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«La génération actuelle cherche à évoluer à l’image du monde qui l’entoure et surtout à la même cadence»

«La génération actuelle cherche à évoluer à l’image du monde qui l’entoure et surtout à la même cadence»

Management & Carrière : La mobilité professionnelle est-elle obligatoire aujourd’hui ?
Mohammed Benouarrek :
La mobilité professionnelle devient un must dans un contexte de plus en plus mondialisé. Les secteurs changent de périmètres et d’ampleur, les entreprises de même, alors quid du collaborateur ? C’est inévitable. Le monde bouge ; l’individu doit suivre. La fixité est révolue. Nous sommes tous en mode projet avec toute la flexibilité et le remodelage que ceci requiert. Refuser de s’inscrire dans cette logique est similaire au fait d’exiger un emploi garanti à vie dans une Bourse américaine.
Les temps ont changé ; l’homme s’adapte. La mobilité professionnelle devient une réalité. Dans un entretien, on cherche plus à explorer les raisons des mobilités plus que les excuses et les justificatifs auprès du candidat comme auparavant. Ceci ne casse pas le principe de l’engagement ou la fidélité, mais plutôt tolère plus la mobilité interne ou externe soit-elle.
La génération actuelle cherche à évoluer à l’image du monde qui l’entoure et surtout à la même cadence. Rien d’anormal. Ceci est tout à fait logique. Demander à un collaborateur de la génération Z de persister à creuser dans le mur pour arriver comme son grand-père l’a fait ressemble à un film de préhistoire. Il vous répondra qu’il ne faut pas prendre le plafond pour le ciel.
Quand il s’agit de la mobilité interne, l’entreprise offre des solutions en interne permettant au collaborateur d’évoluer, de changer de mission et/ou de contexte (au moins d’interfaces). Là, il s’agit d’un mouvement sans dégâts, mais avec beaucoup d’apprentissages. Learning by doing ou bien ce qu’on peut appeler learning by moving est très répondu aujourd’hui. Les entreprises en croissance peuvent mieux offrir ces solutions en interne et préserver ainsi leurs talents (souvent persuadés de leur employee appeal au marché du travail).
La mobilité externe, par contre, veut dire que le salarié devra quitter les murs de la forteresse (sauf s’il s’agit d’un groupe d’entreprises/holding). L’entreprise devra ainsi préparer des plans de carrières visant à fidéliser les ressources clés ou au moins retarder leur départ.

Est-ce facile de réussir cette expérience ?
Réussir la mobilité pour le salarié est indexé à sa capacité à drafter un plan de carrière autour d’un projet professionnel. Bouger pour bouger ne sert pas énormément. Il faut absolument définir un objectif ultime réaliste après une autoévaluation objective. Puis, le salarié devra assumer sa part du processus en œuvrant vers l’auto-développement. Une vraie introspection couplée à une analyse de ses forces et faiblesses s’impose. Ceci vous aidera à vous positionner correctement au niveau de la Bourse de travail. Si les opportunités ne trouvent pas à l’intérieur de l’entreprise là où il se trouve, il sera amené à prendre une décision. Sinon, il devra travailler pour évoluer en interne. Parfois, certains collaborateurs cherchent la voie de la facilité en optant pour des mobilités externes, mais ceci a ses limites. Ils finissent par une correction du marché. Le principe de Peter fait sa loi.
Les clés de la réussite d’une mobilité interne ou externe reposent sur le bon diagnostic de ses aspirations versus capacités, contexte interne versus contexte externe et puis le risque positif versus le risque négatif. Vous voulez devenir un entrepreneur professionnel ? Prenez votre part du risque, mais surtout assurez-vous de l’objectivité de votre propre assessment.

Quels sont les principaux obstacles à la mobilité ?
Les obstacles sont nombreux. Les plus répondus et impactants sont ceux dans la tête. Certes, le contexte professionnel est déterminant, mais il reste une donnée à traiter et non à consommer. Les obstacles peuvent provenir de l’élément humain en la personne de sa hiérarchie ou encore collègues comme ils peuvent être dus au marché d’emploi et la conjoncture.
Les vrais handicaps se fabriquent dans les têtes des individus eux-mêmes. Méconnaissance de soi, méconnaissance du marché, manque de projet professionnel bien ficelé, manque de courage, peur de l’inconnu, l’incertitude conjuguée aux risques… ce sont des exemples d’obstacles à une mobilité réussie. Bref, tenter est bien ; 
tâtonner est mauvais.

