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L'heure est à l'urgence !

La question de l'employabilité des personnes en situation de handicap n'en finit pas d'agiter les consciences et de préoccuper les esprits. Pour autant, elle ne semble pas près d'être résolue vu le taux de chômage très élevé enregistré au milieu de cette catégorie qui peine à s’insérer dans le monde du travail. Il est vrai que plusieurs initiatives tentent de remédier à cette situation, mais le chemin à parcourir est encore bien long.

Selon l'Enquête nationale sur le handicap réalisée en 2014 par le ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, le taux de chômage des personnes en situation de handicap, de léger à très sévère est 4 fois supérieur à celui du taux de chômage national. Il atteint ainsi les 47,65% et concerne quelque 290.000 personnes. Quant au taux de chômage de modéré à sévère, il s'élève à 67,75% (174.494 personnes), soit 6 fois supérieur à celui du taux de chômage national. Des chiffres qui interpellent !
L’amélioration de l’employabilité des personnes en situation de handicap (PSH) nécessite une approche inclusive garantissant l’ensemble des droits de cette catégorie pour une intégration effective à la société. Pour lutter contre les différentes formes de discriminations, le Maroc s'est engagé dans une politique volontariste visant à garantir l'égalité des chances et d'insertion professionnelle. Selon les dispositions de l’article 33 de la Constitution de 2011 « Il incombe aux pouvoirs publics de prendre toutes les mesures appropriées en vue de : Étendre et généraliser la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel et politique du pays,  Aider les jeunes à s’insérer dans la vie active et associative et prêter assistance à ceux en difficulté d’adaptation scolaire, sociale ou professionnelle… ».  L’article 34 ajoute que « Les pouvoirs publics élaborent et mettent en œuvre des politiques destinées aux personnes et aux catégories à besoins spécifiques. A cet effet, ils veillent notamment à : Traiter et prévenir la vulnérabilité de certaines catégories de femmes et de mères, des enfants et des personnes âgées, Réhabiliter et intégrer dans la vie sociale et civile les handicapés physiques sensorimoteurs et mentaux et faciliter leur jouissance des droits et libertés reconnus à tous.».

En 2016, le gouvernement a approuvé le projet de la loi-cadre 97-13 relatif à la protection et à la promotion des personnes en situation de handicap, mais sa mise en œuvre enregistre du retard. «La loi-cadre 97-13 relative à la protection et à la promotion des personnes en situation de handicap, qui a répondu aux aspirations, de près ou de loin, conformément à l’esprit de la convention, est une loi d’orientation, mais nous sommes en retard par rapport aux décrets d’application et les textes associés», explique Dr Mohamed Laazri, professeur à l’Université Hassan II de Casablanca, à l’occasion d’une conférence tenue la semaine dernière à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Aïn Sebaa à Casablanca, autour de l’employabilité des PSH, avec la participation de plusieurs acteurs du monde socioéconomique.

Pour Idir Ouguindi, membre de l'Amicale marocaine des handicapés (AMH), l’inclusion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap passe par la santé, l’autonomie et la formation. «On ne peut pas parler d’inclusion si la personne en situation de handicap n’a pas été prise en charge au niveau de la santé pour préparer la personne à retrouver une certaine autonomie ou si elle n’accède pas à l’école», a-t-il indiqué.
En effet, l’employabilité des PSH est une question transversale, car elle reflète l’aboutissement des différentes politiques sociales, d’éducation et de santé mises en place pour assurer l’intégration de cette catégorie au sein du tissu socioéconomique. D’où la nécessité d’une politique inclusive regroupant les différents acteurs concernés, qui doivent travailler ensemble pour garantir les droits des personnes en situation de handicap. «Le décalage entre les politiques et la réalité sur le terrain nous mène à sacrifier des générations et à rendre le problème des personnes en situation de handicap plus complexe, sachant que le handicap du point de vue économique coûte à l’État 2% de son PNB», souligne Dr Mohamed Laazri. 
Pour remédier à cette situation, plusieurs acteurs socioéconomiques ont mis en place des initiatives afin de faciliter l’insertion professionnelle des PSH. En collaborant avec les associations œuvrant dans ce domaine, des entreprises ont recruté des personnes en situation de handicap, favorisant une culture d’inclusion au sein de leurs organisations. Une démarche qui nécessite l’implication de l’ensemble des collaborateurs. «Cela va de la direction générale, qui doit porter le projet, de la direction des ressources humaines, qui la met en œuvre, au management de proximité, qui doit accorder une attention particulière à ses recrues», affirme Melanie Benali, directrice des ressources humaines d’Axa Partners Maroc. Les intervenants lors de cette conférence ont été unanimes sur la nécessité pour les entreprises de s’inscrire dans le cadre d’une politique d’inclusion des PSH. Un défi qui passe, entre autres, par la mise en place de mesures incitatives à l’insertion des personnes en situation de handicap ou encore de la discrimination positive. «La question des quotas a été tranchée pour la fonction publique, pour le secteur privé il y a actuellement un débat entre le ministère et la Confédéraion générale des entreprises du Maroc (CGEM) pour pouvoir arrêter un quota, mais malheureusement la plupart des entreprises refusent la logique des quotas, sachant que celle-ci existe partout dans le monde», note Dr Mohamed Laazri, professeur à l’Université Hassan II de Casablanca. Encore faut-il qu’il y ait d’abord un suivi de l’application de ces quotas dans le public avant de lancer le débat dans le secteur privé.


