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«Il faut activer les appellations d’origine notamment pour les petites fermes»

Tout en louant les efforts consentis par l’État dans la filière des dattes, après le lancement du Plan Maroc vert, Mohamed Hamidi, président de l’Association des investisseurs dans la production des palmiers dattiers, estime que la filière continue de faire face à plusieurs contraintes. Que ce soit au niveau du financement, de la commercialisation ou de la valorisation, les attentes des investisseurs sont multiples. Le point.

«Il faut activer les appellations d’origine notamment pour les petites fermes»

Le Matin-Éco : Est-ce que la filière des dattes attire aujourd’hui les investisseurs ?
Mohamed Hamidi :
Il y a eu effectivement une ruée des investisseurs depuis le lancement du programme de plantations de 3 millions de palmiers dattiers dans le cadre du Plan Maroc vert. Cet engouement a été particulièrement important, grâce aux aides et subventions étatiques ainsi que les facilités octroyées par le ministère de l’Intérieur pour ce qui est du foncier. Il faut savoir que 17.000 hectares sont concernés dans le cadre de ce programme. Pour le moment, plus de 3.000 hectares ont été plantés, plusieurs fermes ont déjà commencé la production de dattes et 8.000 ha sont aujourd’hui prêts pour les plantations. Toutefois, pour assurer la pérennité des investissements, il faut que l’État redouble d’effort pour lever plusieurs contraintes que les opérateurs et agriculteurs rencontrent chaque jour.

Des investisseurs revendiquent plus de soutien sur le volet financier. Pourtant, l’État accorde plusieurs subventions et aides. De même, le groupe Crédit Agricole du Maroc a mobilisé plus de 750 millions de dirhams ces 4 dernières années pour la filière…
Je tiens à louer les efforts et initiatives entrepris par l’État et le ministère de tutelle. L’État accorde, en effet, plusieurs aides et subventions aussi bien pour la plantation et le nettoyage des palmiers que pour le foncier ou encore l’irrigation. Toutefois, le nerf de la guerre demeure le financement. Outre, la complexité des procédures d’octroi des crédits, les taux d’intérêt sont très élevés. Nous demandons à ce que ces taux soient réduits pour avoisiner 3-4% maximum. Pourquoi ? Il faut savoir que cette filière est différente des autres cultures. Pour qu’un palmier soit productif, il faut attendre 10 ans. Durant cette période, l’investisseur doit supporter plusieurs charges, sans pour autant avoir de revenus. C’est pour cela que nous demandons que l’État accompagne les opérateurs.

Qu’en est-il du volet commercialisation ?
Concernant la commercialisation, il reste beaucoup à faire. Tout d’abord, il faut contrôler la chaîne en faisant face aux spéculateurs qui causent du tort à la filière. 
Le prix du «Majhoul» de bonne qualité, par exemple, est de 35 dirhams le kilo chez l’agriculteur, mais arrive à 150 dirhams chez le consommateur, soit 4 fois plus. C’est vrai que le grossiste ramène ses employés pour la collecte des dattes et s’occupe de l’emballage, mais il est inconcevable que le prix augmente de cette manière !
Cette situation explique-t-elle le taux de consommation moyenne annuelle par habitant qui est de seulement 4 kg, alors que la moyenne régionale est comprise entre 10 et 15 kg ?
Tout à fait. Cette consommation moyenne est liée au pouvoir d’achat. Si les Marocains ne consomment pas assez de dattes, c’est en grande partie à cause des prix qui sont excessifs parfois. De même, il faut diversifier les produits et améliorer les circuits de distribution pour une meilleure accessibilité pour le consommateur final.

Est-ce pour cette raison que le consommateur trouve parfois plus de dattes algériennes ou tunisiennes dans les rayons des grandes et moyennes surfaces marocaines ?
C’est tout à fait normal, lorsque vous vous rendez compte que notre chaîne de distribution, malgré les efforts qui ont été déployés, reste défaillante et en deçà du potentiel de ce marché. Il faut renforcer les unités de stockage et frigorifiques, et valoriser les produits en activant les appellations d’origine notamment pour les petites fermes. Il faut également assurer un suivi et un accompagnement des producteurs pour qu’ils valorisent au mieux leurs produits. Si la datte tunisienne est réputée, c’est parce que la filière est dotée dans ce pays d’une véritable politique de commercialisation agressive basée notamment sur l’édification d’unités de stockage, de valorisation et d’emballage de bonne qualité, mentionnant les dates de péremption à titre d’exemple. Le consommateur est de ce fait mieux informé et achète des produits de bonne qualité et bien entretenus.

L’État va mobiliser 150 millions de dirhams pour le nettoyage des touffes des palmiers, comment avez-vous accueilli cette initiative ?
Même si nous n’avons pas été impliqués dans ce chantier, je ne peux que saluer cette initiative. Cependant, je pense que le montant est assez conséquent et qu’il aurait été plus judicieux de l’allouer à d’autres priorités urgentes, comme la construction de routes pour l’acheminement des produits, l’électrification des fermes, la valorisation des oasis et la création de circuits touristiques. Vous savez, nous disposons d'oasis parmi les plus belles au monde, malheureusement elles sont abandonnées et certains investisseurs ne peuvent plus suivre à cause de la complexité de la filière. 


Propos recueillis par Mohamed Amine Hafidi

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