Menu
Search
Samedi 20 Avril 2024
S'abonner
close
Samedi 20 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Fête de la Jeunesse

«L’action associative peut être un tremplin social pour les jeunes»

Youssef Cheffoui est la preuve que l’action associative peut être un excellent ascenseur social. Parti de presque rien, ce jeune Slaoui, issu d’un milieu défavorisé, a créé en 2002 une association de quartier, «Amal Salé». Au fil des années et au prix de beaucoup de sacrifices, mais aussi grâce à l’appui de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) et de la Fondation Mohammed V pour la solidarité, son petit projet a grandi et son association est devenue un partenaire crédible des autorités locales.

No Image

Le Matin : Parlez-nous de votre parcours dans l’action associative ?
Youssef Cheffoui :
Tout a commencé en 2002 avec la création d’une association locale au quartier populaire Al Inbiaat «Amal Salé». Les débuts étaient très difficiles et les défis à relever étaient presque insurmontables. Il fallait s’affirmer et s’imposer dans un environnement qui ne reconnaissait que les associations ayant pignon sur rue ou qui sont gérées par des personnalités en vue. Nous n’avons pas cessé de frapper aux portes des responsables de l’administration territoriale, de solliciter les élus pour être reçus et écoutés, d’autant qu’à l’époque, le terme «proximité» était en vogue, le Souverain ayant appelé à instaurer un nouveau concept de l’autorité basé sur la proximité, l’écoute et l’accompagnement. Mais je dois dire que l’accueil qui nous avait été réservé était la plupart du temps froid, voire dédaigneux. Nous étions une petite association de quartier, en mal de ressources, qui cherchait encore ses marques. Mais le tournant dans notre parcours, c’était lorsque nous avons intégré le Réseau Maillage des associations locales, dont j’ai été un des membres fondateurs. Notre association a connu dès lors un grand essor et a gagné en visibilité. Nous avons établi un programme d’activités socioculturelles, éducatives et sportives en faveur des jeunes de notre quartier. Et au prix de beaucoup de sacrifices et de travail acharné, nous avons fait de notre association une des plus actives et des plus crédibles au niveau de Salé. À telle enseigne que 9 ans plus tard, nous nous sommes vu confier la gestion de l’Espace socio-éducatif d’appui aux compétences des jeunes qui a été inauguré par S.M. le Roi Mohammed VI le 17 août 2011 et que j’ai eu l’insigne honneur de diriger de 2011-2016.

Pensez-vous que votre association a pu avoir un impact sur la vie des jeunes du quartier ?
Certainement. Grâce à Amal Salé, des centaines de jeunes ont pu améliorer leurs compétences, renforcer leurs capacités et augmenter leur chance d’insertion socioprofessionnelle. Notre ambition était d’offrir aux jeunes défavorisés ce dont nous avions été privés à nos débuts. Je me rappelle qu’au départ, mon rêve était de pouvoir manier un ordinateur. À présent, nous offrons à des centaines de jeunes et de moins jeunes la possibilité de s’initier à l’outil informatique grâce à un partenariat avec l’INDH qui nous a équipés en matériel nécessaire. Sur le plan personnel, l’action associative m’a offert des opportunités en termes d’épanouissement personnel, professionnel et social. Grâce à l’engagement quotidien auprès des jeunes de mon quartier, j’ai pu développer mes capacités et apprendre à donner le meilleur de moi-même à mon pays et à mes concitoyens. L’engagement associatif m’a ouvert de nouvelles portes. J’ai ainsi appris l’anglais, j’ai eu l’opportunité de collaborer avec l’ambassade des États-Unis à Rabat. J’ai même pris part à des programmes d’échanges internationaux et assisté à des manifestations internationales dédiées à la jeunesse en Europe et aux États-Unis.

Pensez-vous que l’action associative peut être un tremplin pour les jeunes souhaitant améliorer leurs conditions et celles des gens de leurs communautés ?
Il va sans dire que l’action associative contribue à l’inclusion économique et sociale des jeunes, comme je viens de l’expliquer. Des dizaines de jeunes de mon entourage et moi-même avons pu améliorer nos conditions de vie, accéder à l’emploi et prendre en charge des familles grâce à l’action associative. Je pense qu’il suffit de s’engager de manière sincère, sérieuse et professionnelle pour récolter les fruits de ses efforts. Les associations travaillent aujourd’hui comme des entreprises, avec un budget, des objectifs, en partenariat avec les départements ministériels et les conseils élus. Je voudrais souligner à ce titre que l’INDH a joué un rôle déterminant, dans la mesure où elle a créé un climat propice à ce partenariat et offert un cadre adéquat pour le partenariat avec l’État. Les rapports entre les associations et les pouvoirs publics sont plus sains, plus professionnels, loin de tout amalgame ou récupération. Pour toutes ces raisons, j’estime que les jeunes doivent s’engager dans l’action associative.

Que pensez-vous des politiques publiques dédiées à la jeunesse ? 
Répondent-elles à leurs attentes ?

Les jeunes d’aujourd’hui ont des attentes beaucoup plus importantes que leurs prédécesseurs. Et ce serait une grossière erreur de ne pas les prendre en compte. Ces attentes dépassent de loin les politiques menées par certains secteurs gouvernementaux ou instances élues. Déjà, la Constitution a accordé une place de choix à la question de la jeunesse. Et il ne faut pas perdre de vue que S.M. le Roi ne cesse de rappeler dans plusieurs discours l’impérieuse nécessité d’aborder la question suivant une approche nouvelle et novatrice qui prenne en considération la nécessité d’être à l’écoute de leurs attentes et de les impliquer dans l’élaboration et la conduite des projets et programmes les concernant. Sauf que certaines mentalités figées refusent de s’adapter à cette nouvelle donne et continuent de réfléchir suivant une logique désuète. C’est ce genre d’attitude qui fait que beaucoup de jeunes boudent la politique et ne s’intéressent pas à la chose publique. L’opportunisme et l’arrivisme de certains responsables politiques font que les jeunes ont désormais tendance à ajouter peu de foi aux projets et initiatives lancés. Ce qui est regrettable. Les partis politiques sont pour beaucoup dans le désamour qu’éprouvent les jeunes pour la politique et les échéances électorales. C’est que pendant de longues années, ils ont été marginalisés ou au mieux cantonnés dans des rôles de façade. Alors qu’il faut les impliquer réellement, leur donner l’occasion d’assumer la responsabilité de la prise de décision, encourager le dialogue, l’ouverture, l’échange et la démocratie interne. Les jeunes Marocains ont un potentiel extraordinaire et regorgent d’énergie. Il faut les écouter, les considérer, prendre en comptes leurs idées, leurs propositions et leurs initiatives. C’est la seule manière de les mettre au cœur du projet de société voulu par S.M. le Roi.

Partant de votre expérience, quels messages souhaitez-vous adresser aux jeunes marocains ?
Je recommande aux jeunes de s’impliquer dans l’action associative. C’est une entreprise doublement bénéfique. D’un côté, ils pourront ainsi offrir leur soutien aux plus démunis et aux catégories vulnérables. Le partage, la solidarité et le sacrifice sont des valeurs qui doivent être portées et promues par les jeunes. Et d’un autre côté, c’est un excellent moyen d’inclusion sociale et économique. L’emploi est le problème numéro un des pouvoirs publics et l’État fait des efforts pour lutter contre le chômage, mais il y aura toujours des personnes sans 
emploi. Le salut peut venir de l’engagement associatif. 

Lisez nos e-Papers