Déclaration : Dr Mohamed Laazri, professeur à l’Université Hassan II de Casablanca

«Au Maroc, on peut dire qu’il y a un changement, mais qui va doucement si nous le comparons aux besoins en matière d’insertion des personnes en situation de handicap. Par rapport aux données statistiques, nous sommes dans une situation critique actuellement vu les données de l’enquête menée par le ministère de développement social et celles menées dans le cadre du recensement par le Haut Commissariat au Plan. Cette situation nous oblige à agir et à mener une politique publique nationale inclusive. La question de l’employabilité est le fruit d’une politique qui démarre depuis la naissance, la prévention, la réadaptation sociale, médicale et technique, l’éducation, la formation, après nous pouvons parler d’employabilité. Nous devons également toucher l’auto-emploi qui est l’avenir, c'est-à-dire tout ce qui concerne les ateliers protégés, les microcrédits, les activités génératrices de revenus et les coopératives. Malheureusement, nous sommes en décalage entre les déclarations et la réalité. Ce décalage nous mène à sacrifier des générations et à rendre le problème des personnes en situation de handicap plus complexe, sachant que cette question coûte du point de vue économique à l’État 2% de son PNB. Car, celui-ci n’a pas donné la possibilité à ces générations pour qu’elles soient actives, autonomes et qu’elles participent au développement de notre pays».  


Entretien avec Melanie Benali, directrice des ressources humaines d’Axa Partners Maroc

«Pour que la démarche d’insertion des personnes en situation de handicap  fonctionne, il est important que la politique d’intégration soit globale»

Éco-Emploi : Quelle démarche RH pour faciliter l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap (PSH) au sein des entreprises ?

Melanie Benali : En matière d’insertion des personnes en situation de handicap, nous avons appris en faisant. En 2014, à l’occasion de l’ouverture d’un nouveau plateau d’assistance, nous avons pris contact avec l’Amicale marocaine des handicapés (AMH) afin qu’ils puissent nous proposer des candidats. Sur la quinzaine de candidats recrutés, deux étaient en situation de handicap. À cette période, nous ne nous étions pas encore posé la question de l’implication de l’ensemble de l’entreprise dans la démarche.
Notre démarche s’est professionnalisée au fur et à mesure. Nous avons eu le soutien de Handicap International, avec lequel nous avons travaillé sur un diagnostic handicap. Ceci nous a permis de nous rendre compte que même si nous pensions être bons dans le domaine, nous avions encore de nombreux axes d’amélioration que cela soit en matière d’aménagement des locaux ou de sensibilisation des équipes.

Quelles sont les clés de succès de cette démarche ?
L’apport du monde associatif est un vrai facteur de réussite. Des associations telles que l’AMH et Handicap International, qui sont de vrais professionnels du métier, nous ont aidés à structurer notre démarche. En entreprise, pour que cette démarche fonctionne, il est important que la politique d’insertion soit globale. Il est indispensable que l’ensemble des collaborateurs soit impliqué. Cela va de la direction générale qui doit porter le projet, de la direction des ressources humaines qui le met en œuvre et du management de proximité qui doit accorder une attention particulière à ses recrues. Il faut également sensibiliser les collaborateurs pour faciliter l’intégration de leurs collègues au sein de l’entreprise. Lorsque la démarche est bien faite, le succès est au rendez-vous.

Quel impact de l'employabilité des personnes en situation de handicap sur la culture d’entreprise ?
L’impact sur la culture d’entreprise n’est pas une donnée mathématique que l’on peut mesurer avec des indicateurs. Par contre, nous avons une réelle solidarité qui est visible au quotidien au sein de nos équipes. Nous avons pu la mesurer de manière encore plus évidente lorsque nous avons intégré en stage un collaborateur souffrant d’autisme. 
Notre démarche d’intégration s’est voulue qualitative. Avec l’appui de notre médecin du travail, nous avons organisé des séances de sensibilisation et d’encadrement des équipes avant l’arrivée du collaborateur. Là où certains collaborateurs étaient inquiets à l’idée de travailler avec une personne différente, de peur de ne pas savoir comment réagir, nous avons en l’espace de trois mois éveillé les consciences. Nous sommes collectivement sortis grands de cette expérience. 

Avec ces initiatives, nous avons aussi pu être connus et reconnus puisque nous avons reçu deux prix en la matière :

- En 2016, nous avons reçu le prix « Egalité des chances » Incorpora / CGEM

- En 2017, nous avons reçu le trophée « Inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap » dans le cadre des Trophées Marocains « Diversité et Inclusion » organisé par la CGEM.

Ces récompenses nous permettent entre autre d’améliorer notre « sourcing » avec les associations qui nous connaissent mieux et qui nous proposent des candidats qui répondent à nos besoins.

 

 

 

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