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«Le fonctionnement de nos collectivités locales a démontré qu’il est plus efficace d'exécuter des services localement que de les gérer à partir du gouvernement central»

«Le fonctionnement de nos collectivités locales a démontré qu’il est plus efficace d'exécuter des services localement que de les gérer à partir du gouvernement central»

«Distingués invités, 
Mesdames et Messieurs, bonjour

Je suis honorée de pouvoir vous adresser ces quelques mots aujourd’hui. Je tiens à remercier le “Groupe Le Matin” de m’avoir invité à faire partie de cette plateforme fort louable. Je me réjouis d’être présente à ce forum, qui permettra sans doute un échange dynamique d’idées et de pratiques venant de différents pays sur le thème de la régionalisation.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, permettez-moi de souligner que Maurice et le Maroc ont des relations diplomatiques privilégiées, et je suis certaine que cet évènement sera l’occasion d’approfondir nos liens.
Je crois comprendre que le Royaume du Maroc a donné un nouveau souffle à son programme de régionalisation avancée, par le biais de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Je salue l’initiative de Sa Majesté dans ce sens, car la régionalisation est un outil phare de la démocratie. 
J’aimerais, ce matin, saisir cette occasion pour partager l’expérience de Maurice en termes de régionalisation. Étant moi-même ministre des Administrations régionales de mon pays, j’ai la charge de veiller au bon fonctionnement des douze collectivités locales qui tombent sous mon ministère. Il faut savoir que Maurice est un état insulaire d’environ 1,3 million d'habitants. Notre pays jouit d’une situation politique et économique stable depuis l'indépendance en 1968. Le pays a d’ailleurs célébré ses 50 ans d’indépendance en mars 2018.
Maurice est divisée en neuf districts, qui regroupent chacun les villes et villages du pays. En termes de structures de régionalisation, Maurice compte actuellement cinq conseils municipaux, responsables de nos villes, dont la capitale.
Nous avons aussi sept conseils de districts, responsables des 130 villages répartis sur sept districts du pays. Chaque conseil est géré par un groupe de conseillers, avec un maire à la tête des conseils municipaux et un président à la tête des conseils de districts. Ces conseillers, ainsi que les maires et les présidents, sont tous des élus du peuple. Ils sont élus lors des élections municipales et des élections villageoises. 
Pour assurer une bonne représentation des différents villages, au moins un représentant de chaque village siège au conseil de district qui lui correspond. Ce système a permis aux habitants de nos villages de faire entendre leur voix. Nos collectivités locales sont, quelque part, des extensions du gouvernement central et permettent d’appliquer les lois et politiques du gouvernement à travers le pays.
Il faut savoir que la réussite de notre système de régionalisation repose sur quatre axes :
1. un cadre légal qui définit les pouvoirs des collectivités locales.
2. un cadre administratif, également soutenu par la loi.
3. un cadre financier, pour mettre une certaine autonomie aux collectivités locales.
4. un mécanisme de gestion qui permet au gouvernement central de garder un droit de regard sur les collectivités locales.
Maintenant que je vous ai expliqué la base de notre système de régionalisation, j’aimerais vous ramener à ses origines. Pour comprendre l’origine du système de régionalisation mauricien, il faut examiner le passé colonial du pays. Maurice a été, tour à tour, une colonie française, de 1715 à 1810, puis une colonie anglaise de 1810 à 1968, l’année où Maurice a obtenu son 
indépendance. 
De ce passé, nous avons hérité du concept des collectivités locales, car le Royaume-Uni et la France étaient déjà engagés dans la régionalisation. Pendant l’époque française, Maurice a d’ailleurs connu la création d’une commission à Port Louis, qui fut le précurseur du conseil municipal tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Toutefois, c’est sous la colonisation du Royaume-Uni que Maurice a connu une formalisation du système de régionalisation. Les Anglais avaient alors introduit le Local Government Ordinance de 1962, qui mettait en place l’encadrement légal pour la création des conseils municipaux, l’élection des conseillers, la définition des pouvoirs des administrations régionales et la gestion administrative des conseils municipaux. Ce système fut très bien accueilli par la population, car cela permettait aux Mauriciens d’être impliqués dans le processus de prise de décision.
