Menu
Search
Vendredi 26 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 26 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Emploi

Hausse des salaires : une tendance qui se confirme pour les managers

La hausse des salaires des cadres et des managers au Maroc, établie à 4 et 3,8%, est parmi les plus élevées comparativement à d’autres pays comme le Portugal. Cette tendance inflationniste s’explique par la rareté de la compétence qui continue à se payer aujourd’hui au prix fort. C’est l’un des constats qui sort des résultats de l’enquête sur les rémunérations de Diorh-Mercer 2018.

Quels sont les profils les mieux payés ? Quels sont les métiers les plus rémunérateurs ? C’est à ces questions, entre autres, que répond le cabinet Diorh Consulting à travers les résultats de son enquête générale de rémunération, TRS 2018 rendus publics la semaine dernière à Casablanca. Sans grande surprise les managers et les cadres supérieurs sont les plus chouchoutés par leurs employeurs. Selon Mehdi El Yousfi, directeur général du cabinet Diorh, «le marché n’a pas présenté cette année de comportements très différents de ceux observés les années précédentes : il présente une grande continuité d’une année à l’autre, cette édition n’y échappant pas». Pour aller dans le détail, «le manager a connu, en augmentation médiane tous secteurs et métiers confondus, une croissance de 4% et les cadres de 3,8%». En 2018, ce sont toujours les non-cadres qui semblent être le parent pauvre et gagnent moins. avec  une croissance de 2,8%. En d’autres mots, les fonctions dites de cœur de métier restent moins privilégiées. Comment expliquer cette hausse des salaires des cadres et des managers ? Pour El Yousfi, cette inflation des salaires de cette cagoterie de collaborateur est plus ou moins justifiée : les compétences sont peu nombreuses. Du coup, l’enjeu est double : les attirer et les fidéliser. En effet, le rapport de force qui s’instaure entre l’employeur et ses cadres est largement favorable aux managers et cadres supérieurs. «La compétence est un bien rare et se paye aujourd’hui au prix fort», ne cesse de répéter l’expert en capital humain et rémunération. En se basant également sur les résultats 2018, on observe que le niveau des salaires des cadres et des managers au Maroc est parmi les plus élevés comparativement à d’autres pays comme le Portugal, la Roumanie, la Turquie...

En parallèle de ce constat, on observe «une conversion croissante des entreprises à un modèle de gestion salarial qui vise non plus uniquement à tenir compte de la progression et de la performance individuelle des collaborateurs mais à piloter l’équité dans le temps, c’est-à-dire les amplitudes salariales au sein d’une même catégorie socio-professionnelle ou d’une même classe de poste», comme le confirme M. El Yousfi. Et d’ajouter que «cette logique signifie en fait qu’à niveau de contribution, de compétences et de performance équivalents, les moins payés doivent bénéficier d’un taux d’augmentation supérieur aux mieux payés de sorte qu’à moyen terme, les écarts se resserrent. Cela signifie que la progression de salaire s’amortit à mesure que l’on grimpe dans la grille de salaire dans son poste ou sa catégorie de poste. Il faut pouvoir bénéficier d’une promotion et être projeté dans la grille supérieure pour pouvoir prétendre à de nouvelles progressions salariales importantes. 
Cette logique est vertueuse mais elle engage l’employeur : il doit être capable d’anticiper des évolutions de carrière et s’assurer que les collaborateurs ne s’éternisent pas trop longtemps dans le même poste». Derrière cette idée, insiste l’expert, se cache l’idée d’un parcours de rémunération individualisé indexé à la progression et le potentiel d’évolution. «Chez bon nombre d’entreprises, on n’y est pas encore. J’observe encore beaucoup de pratiques figées, centralisées qui intègrent trop peu la différentiation entre collaborateurs au mépris de l’équité», alerte-t-il.

