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«L’histoire de “Signature” raconte le parcours de cinq personnages qui ont des liens familiaux et professionnels étroits et complexes».

La troupe Oubour partira bientôt en tournée nationale avec sa nouvelle création théâtrale «Signature». Plus de détails avec Issam El Yousfi, auteur de la pièce.

«L’histoire de “Signature” raconte le parcours de cinq personnages qui ont des liens familiaux et professionnels étroits et complexes».
Issam El Yousfi.

 Le Matin : Parlez-nous de la pièce de théâtre «Signature» 
Issam El Yousfi
: Avant de parler de la pièce, je tiens à saluer vivement toute l’équipe qui porte ce projet avec amour et créativité… Concernant la pièce, il est toujours difficile de résumer l’histoire ou la fable d’une pièce, mais essayons. L’histoire de «Signature» raconte le parcours de cinq personnages qui ont des liens familiaux et professionnels étroits et complexes : Hamza, l’homme politique controversé ; sa femme Soukaina, avocate révoltée et mère d’un enfant handicapé ; Kenza, la cousine de Soukaina, amante de Hamza et patronne d’une boite de publicité ; Tarik, frère de Kenza, ministre opportuniste du parti de Hamza ; et Houssein, gardien de prison qui a deux femmes et rêve de devenir Imam de mosquée. Ces personnages sont rassemblés autour d’un événement : l’emprisonnement de Hamza accusé dans une affaire d’effondrement d’un immeuble et de «diffamation» contre des militaires. Le long de la pièce, tous les protagonistes de l’histoire se mobilisent pour faire sortir Hamza de prison. Mais pour sortir, ce dernier doit signer une lettre d’excuse ; il résiste à cette condition… 

Cette pièce traite des notions comme le pouvoir, la famille, le désir, la foi, la carrière… pourquoi le choix de ces thématiques ? 
Effectivement à travers cette histoire et les diverses situations engendrées, la pièce tente de mettre en question un ensemble de thèmes et de notions tels le pouvoir, la famille, le religieux et autres… Au départ, je ne choisis pas des thèmes précis ; des fois, c’est la réalité socioculturelle du présent qui les impose ; d’autres fois, c’est les désirs des personnages et leurs ancrages qui me poussent à les soulever et les traiter. Pour l’expérience de «Signature», l’idée de départ était proposée par notre ami Zakaria Lahlou, l’interprète du rôle de Hamza, qui a œuvré par ailleurs avec beaucoup de conviction artistique et de persévérance humaine à la réalisation et à la réussite de ce projet. Après, j’ai mis en place une proposition dramaturgique - structure et personnages – puis le travail d’écriture a commencé avec une interférence de plusieurs thèmes à partir de ma vision de la société marocaine aujourd’hui. Le théâtre à mon sens a pour rôle de réfléchir sur notre rapport social et nos liens psychologiques avec notre réalité et tous ces thèmes énoncés permettent de porter un regard sur l’inconscient humain et son impact sur la réalité quotidienne. Les choix thématiques sont toujours en connexion avec les questions sociétales, car la pratique théâtrale est une relation avant tout avec le public ici et maintenant…  

Ces thèmes ont été traités auparavant, en quoi «Signature» est-elle différente des autres pièces qui ont abordé les mêmes sujets ? 
Les thèmes sont éternels et constants, c’est le traitement qui change et c’est le style qui fait la différence. Mon thème de prédilection ou plutôt la matière dramatique la plus riche pour moi, c’est la famille et toutes les configurations qu’elle offre. La famille est un thème classique abordé par les anciens et qui reste majeur pour parler aussi du présent. Dans mon traitement, il y a un travail d’historisation et de contexte référentiel. Le texte «Signature» ambitionne d'éclairer des questions actuelles liées aux valeurs qui fondent notre société marocaine… S’il y a lieu de chercher une différence ou une particularité de ce texte, on peut la trouver dans le style de la composition des personnages, leurs manières de parler d’eux-mêmes et aussi dans la manière de raconter collectivement leurs histoires. C’est à ce niveau que le travail d’un auteur est essentiel et fondamental et peut prétendre à une singularité dramaturgique… Mon projet en tant qu’auteur de théâtre, c’est bien d’inventer une touche et un style propre reconnaissable d’un texte à un autre ; dans ce sens, j’ai des retours et des échos de la part des artistes comédiens qui ont travaillé sur plus d’un texte de moi…   

Peut-on dire que cette pièce est une analyse de la société marocaine ? 
Oui, il y a un travail d’observation et d’interaction avec la réalité sociale marocaine. Moi, je suis avant tout un citoyen marocain conditionné par un environnement culturel et politique précis ; à travers l’écriture et l’art dramatique, je tente de mettre en miroir «artistiquement» ce vécu commun. Ma proposition ne se limite pas à un regard sociologique, je cherche aussi à créer des émotions individuelles, à toucher l’univers mental intérieur et à casser la pierre de glace qui pèse plus ou moins lourdement… Ma vision est très claire : j’écris pour un théâtre social où la dramatisation de la poésie est au centre, car la langue est un enjeu majeur dans mon écriture.

Quelle est la spécificité de l’écriture pour le théâtre ? 
Cela fait à peu près de 35 ans que je m’intéresse «sérieusement» au théâtre et à peu près 25 que j’enseigne la dramaturgie, je traduis, j’adapte et j’écris… la spécificité et les modes d’écriture pour le théâtre changent ; je dirai que chaque œuvre à sa propre spécificité… Il y a, bien sûr des normes, des techniques, des genres, mais toutes les règles sont ouvertes à la transgression. Cela ne veut pas dire qu’on peut écrire avec une liberté totale et sans savoir ou conscience ; chaque création a sa propre logique et ses propres règles internes et c’est ça la vraie création. Pour répondre partiellement à votre question, je dirai qu’un texte de théâtre doit porter en lui au-delà des idées une tension et une énergie qui déclenche des émotions lucides et intelligentes chez les interprètes et auprès du public… 

Quelles sont vos influences ? 
La lecture et la relecture des grands est fondamentale pour moi ; l’écriture s’inscrit entre la continuité et la rupture, entre le passé et le présent ; Shakespeare, Tchékhov, Lorca, Koltès : ce sont des auteurs qui m’ont marqué et leurs œuvres continuent à me révéler l’essence de l’écriture dramatique. Un texte de théâtre est une histoire de réécriture ; ma mémoire et mon esprit sont habités par des centaines de personnages et de situations ; mon imaginaire n’est pas totalement libre. L’acte d’écriture s’inscrit à la fois dans l’expérience réelle du présent et dans l’expérience ludique du passé. Les anciens nous aident à comprendre comment parler de notre réalité d’aujourd’hui et nous rappellent constamment que le théâtre est une affaire sérieuse et que le savoir est fondamental. 

Quels sont vos projets ? 
Il y a déjà des projets en cours et moi j’aime bien les accompagner : bientôt, on va programmer une tournée nationale du spectacle «Signature» avec un captage pour la télé ; il y a aussi la reprise du spectacle «Prise de parole» avec une tournée européenne au mois de mai ; puis on va reprendre de même la création «Saliha» à la rentrée prochaine… Je finalise également deux textes nouveaux et une traduction qui vont être montés prochainement. Il y a aussi l’idée d’un livre réflexion sur le métier d’écrivain de théâtre en liaison avec ma propre expérience d’auteur, c’est un projet qui me passionne beaucoup ; je l’ai commencé il y a quelques semaines à peine .

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