Suite à l’indépendance de Maurice en 1968, il devint nécessaire pour le pays de mettre en place son propre système. C’est alors que furent développés les éléments liés aux quatre axes dont je parlais. Il y a d’abord le premier axe de la régionalisation : le cadre légal concernant la gestion des collectivités locales. Le Local Government Act fut développé en 1984. Cette loi fut en grande partie inspirée du Local Government Ordinance de 1962, tout en prenant en considération l’évolution du pays, et ses besoins existants.
J’en profiterais ici, pour souligner que, dans un effort de promouvoir la femme au plan politique, le Local Government Act stipule qu’au moins un candidat sur trois aux élections doit être du sexe opposé. Il y a donc eu une augmentation significative de la participation des femmes, passant de 12,5% en 2005 à 34,2% en 2015, pour les élections municipales. Le chiffre est passé de 5% en 2005 à 25,4% en 2012 pour les élections villageoises.
En sus de l’encadrement législatif qui régit les pouvoirs des collectivités locales, Maurice a dû aussi prévoir un encadrement pour l’administration. C’est le deuxième axe de notre système de régionalisation. C’est ainsi qu’on développa le Local Government Service Commission Act de 1975, pour gérer le recrutement des employés.
Cette loi, qui fut revue en 1983, touche à la gestion des ressources humaines, la discipline, et la promotion entre autres. 
Elle a donné naissance au Local Government Service Commission, une entité indépendante qui gère à ce jour le recrutement du personnel pour les collectivités locales.
Outre la définition des pouvoirs à travers un cadre légal, et un encadrement administratif, il fallait aussi assurer l’indépendance financière des collectivités locales. Le troisième axe de notre système de régionalisation concerne donc les finances. Les collectivités locales bénéficient ainsi d’une double source de financement.
Premièrement, le gouvernement alloue une dotation budgétaire à chacune des 12 collectivités locales. Cette dotation budgétaire prend compte des besoins des collectivités, le nombre d’habitants, leurs superficies, les mobiliers sociaux à maintenir, ainsi que leur capacité à prélever des taxes locales. Cette dotation budgétaire représente généralement 75% des budgets des collectivités. La deuxième source est la taxation locale, à titre d’exemple, sur le logement, les marchés, les permis d’opération entre autres.
Et finalement, il y a le quatrième axe, soit le mécanisme qui permet au gouvernement central d’avoir un droit de regard sur les collectivités locales, plus spécifiquement, sur le plan financier. 
Le gouvernement central assure donc une utilisation judicieuse des dotations budgétaires allouées aux collectivités locales.
Il existe, sous la loi, six mécanismes de contrôle des fonds. Premièrement, les collectivités locales doivent soumettre un relevé de leurs comptes à la fin de chaque année financière, dûment signés par les maires ou présidents respectifs. Deuxièmement, chaque collectivité locale a un comité d’audit pour assurer la bonne utilisation des fonds. Troisièmement, Maurice possède un bureau national de l’audit, qui effectue aussi un audit des collectivités locales et soumet un financial statement annuelle qui sera publié dans la gazette du gouvernement. Quatrièmement, les collectivités locales doivent toutes préparer un rapport annuel. Cinquièmement, les membres du public sont autorisés à voir, si besoin est, les procès-verbaux concernant les comptes des collectivités locales. Et finalement, le ministre des Administrations régionales a aussi le droit de s’enquérir sur les relevés des comptes des collectivités locales.
Ce système a, jusqu’à présent, permis d’assurer le bon fonctionnement des collectivités locales, et d’éviter tout risque d’abus. Il faut dire que notre pays a grandement bénéficié de la régionalisation, car les collectivités locales sont des partenaires précieux dans l’implémentation des différents projets de développement dans les villes et villages. 
La politique de proximité des collectivités locales les rend plus aptes à s'adapter aux besoins des habitants de la localité. Elles peuvent ainsi réagir plus rapidement aux problèmes locaux. Elles travaillent de pair avec le gouvernement central pour s’occuper des besoins des habitants à travers le pays. 
Le fait d’avoir des conseillers élus par le peuple dans les différents villes et villages de Maurice a pour avantage que ces derniers comprennent la région et peuvent aider le gouvernement central à adapter les politiques selon les spécificités des différentes régions. 
Le gouvernement local est plus proche du public et leur permet d'avoir une voix plus directe dans la gestion des services, dont l’éclairage des routes, la maintenance des espaces publics, et le ramassage des ordures entre autres. Les conseillers habitent à proximité et il est donc plus facile pour les électeurs de les voir.
