Au Cap, Johannesburg, Pretoria, Durban, Port Élisabeth et bien d’autres villes, des milliers de travailleurs et citoyens sont descendus dans les rues pour demander des augmentations des salaires, dénoncer les nouvelles lois du travail et s’élever contre la dégradation des conditions de vie dans un pays frappé par une grave crise économique. «Nous rejetons les salaires de l’esclavage», «Redistribuez les terres à tous les Sud-Africains», «à bas le Cosatu» sont parmi les slogans scandés par les manifestants. Les travailleurs rejettent notamment une offre du gouvernement de porter le salaire minimum légal (SMIG) à 20 rands/heure (1 dollar américain = environ 12,50 rands), soit 3.500 rands/mois. Cette augmentation est jugée «humiliante» par le SAFTU, un syndicat créé il y a un an et qui regroupe 750.000 adhérents. Cette augmentation et les amendements aux lois sur le travail, approuvés mardi, représentent «la plus grave attaque» contre les travailleurs depuis la fin de l’apartheid en 1994, a dit le syndicat.
Les autres syndicats dont le Cosatu, plus grande centrale syndicale qui soutient le parti de l’ANC (au pouvoir), a apporté son appui à l’augmentation du SMIG à 20 rands/heure et aux amendements aux lois sur le travail. L’augmentation du SMIG représente la mesure «la plus progressiste» adoptée en Afrique du Sud depuis 1994, a dit le Cosatu, très critiqué lors des manifestations organisées mercredi dans les différentes villes
du pays. Le Cosatu forme avec le parti communiste et l’ANC une alliance stratégique ayant permis au parti de Nelson Mandela de se maintenir au pouvoir depuis 1994. La grève de mercredi intervient dans une conjoncture difficile pour ce pays, comptant parmi les plus industrialisés du continent africain. La province de North West (nord du pays) vit depuis la semaine dernière au rythme de violentes manifestations contre la détérioration des services publics.
Ces manifestations, accompagnées par des scènes de pillage, avaient contraint le Président sud-africain Cyril Ramaphosa à écourter une visite en Grande-Bretagne où il prenait part au sommet du Commonwealth à Londres. Selon les analystes, l’exacerbation de la tension sociale en Afrique du Sud est le résultat de la crise économique qui plombe le pays depuis 2015. Le Produit intérieur brut du pays n’arrive pas à retrouver sa vitesse de croisière d’avant la Grande Récession de 2008-2009. Le Fonds monétaire international a récemment indiqué que la croissance économique en Afrique du Sud atteindra 1,5% en 2018, concédant que cette croissance sera compliquée par des obstacles d’ordre structurel. Le pays arc-en-ciel continue, depuis sa libération du joug de l’apartheid, de souffrir de graves déficits, dont un chômage affectant plus de 27,7% de la population active et une pauvreté touchant plus de la moitié de la population, selon les chiffres officiels.
Abdelghani Aouifia - MAP