La mobilité implique une séparation d'avec une équipe familière pour aller vers de nouveaux collègues. Comment réussir cette transition ?
Il s’agit de sa capacité à se transcender. Une transition professionnelle peut se passer au sein la même entreprise dans un autre département ou un autre niveau hiérarchique, comme elle peut se faire en dehors des murs de la forteresse. Les transitions professionnelles en interne sans beaucoup moins risquées que celles vers l’extérieur. 
Le principe de High risk/High pay est très valable. Ceci dit, il me semble judicieux d’avoir une estimation réelle et un regard réalise pour ne pas devenir un kamikaze professionnel digne d’être le héros 
d’anecdotes dans les cafés… 

Avis du juriste : Me Abderrahmane Mrini, avocat au barreau de Kénitra

«La mobilité professionnelle touche un élément essentiel du contrat de travail à savoir le lieu de travail. Et le changement du lieu de travail constitue une modification substantielle du contrat de travail. (Cour de cassation – Chambre sociale, Arrêt 979 du 29 septembre 2004, Dossier 446/5/1/2005). L’employeur devra, donc, impérativement obtenir l'accord de son salarié s'il en souhaite appliquer tout changement. Sinon, le licenciement survenu suite au refus du salarié est considéré comme abusif. Ainsi, afin d’éviter tout conflit, une clause de mobilité est souvent insérée dans les contrats de travail. Elle engage par avance le salarié à accepter un éventuel changement de son lieu de travail en cours de contrat. À noter que le législateur confère au salarié muté les mêmes droits et acquis issus du contrat de travail, sauf si les parties se sont mises d'accord sur des avantages plus favorables pour le salarié. Comme toute clause du contrat de travail, elle est soumise au principe de la liberté contractuelle consacré par l’article 230 du D.O.C. selon lequel “Les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites…” et doit être mise en œuvre de bonne foi. Par conséquent, en présence d’une telle clause, le refus par le salarié d'une mutation peut être considéré comme une faute grave justifiant son licenciement sans préavis ni indemnités, et ce, en application des dispositions de l’article 39 du Code du travail qui prévoient que : “Sont considérées comme fautes graves pouvant entraîner le licenciement du salarié (…), le refus délibéré et injustifié d’exécuter un travail de sa compétence”. Cependant, afin que l’employeur puisse mettre en œuvre la mobilité professionnelle du salarié, le contrat de travail, la convention collective ou même le règlement intérieur de l'entreprise doit comporter une clause de mobilité, valable, acceptée par le salarié moyennant une contrepartie, à savoir une indemnité de transport et de déménagement. Toutefois, le fait qu’il existe une clause de mobilité dans un contrat de travail n’autorise pas l’employeur à la mettre en œuvre de façon discrétionnaire. La jurisprudence marocaine apporte quelques limites aux prérogatives de l'employeur de muter le salarié en se basant sur la notion d'abus de droit qui peut se manifester par la mauvaise foi de l'employeur. Les juges sanctionnent les employeurs qui se servent de la clause de mobilité uniquement pour faire partir un salarié de l’entreprise, en le licenciant à la suite de son refus. Ainsi, la Cour de cassation a statué qu’une mutation dégradante d’un salarié, même si elle ne touche pas sa rémunération, constitue une violation de l’article 230 du D.O.C. (Cour de cassation – Chambre sociale, Arrêt n° 2554 du 26 novembre 1996, Dossier n° 642/1995). La jurisprudence française est allée plus loin en précisant que pour être valable, une clause de mobilité doit définir de façon précise la zone géographique où elle pourra être mise en œuvre. Si ce n’est pas le cas, elle sera considérée comme nulle puisqu’elle ne permet pas au salarié de connaître, lors de la conclusion du contrat ou lors de la signature d’un avenant, ce à quoi il s’engage. En principe, la mise en œuvre de la clause de mobilité n’est valable qu’à la condition d’être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. Mais c’est au salarié qui s’estime lésé par une mutation intervenant en application d’une clause de mobilité, d’apporter la preuve de la faute commise par l’employeur».

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