Le fonctionnement de nos collectivités locales a démontré qu’il est plus efficace d'exécuter des services localement que de les gérer à partir du gouvernement central. Cela allège le rôle du gouvernement central. Les collectivités locales jouent également un rôle important dans la coordination des différentes activités au sein des villes et villages en réunissant le secteur privé, les organisations non gouvernementales et d'autres organismes publics pour s'assurer que les choses se passent dans les meilleures conditions. De plus, différentes autorités locales ont été capables d'innover et de produire de nouvelles idées. L'idée d'utiliser une entreprise privée pour la collecte des déchets à moindre coût au lieu de la main-d'œuvre du conseil a déjà été lancée par certaines collectivités locales.
Permettez-moi maintenant de vous parler de l’apport des collectivités locales dans la gestion de certains défis auxquels Maurice fait face en ce moment, ainsi que leur contribution dans la mise en place de certains projets clés.
Notre système de régionalisation a eu un impact clé sur la l’implémentation les projets de développement, surtout dans l’optique où le gouvernement mise beaucoup sur le développement infrastructurel. Nous avons pour mission de moderniser le pays, et chaque année, nous investissons massivement dans les routes, l’éclairage, des infrastructures sportives, des marchés publics, et d’autres infrastructures nécessaires pour faciliter la vie de notre population. 
Comment faire pour nous assurer que ces projets avancent comme prévu dans nos 130 villages et nos cinq villes ? Grâce à nos 12 collectivités locales, qui sont responsables de la supervision des projets dans leurs localités respectives. 
De plus, notre gouvernement travaille actuellement sur la mise en place d’un programme de décongestion routière, à travers la construction de nouvelles routes et auto-ponts, mais surtout à travers le Metro Express, qui révolutionnera le transport en commun chez nous. Ce projet, dans un premier temps, concerne nos villes, et nos collectivités locales ont un rôle clé dans la gestion de ce projet au sein des villes. 
Au niveau de la ville de Rose Hill, par exemple, où les travaux ont déjà débuté, ce sont les collectivités locales qui assurent un monitoring des travaux, prennent connaissance des doléances des habitants, et travaillent de près avec le contracteur dans le but de minimiser les inconvénients inévitablement liés à la construction. 
Au niveau de mon ministère, nous venons tout juste introduire un amendement au texte de loi lié aux collectivités locales, plus précisément, en ce qui concerne les permis de construction et les constructions illégales. Maurice, n’étant pas épargné par le changement climatique, a fait face cette année à des pluies torrentielles et des inondations. 
Les constructions illégales, notamment celles sur les drains et rivières qui obstruent le cours normal de l’eau, sont un réel problème. Les collectivités locales ont aussi un rôle important dans ce sens. Ce sont elles qui émettent les permis de construction, assurent les inspections pour veiller à ce que les constructeurs respectent les consignes, et poursuivent ceux qui font fi de la loi. C’est une tâche extrêmement importante, car cela fait partie de notre plan pour une planification infrastructurelle harmonieuse, mais aussi, de notre plan pour gérer le changement climatique. 
Notre système de régionalisation, qui touche tous les recoins de Maurice est le moyen idéal pour le gouvernement central de mettre en œuvre ses politiques. 
Pendant ses 50 ans d’indépendance, Maurice a eu l’opportunité d’améliorer constamment son système de régionalisation. En tant qu’ancienne colonie britannique, Maurice fait partie du Commonwealth, et bénéficie du support de l’organisation et de ses pays membres. 
Maurice est aussi un membre du Commonwealth Local Government Forum, plateforme pour promouvoir la démocratie et la régionalisation, ainsi que l’échange des bonnes pratiques en termes de collectivités locales. Maurice siège actuellement dans son conseil d’administration. Maurice a ainsi pu bénéficier de l’expertise d’autres pays du Commonwealth dans sa régionalisation, et est en mesure aujourd’hui de partager sa propre expérience avec ses pairs. 
Pour terminer, je salue encore une fois l’initiative du Maroc, qui s’est engagé dans un processus qui aura sans doute de nombreux bienfaits pour le pays. Vous pouvez être assuré du soutien de Maurice dans ce sens. Nous serions ravis de partager nos connaissances et notre expérience liées à la régionalisation.  Je vous remercie de votre aimable attention.» 

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