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Faire de l’entrepreneuriat un acte citoyen

«Les entreprises et les entrepreneurs citoyens» ont été au cœur des débats, la semaine dernière, à Essaouira. Invités à la conférence internationale du Réseau mondial «Thinkers and Doers», autour du thème «Les états généraux des entreprises et des entrepreneurs citoyens», une centaine d'experts, d'entrepreneurs, de décideurs et d'intellectuels ont mis en avant le rôle des entrepreneurs citoyens dans l’amélioration de l’avenir des prochaines générations. En marge de cet événement, Amandine Lepoutre, co-présidente et fondatrice de Thinkers & Doers, et Tiguidanke Camara, PDG de Tigui Mining Group, reviennent, dans cet entretien croisé, sur les enjeux de l’entrepreneuriat citoyen au Maroc et en Afrique.

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Éco-Emploi : Comment définissez-vous l'entrepreneuriat citoyen ? Et quel en est l'enjeu dans la conjoncture actuelle ?

Amandine Lepoutre
: L’entrepreneuriat citoyen signifie que l’entreprise joue pleinement son rôle dans la société, de son plein gré. Elle décide d’agir dans le sens d’un progrès partagé, responsable. Et cela va plus loin aujourd’hui. Si les entreprises ont bien conscience qu’elles doivent interagir avec leurs écosystèmes et entrer dans des logiques responsables pour se développer, l’enjeu est ailleurs aujourd’hui. Pour répondre aux enjeux majeurs de nos sociétés, de notre monde, le rôle des acteurs économiques est clé. Les entreprises, les entrepreneurs ont le pouvoir de faire changer les choses. Rapidement. Et massivement. De par leur capacité d’investissement, leur capacité de diffusion des messages et leurs moyens de faire de la pédagogie, etc., les entreprises peuvent agir très concrètement sur des sujets clés pour notre monde : la transition écologique, l’éducation, 

la sécurité alimentaire, etc.

Tiguidanke Camara : L'entrepreneuriat citoyen est une entreprise qui met essentiellement l'accent sur l'évolution communautaire et sociale. Une entreprise qui mise sur le développement humain tout en réalisant du profit. Une entreprise avec une bonne étique de pratique et avec des solutions 

environnementales.

À votre avis, qui sont les principaux acteurs responsables de la promotion de ce type d'entrepreneuriat ?

Amandine Lepoutre : C’est un sujet très collectif qui est lié à notre capacité à créer un nouveau contrat, un nouveau dialogue entre les entreprises et les entrepreneurs eux-mêmes, les institutions et instances publiques, les associations et la société civile. Il faut instaurer un nouveau climat où chacun prend ses responsabilités, son rôle. Il faudrait que les instances publiques créent les conditions autour des entreprises pour que leur rôle soit valorisé, tout en proposant un cadre pour que les comportements de ces acteurs puissent être au service de la société. Il faut que les universités, les écoles accompagnent les entrepreneurs dans leurs formations pour qu’ils aient une conscience citoyenne, celle qui lie le business, la performance économique avec le sens de la société, l’impact social.

Tiguidanke Camara : Ce sont nous les acteurs économiques, car nous sommes des vecteurs indispensables l’évolution socio-économique de nos communautés, de nos pays et du continent africain. Nous devons donner le bon exemple, et contribuer à l'éducation pour une nouvelle élite d'experts qui pourront se mesurer à la demande du marché international de travail.

Quelle place pour l'entrepreneuriat citoyen en Afrique ? Quelles sont les perspectives pour le développer ?

Amandine Lepoutre : La place pour l’entrepreneuriat citoyen est immense. Et touche le monde entier. Partant du principe que les entreprises citoyennes sont celles qui mettent au cœur de leur développement la société, l’impact sociétal, le progrès social, cela concerne tous les pays. En Afrique, c’est évidemment un sujet qui concerne très fortement le continent. Et la jeune génération. Celle qui crée des entreprises pour résoudre des enjeux sociétaux majeurs. Dans une de nos conférences précédentes, une jeune femme expliquait que les jeunes des pays d’Afrique se démenaient pour créer des entreprises parce qu’ils se battaient pour vivre mieux que leurs parents. Et pour laisser à leurs enfants un monde en meilleur état. C’est là les clés de l’entrepreneuriat citoyen : cette urgence à agir et cette idée de construire un monde meilleur. Cela paraît très idéaliste, mais il y a toute une génération animée par ces principes. Ce n’est plus un idéal. C’est une réalité. C’est très concret. 