Les métiers qui payent mieux
D’autres constats se dégagent de l’enquête Diorh-Mercer 2018 notamment la liste des métiers qui payent mieux. À en croire Mehdi El Yousfi, «Pas de bouleversement dans nos analyses, qu’elles soient sectorielles ou métiers». Les secteurs pharmaceutiques, high tech et agroindustriel tiennent le haut du pavé. Les fonctions support restent les mieux rémunérées (IT, Finance, RH, Marketing). «Par rapport à l’année dernière, on note en particulier une poussée de 2 familles métier (Finance et ingénierie) qui ont bénéficié de taux d’augmentation importants. En finance par exemple : les managers ont connu une progression moyenne de leur salaire de 5.7% et les cadres de 5.8%», clarifie M. El Yousfi. Autre point important : de réelles opportunités s’offrent aux titulaires des diplômes étrangers en comparaison avec les diplômés locaux. Les cursus à l’étranger bénéficient d’un premium salarial de 10 à 20 points. Côté rémunération, à moyen terme, la prime au diplôme étranger s’estompe. Tous diplômes confondus, les salaires progressent légèrement plus vite que la moyenne (6% par an VS 4% pour l’ensemble de la population). Les meilleures progressions ont été enregistrées chez les métiers d’ingénierie.

Quand la rémunération ne suffit plus pour fidéliser
La rémunération est un facteur d’engagement certes mais pas suffisant pour développer le niveau d’engagement. C’est ce qui a fait l’objet de la table-ronde organisée en marge de la séance de restitution des résultats de l’enquête. Tous les intervenons sont unanimes pour dire que l’entreprise doit accorder une place importante au management bienveillant et au bien-être au travail. Cela passe par l’écoute, la confiance, la reconnaissance et le développement du sens au travail. Ainsi, il devient urgent d’agir pour au moins atténuer les effets du manque d’engagement surtout quand on sait qu’accroître la qualité de vie de travail de 10% impacte le PIB de 1% et 1 euro investi génère 2,20 euros gagnés, selon des statistiques 
européennes. 


Entretien avec Mehdi El Yousfi, directeur général du cabinet Diorh

«Les entreprises doivent être capables de clarifier le niveau de contribution individuelle à la performance collective»

Management & Carrière : Que faut-il retenir de cette 19e édition de l’enquête de rémunération ? 
Mehdi El Yousfi
: Nous en sommes déjà à la 22e édition et il faut signaler qu’elle constitue un millésime tout particulier. C’est d’abord une année record : jamais nous n’avions eu autant de participants (166 entreprises, dont 20 tangéroises) et jamais nous n’avions couvert autant de postes (près de 700). Par ailleurs, cette édition est tout à fait particulière, car avec notre partenaire Mercer, nous avons revu en profondeur notre approche méthodologique. Nous avons défini une nouvelle nomenclature beaucoup plus fine que les années précédentes, capturant davantage de spécialités. Bien sûr cela rend plus ardue notre capacité à comparer les résultats d’une année à l’autre mais cela était absolument nécessaire pour se mettre toujours plus au diapason des besoins du marché. Le marché n’a pas présenté cette année de comportements très différents de ceux observés les années précédentes : il présente même une grande continuité d’une année à l’autre, cette édition n’y échappant pas. Un taux moyen d’augmentation qui avoisine les 4%, les managers (4%) et les cadres (3.8%) mieux servis que les non-cadres (2.8%), ces derniers ayant un taux couvrant à peine l’inflation (2.4%). Il n’y a pas de bouleversement dans nos analyses, qu’elles soient sectorielles ou métiers : ce sont toujours les secteurs pharmaceutique, high-tech et agroindustriel qui tiennent le haut du pavé, ce sont toujours les fonctions support, non directement impliquées dans les processus de production, qui sont les mieux rémunérées (IT, Finance, RH, Marketing). Les données que je vous livre concernent les augmentations salariales individuelles dans le poste et non pas l’augmentation moyenne du prix d’un poste par l’effet de tensions sur le marché du recrutement.

