positives de cet exercice. «L’entretien de la performance est souvent critiqué. On le perçoit comme inutile, subjectif et démotivant. Le rôle des leaders et de la fonction RH est indispensable dans la mise en place d’une culture de la performance», note Hind Berrada.
Des propos appuyés par les témoignages de certains collaborateurs. «L’entretien annuel d’évaluation est une perte de temps et d’énergie. Ce n’est que des illusions et de fausses promesses. À chaque fois, on nous convoque pour un entretien, on nous fait miroiter des augmentations et des évolutions de poste. Au final, l’année s’écoule et rien ne change», fustige Marwa, salariée. Même son de cloche chez Mohamed, cadre financier : «J’ai été déjà convoqué pour un entretien et cela m’a permis au départ de travailler davantage, croyant que les choses allaient évoluer, mais rien n’a changé par la suite. À mon avis, le fait de convoquer des salariés et leur faire de fausses promesses peut avoir des conséquences néfastes à moyen et long termes».
Peut-être que les collaborateurs n’ont pas réellement tort et que l’entretien d’évaluation a effectivement montré ses limites. En effet, avec l’air de la digitalisation et le foisonnement d’entreprises qui privilégient l’agilité. Des études ont démontré que la pratique de l’entretien annuel d’évaluation est en passe de devenir obsolète. Ainsi, un nombre important d'entreprises américaines comme Google se sont révoltées contre cette pratique et ont inventé une nouvelle façon d’évaluer leurs collaborateurs. On parle alors de «conversations régulières» et d’«auto- évaluation».
Chez les géants américains, l’entretien n’est plus annuel, mais «à la demande» et il est tourné vers le futur et non vers le passé. Explications : on parle développement de l’entreprise et du poste et non objectifs réalisés l’année écoulée.
Déclaration de Omar Belkheiri, coach ICF, consultant Horizon RH et professeur de Gestion à l’ENCG Tanger
«Réalisée le plus souvent annuellement sous forme d’un entretien de face à face, l’évaluation des employés est un moment privilégié d’échange entre le manager et son collaborateur (managé) autour des réalisations de ce dernier (objectifs), de sa performance, de ses compétences, de ses besoins, etc. Sous cet angle, plutôt étroit, mais le plus rencontré au Maroc (selon les entreprises, on peut élargir le spectre des sujets à traiter à la carrière ou encore à la rémunération). Bien que le manager et son collaborateur se connaissent très bien et se côtoient tous les jours, l’évaluation annuelle est porteuse d’enjeux pour les deux parties en raison de son caractère solennel et formalisé. Lors de l’évaluation, le manager a constamment en tête la préoccupation de faire preuve de la bonne connaissance de son collaborateur (acquis, possibilités, limites, ambitions, etc.), de maintenir le climat de confiance, d’assurer un accompagnement pertinent (sens et moyens), d’assurer l’équité dans l’acte d’évaluer ses différents collaborateurs, de réussir à faire exprimer son collaborateur sur ses attentes et les mettre en lien avec sa position et son activité, de maintenir l’équilibre entre les besoins et ambition de son collaborateur avec le champ des possibles que permet l’organisation. De son côté, le collaborateur s’interroge sur les risques et l’intérêt de l’évaluation pour lui. Plaçant généralement sa préoccupation à deux niveaux, le déroulement de l’évaluation et son impact, il se pose notamment les questions suivantes : Pourquoi cet entretien (sens : contrôle ou appui) ? Que doit-il dire et comment le dire (contenu) ? Comment est-il perçu par son manager (critères) ? Appréciera-t-il l’ensemble de ses efforts (objectifs vs volume de travail) ? Sera-t-il à mon écoute (besoins) ? Après l’entretien, m’apportera-t-il son support (accompagnement, formation, ressources) ? Qu’en est-il de tout cela pour ma rémunération (contribution-rétribution) ? etc.»