Tiguidanke Camara : L'entrepreneuriat citoyen occupe une grande place en Afrique et ailleurs, car les gouvernements ne peuvent subvenir à tous les besoins des citoyens donc des entreprises avec un programme socio-économique et environnemental contribuent énormément à cette couche croissante de jeunes à la recherche d'emploi et des communautés rurales ont la quête d'une vie économique meilleure.

Les perspectives de développement sont énormes. Il faut trouver la bonne méthode appropriée à chaque besoin, à chaque situation, car les demandes varient, mais le plus important c'est que les entreprises citoyennes doivent communiquer, se rapprocher de la communauté pour mieux cerner les préoccupations et les servir à travers les dons, l’éducation, les formations techniques et tisser des relations entre gouvernements, le secteur privé et les institutions d'enseignement.

Quel rôle pour la femme africaine  dans cette dynamique ?

Amandine Lepoutre : De la même manière, ma réponse ne sera pas uniquement pour l’Afrique. Le rôle de la femme est immense pour faire changer les choses. Il y a quelques années, je travaillais au Vénézuéla, sur des sujets de micro-crédits dans lesquels les femmes étaient les entrepreneuses. Ceux qui ont monté ces systèmes ont misé sur les femmes. Le professeur Yunus l’explique très bien. Elles travaillent. Elles développent. Elles remboursement les crédits. À 97%. Car elles ont conscience que l’argent généré construit leurs familles. La société dans laquelle leurs enfants grandiront. Elles sont tournées vers les autres. Vers le bien commun. Lors des États généraux à Essaouira, Béactrice Gakuba (Rwanda Flora), avec qui j’échangeais précisément sur ce thème, disait quelque chose que j’aimerais répéter : «Il faut aider les femmes. En Afrique et partout. Je suis venue aux États généraux, car vous êtes des femmes qui ont créé cette initiative. Je veux vous soutenir. Les femmes doivent soutenir ce genre de projet. Car elles travaillent et feront le business qui ira avec le progrès social. Mais il faut les aider à garder leur féminité. C’est tellement important. Il faut respecter leur rythme biologique. Les rendre fières de leur douceur, de leurs capacités et de leurs instincts. Elles sont belles, fortes, douces, éclairantes, visionnaires, créatives. Elles prennent soin des autres. De la terre. C’est comme ça, c’est dans les gènes de notre humanité. L’enjeu de nos sociétés est d’aider les femmes à rester des femmes, et dans leur entière féminité. Entre femmes. Entre hommes et femmes.»

Tiguidanke Camara : La place de la femme dans la culture et la société africaine est prépondérante. Elle est le pilier de la société et de la cohésion familiale. La femme africaine représente le plus important taux dans l'entrepreneuriat sur le plan mondial et 70% des femmes sont dans l'informel. Il est temps d'optimiser cela et de mettre en place des programmes et des législations qui les encouragent à être dans le formel. Et en guise d'exemple typique du rôle dynamique que la femme africaine puisse jouer, je citerai ma propre expérience : je suis une entrepreneuse sociale. Cela signifie alors qu'il n'y a pas que le gain qui m'intéresse, mais à la fois je veux voir un impact positif de mes activités sur la vie des communautés. Pour cela nous avons un programme rural dénommé Agromine qui dessert le secteur agricole afin d'apporter un développement de l'économie, crée de nouveaux emplois et soutien les femmes, les enfants et les jeunes à travers des formations, une aide à l'éducation des enfants et le développement de l'entrepreneuriat local.

Propos reccueillis par Hafsa Sakhi et Souad Badri

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