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«Internet n’est pas une référence pour évaluer la compétence artistique»

Qui ne connait pas le tube «Karima» qui a fait fureur dans les années 2000 un peu partout dans le monde ? Sa célébrité a dépassé celle de son créateur et interprète, dont le parcours fait rêver plus d’un. Dans cet entretien, notre artiste, qui voue un amour profond à son pays d’origine, nous dévoile le chemin qui l’a amené à devenir un artiste de réputation internationale, ce qu’il pense de la scène artistique marocaine, puis les projets qu’il compte mettre sur pied pour donner un coup de pouce aux jeunes talents. «Wach baqi», «Ne soit pas jalouse» et les nombreux trophées qu’il a reçus attestent sa renommée d’artiste intègre et très attaché à son pays.

«Internet n’est pas une référence pour évaluer la compétence artistique»
Simon Says.

«Le Matin» : Comment êtes-vous entré dans l’univers du show, sachant que vous avez entamé votre carrière dans le mannequinat en Suède, suite à un voyage de découverte en Europe qui vous a conduit à ce pays ? Racontez-nous un peu cette époque de votre vie ?
Simon Says
: L’objectif de mon voyage en Europe était pour découvrir ce qui se passait dans ces pays et connaitre le niveau de leur développement, leur civilisation et leur culture. Cela s’est passé au temps où on pouvait se déplacer par le biais d’une carte inter-rail pendant un mois. Mais, le destin a voulu que j’y retourne très vite, et plus précisément en Suède, après avoir décroché un contrat de mannequinat dans une grande société suédoise. Sachant que depuis que j’étais jeune, j’ai été un grand fan de Michael Jackson au point que j’apprenais par cœur ses shows, chants et danses. D’ailleurs, c’est ce qui m’a aidé à entrer dans le monde du mannequinat par la 
grande porte.

Donc, le domaine du chant était, depuis le départ, inscrit dans votre agenda ?
Effectivement, mon premier but était d’aller me perfectionner dans le vrai show qui se faisait dans le monde. Car, au Maroc on n’avait pas la possibilité ni les moyens d’être à la hauteur des stars internationales. On n’avait pas de stratégie pour cela. Donc, en résidant en Suède, j’ai pensé, en premier lieu, à installer chez moi un studio dans lequel j’ai commencé à m’exercer à faire des shows sous les Play back des chansons de Michael Jackson ou encore en chantant moi-même ses titres. C’est de cette manière que j’ai entamé ma carrière musicale, soit en faisant des Play back ou en reprenant les hit-parades de ces années accompagnés de chorégraphies. 

Qu’est-ce qui vous a motivé à sortir une chanson à vous ?
À l’époque, j’avais écrit une chanson en anglais «Please I want you to stay». C’est à base de ces paroles que j’ai sorti le titre «Karima» qui a été produit par une boite internationale. Il a été accueilli à bras ouverts aussi bien dans le monde arabe qu’occidental. C’est là où j’ai été sollicité par les animateurs marocains pour venir se produire au Maroc.

Quel a été votre objectif à travers ce genre musical que vous avez choisi ?
Faire connaitre notre culture et notre civilisation marocaines que les autres pays ne peuvent découvrir que si on peut communiquer avec eux avec le même langage. C’est là où «Karima» a joué son rôle et a pu franchir les frontières de plusieurs pays et remporter un grand succès auprès de tous les publics.

Mais, pourquoi cette absence de presque 15 ans du Maroc, suite au succès de «Karima» ?
C’est vrai que j’ai trouvé l’amour du public marocain dont je suis très fier. Mais, en parallèle, je n’ai pas trouvé ce que je voulais sur le plan artistique, vis-à-vis de l’infrastructure musicale, médiatique et professionnelle, alors que je suis venu avec des idées et des projets très fructueux pour notre pays. J’ai voulu que les rêves que j’ai pu exaucer en Suède puissent voir le jour au Maroc avec des artistes marocains, et ce, dans la clarté et la transparence, tout en encourageant la compétence en premier lieu. Mais, j’ai été confronté à l’inconscience et au clientélisme. 

Quel a été votre projet au Maroc ?
Encadrer des jeunes pour qu’ils puissent trouver leur place dans le marché du travail en créant l’Association «Al Mouazat». Je ne suis pas le seul à faire cela. Beaucoup d’artistes dans le monde contribuent à la vie sociale dans leur pays. D’ailleurs, c’est ce que j’ai fait en Suède. Les jeunes que j’ai encadrés en Suède ont toujours trouvé un travail. J’ai voulu réaliser la même chose au Maroc. Mais, je n’ai pas trouvé répondeur. 

Vous dites que notre univers musical a connu une décadence ces dernières années ? Quelle en est la raison, selon vous ?
D’abord, on ne doit pas généraliser. Mais, la majorité des titres qui sortent ces dernières années manquent de créativité. Par exemple, dans le domaine du rap, les rappeurs se contentent de reprendre les fonds musicaux. Aucune créativité musicale et aucun effort sur le plan des paroles. C’est ce qui donne des chansons sans âme et sans aucune sensibilité artistique.

Par contre, on voit que certains sont très célèbres sur Internet ?
L’Internet n’est pas une référence pour évaluer la compétence. On sait bien que beaucoup de chanteurs achètent les vues. Donc, quelqu’un qui achète des vues et ment à toute une société, ce n’est pas un artiste. Il ne doit pas être fier de ce qu’il présente. D’ailleurs, un jour il sera déçu par sa vérité.

Qu’est-ce qui les pousse à faire cela ?
Pour être invités à la télévision, aux stations radio et aux festivals. Ce qui est très dangereux. Car, la télévision est une école. Il n'est pas donné à n’importe qui de s’y produire. Il faut qu’il soit à la hauteur de l’art qu’il présente et du public qui le regarde. Or, ce n’est pas toujours le cas dans nos télévisions.

Qu’est-ce qui nous a entrainé à ce stade de médiocrité, alors que la chanson marocaine est passée par un âge d’or incontestable ?
Ces soi-disant artistes n’ont pas compris la liberté qu’on leur a donnée. Normalement, ils devaient l’utiliser pour faire passer des messages, faire évoluer notre musique et non pour propager la médiocrité et la bêtise. Et c’est là où les radios, les télévisions, les festivals, le BMDA doivent jouer leur rôle pour imposer un contrôle au niveau des paroles, des compositions et des voix. Moi, j’ai vu des parents qui frappent leurs enfants parce qu’ils reprennent des chansons avec des paroles «vulgaires» qui ne doivent pas, normalement, passer dans des radios et des télévisions. Sachant que l’enfant n’est qu’une victime de ce qui tourne dans les supports de médias et dans les festivals. Alors qu’on peut donner au jeune ce qu’il veut, mais d’une manière plus créative.

Est-ce qu’il est possible d’y remédier ? Et par quel moyen ?
Il n’est jamais trop tard. Il faut travailler avec des gens compétents, transparents et fidèles à leur pays qui puissent ouvrir le dialogue avec tout le monde sans aucune discrimination. Et là, on peut sauver ce qui peut l’être et bannir cette situation d’écouter la médiocrité et de voir les mêmes visages dans tous nos programmes. Il nous faut une chaine consacrée à notre créativité artistique pour promouvoir notre art dans les autres pays… Une vraie réforme s’impose à nous pour sauver notre art. 

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