Les entreprises doivent-elles préconiser la performance collective ou individuelle ?
Les entreprises doivent être capables de clarifier le niveau de contribution individuelle à la performance collective. Cela signifie qu’il faut préconiser les deux dans de justes proportions. Tout le monde contribue à la performance collective et, de ce fait, mérite d’être rétribué en fonction de cette performance collective. Mais il faut savoir distinguer ceux dont la contribution à la performance collective est directe de ceux dont la contribution est plus indirecte ou occasionnelle. Pour les premiers, la part de la performance collective dans le bonus devra être plus forte que pour les seconds. Dans tous les cas, il faut améliorer l’incitation à la performance individuelle en l’articulant le plus possible à la performance collective, qui est la finalité recherchée de l’entreprise. L’articuler, cela signifie s’assurer que chacun, à titre individuel, se voit assigner des objectifs qui concourent à la réalisation de l’objectif collectif.

Individualiser la rémunération, est-ce un gage de performance ?
L’individualisation est une tendance encore trop timide mais qui mériterait d’être accentuée. Pourquoi ? Parce qu’elle est le gage à la fois de l’équité et de la capacité de l’entreprise à attirer des talents et des compétences. La rémunération n’a pas de sens seule. Elle doit s’articuler avec le parcours et le projet de carrière de chacun au sein de l’entreprise. Le salaire, c’est un parcours qui reflète la montée en compétence de chacun dans son poste d’une part, et d’un poste à l’autre d’autre part. Si vous n’individualisez pas, vous ne tenez pas compte de la singularité de chacun dans sa contribution et ses attentes, vous gérez tout le monde de manière uniforme et découragez l’émergence des talents, vous contrariez la relève des postes critiques… Bien sûr, individualiser ne veut pas dire gérer à la tête du client. Cela doit reposer sur des processus et des règles transparentes et être encadré très finement.

Un des problèmes invoqués par les salariés : même s’ils s’impliquent davantage dans leur travail, leur rémunération ne suit pas. Quel est votre avis ?
Il y a un grand malentendu, que les entreprises ont cultivé par déficit d’explication et de communication. Pour vous, pour moi, pour tout un chacun, le salaire a vocation à croître tout le temps, car il doit couvrir le renchérissement de la vie, l’inflation... Le sujet est extrêmement sensible, car le salaire, c’est du revenu, donc de la consommation, de l’épargne et de la protection sociale. L’entreprise rémunère une compétence à un certain niveau, dans une fourchette qu’elle estime être l’intervalle du juste prix de cette compétence. 

Donc, est-il si logique de considérer que le salaire doit progresser sans limite ?
Un autre point, c’est de savoir innover dans les dispositifs de rémunération, s’appuyer plus fortement sur les dispositifs variables qui doivent permettre de rétribuer la contribution à des projets significatifs de l’entreprise. 
Les entreprises convertissent de plus en plus tous leurs métiers à la gestion de projet. Ce genre de dispositif qui incite à se surpasser devrait être plus significatif qu’il ne l’est aujourd’hui dans le package de rémunération, il peut constituer
 un vrai moteur d’incitation sans mettre en péril ses équilibres par un accroissement de sa masse salariale.

La fonction RH en est-elle consciente ?
Oui, mais elle a du mal à l’expliquer clairement. 

La rareté de la compétence incite les entreprises à investir davantage en matière de rémunération. Quels sont vos conseils pour les recruteurs ?
Je ne vois pas beaucoup d’innovation ni de prise de risque dans la construction de dispositifs de rémunération. Il y a deux dispositifs simples qui sont aujourd’hui sous-utilisés, le focus étant essentiellement mis sur le salaire dit garanti : les incitations de court terme dont on a parlé (bonus ou primes exceptionnelles) et qui pourraient être de plus en plus déplafonnées, mais aussi les incitations de long terme (stock-options, bonus différés) qui sont un excellent levier de pilotage de la performance et de la rétention des talents. Le problème est que notre fiscalité n’est pas très avantageuse et n’encourage pas ce genre de pratiques, aujourd’hui très limitées. 

Lisez nos e-Papers